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Mort de Karine Esquivillon : que sait-on du profil de son mari, Michel Pialle, mis en examen pour "meurtre sur conjoint" après ses aveux ?

Cet homme de 51 ans a été interpellé mercredi matin à son domicile, à Maché (Vendée), deux mois et demi après la disparition de sa femme.
Article rédigé par Catherine Fournier, Juliette Campion
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Michel Pialle, lors d'un entretien à France Télévisions, le 23 mai 2023. (FRANCE TELEVISIONS)

"Je comprends [les soupçons] dans la mesure où il y a eu des affaires qui ont défrayé la chronique : Daval, Jubillar, machin, truc...", expliquait Michel Pialle fin mai dans le magazine "Sept à huit", sur TF1. "Je suis aussi inquiet que tous les autres puisque je ne comprends pas qu'elle ne donne pas de nouvelles", ajoutait alors le compagnon de Karine Esquivillon, dont il avait signalé la disparition le 27 mars, une semaine après la date présumée de celle-ci.

Placé en garde à vue mercredi à la gendarmerie de La Roche-sur-Yon (Vendée), Michel Pialle a avoué avoir tué la mère de famille de 54 ans. Il invoque un accident, survenu alors qu'il nettoyait une arme à feu. Sur ses indications, les gendarmes ont retrouvé le corps de Karine, vendredi 16 juin au matin, deux mois et demi après le début de l'affaire. Dans l'après-midi, Michel Pialle a été mis en examen pour "meurtre sur conjoint" et placé en détention provisoire, a annoncé son avocat.

Connu de la justice pour des infractions financières

Jusqu'à ce que qu'il cède face aux enquêteurs, dans la nuit de jeudi à vendredi, la version des faits du quinquagénaire n'avait pas bougé. Selon son conseil, Antoine Ory, interrogé par France Télévisions, Michel Pialle, au début de sa garde à vue, restait "sur la même ligne (...) Il dit ce qu'il a toujours dit." Y compris face aux caméras de télévision. Depuis le salon de sa maison cossue, il répétait que Karine Esquivillon était partie de son propre chef, emportant avec elle des affaires, dont 40 000 euros en liquide et en pièces d'or, et lui adressant ce SMS : "Marre de vivre à deux mais pas en couple, je vais chercher quelque chose, je reviens vers toi pour les enfants." Selon Michel Pialle, le couple était séparé depuis quatre ans mais vivait sous le même toit pour des raisons financières. Celle qu'il appelait toujours "ma femme" dans un échange avec France Télévisions était partie, selon lui, avec quelqu'un pour vivre dans le sud de la France.

Le portable de Karine Esquivillon a été retrouvé dans un fossé à moins de deux kilomètres de sa maison et n'a jamais quitté le secteur. La photo de la dune du Pilat (Gironde) qu'elle est censée avoir envoyée à sa famille est identique à une image trouvée sur internet. Outre les "incohérences" entre les constatations effectuées par les gendarmes et la version de Michel Pialle, les enquêteurs s'intéressent aussi au parcours et à la personnalité de cet homme. Ils ont notamment découvert que l'homme "était bien connu de la justice avant cette affaire, essentiellement pour des infractions à caractère financier, comme des escroqueries", a appris France Télévisions auprès du parquet de La Roche-sur-Yon.

D'architecte à "agent secret"

Michel Pialle, qui a effectué une partie de sa scolarité à Paris et en banlieue parisienne, se présente sur son compte Linkedin comme architecte depuis novembre 2012. "J'ai tous les diplômes de maître d'œuvre, mais j'ai monté une entreprise de vente et achat d'objets de collection, ça fait plusieurs mois", a-t-il déclaré à France Télévisions. Une société de "vente à distance sur catalogue spécialisé" est en effet enregistrée à son nom depuis 2009 et localisée à Maché. "Je travaille à 80% à l'étranger, j'ai des demandes particulières d'éditions originales de BD, livres anciens…", a-t-il détaillé, précisant toutefois avoir arrêté de travailler "depuis quelques mois" en raison d'un "lupus" (une maladie auto-immune).

La sœur de Karine Esquivillon émet toutefois des doutes sur de telles déclarations. "Un jour, mon fils qui avait un peu vécu chez eux en 2015 m'a demandé si j'étais au courant que Michel était agent secret. Il lui avait montré des médailles. L'été, quand nous sommes allés là-bas, il nous les a montrées aussi. Je me suis dit qu'il les avait achetées à la brocante", explique Adélaïde Esquivillon à franceinfo.

"J'avais le sentiment de quelqu'un qui s'inventait une vie et, évidemment, il ne fallait rien dire !"

Adélaïde, la soeur de Karine Esquivillon

à franceinfo

"Je comprends mieux maintenant ce côté toujours très nerveux qu'il avait, je fais des liens, j'ai pas l'impression de vraiment le connaître", poursuit-elle. Sur le plan personnel, Michel Pialle a été un premier mariage. Deux enfants sont nés de cette union. "Je sais que Michel ne voyait plus ses premiers enfants, qu'il avait eu une séparation compliquée", rapporte encore Adélaïde Esquivillon.

Selon un document consulté par Le Figaro, la première femme de Michel Pialle décrit un homme au comportement "mythomaniaque", stipulant que celui-ci inventait "des scénarios rocambolesques annonçant des rentrées d'argent imaginaires". Des éléments que la justice, par la voix de la procureure de la République de la Roche-sur-Yon, n'a pas confirmés à ce stade.

"Une forme d'emprise" dans le couple, selon l'entourage

Michel Pialle a ensuite rencontré Karine Esquivillon. "J'ai fait des conneries à un moment de ma vie, j'avais des problèmes, je buvais beaucoup. Mais j'ai changé quand j'ai rencontré Karine", a-t-il raconté récemment à Ouest-France. Ils ont eu ensemble trois enfants, dont le cadet, né grand prématuré, souffre de surdité.

En janvier 2017, le couple avait médiatisé sa situation, vidéo à l'appui, pour dénoncer l'inaccessibilité des enfants sourds et malentendants aux dessins animés. Comme le mentionnait France 3 Pays de la Loire, Jules, alors âgé de 7 ans, avait même écrit au président de la République de l'époque, François Hollande, avec l'aide de ses parents. Michel Pialle se présentait sur les réseaux sociaux comme président de l'association Petit Jules, créée en 2009 pour les enfants nés prématurés.

"C'était des inséparables, a témoigné auprès de BFMTV une amie de Karine Esquivillon. On n'a pas l'impression qu'il puisse y avoir des choses dans cette famille qui viennent contrarier ce bonheur apparent. Même si Michel n'est pas toujours présent, qu'il fait des apparitions, qu'il dit peu de choses, on a l'impression que tout va bien", ajoute-t-elle.

La sœur de la disparue dresse un tableau moins idyllique. Sur franceinfo, Adélaïde Esquivillon décrit une femme qui peu à peu "avait perdu de l'indépendance" et qui était, pense-t-elle, sous "une forme d'emprise". "Ils étaient quasiment tout le temps ensemble. Pendant des années quand je l'appelais, c'était Michel qui décrochait. Il était toujours derrière elle. C'était un peu la tour de contrôle", décrit-elle. Par ailleurs, l'entourage du couple évoque auprès de France Télévisions de "petites magouilles" de la part de Michel Pialle.

L'ancien mari de Karine Equivillon, avec lequel elle a eu deux premiers enfants et vécu à La Réunion jusqu'en 2000, affirme pour sa part n'avoir rien perçu d'anormal. Ses enfants "ne savaient pas" que Michel Pialle et Karine Esquivillon "étaient séparés depuis autant de temps". "Quand mon fils aîné y allait, il me disait : 'C'est un couple normal'", dit-il à France Télévisions. Il estime en revanche très peu probable que son ancienne compagne soit partie sans "plus donner du tout de nouvelle à ses enfants".

"Je ne la vois pas partir comme ça avec n'importe qui. C'était quelqu'un d'assez craintif, peureux. Ce n'était pas une aventurière."

L'ex-mari de Karine Esquivillon

à France Télévisions

Eva-Louise, la fille aînée de Michel Pialle et Karine Esquivillon, ne croit pas en la culpabilité de son père. "Il n'y a rien qui prouve que c'est mon père et pour le moment, tout prouve que ce n'est pas lui, assure-t-elle sur BFMTV. Il y a eu des fouilles, mon père est totalement transparent, il a dit : 'Il n'y a pas de souci, je comprends que vous me soupçonniez, même si c'est dur'. Mon père leur a ouvert la porte."

"Je dois être une des rares personnes en France à avoir été content d'avoir la police chez lui", a répété Michel Pialle à l'envi, rappelant avoir été jusqu'à solliciter l'Assistance et recherche des personnes disparues (ARPD) pour l'aider dans ses démarches. "On a eu des échanges réguliers, physiques et par téléphone avec monsieur Pialle. Deux enquêteurs bénévoles ont travaillé sur le dossier", confirme l'organisme à franceinfo.

Michel Pialle a aussi pris de soin de répondre longuement aux commentaires qui le mettaient en cause sur les réseaux sociaux, n'hésitant pas à redonner avec force détails sa version initiale des faits. Le jour de la fête des mères, le 14 mai, il a posté ce message sur sa page Facebook : "Karine ! Eva-Louise, Jules, Bérénice, Antoine et Thomas attendent comme moi des nouvelles de toi... Juste au moins des nouvelles, on t'en supplie." 

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