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Reportage "Nos chiens passent des heures à renifler" : face à la multiplication des fausses alertes à la bombe, les policiers spécialisés saturent

À chaque alerte à la bombe, les brigades cynophiles sont en première ligne pour inspecter les lieux. Des policiers et leurs chiens sursollicités depuis les vacances de Toussaint et l'explosion des fausses alertes dans les établissements scolaires.
Article rédigé par Aurélien Thirard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le major Stéphane, de la brigade cynophile de la préfecture de police de Paris, avec Roxy son berger hollandais, dans leur centre d'entraînement au Bois de Vincennes à Paris. (AURELIEN THIRARD / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

La scène se répète inlassablement, plusieurs fois par jour. Un lycée, un collège ou un aéroport, ou les trois à la fois, font l’objet d’une alerte à la bombe. Les élèves ou les voyageurs sont alors évacués et c’est là que le major Stéphane et ses collègues interviennent : ce policier de la préfecture de police de Paris embarque Roxy, son berger hollandais, dans son van blanc, direction le lieu visé par l’alerte et le duo entre en action. Dès que le chien trouve de l’explosif, il se couche et les démineurs peuvent intervenir.

Le rôle de Roxy est donc de s’assurer qu’aucune bombe ne se cache dans un lycée, un musée, un aéroport. La truffe de cette chienne de bientôt quatre ans est bien plus précise et efficace que n’importe quelle machine, selon son maître. Et pour Roxy, comme pour ses compagnons, en ce moment, le travail ne manque pas. "C'est du jamais vu et pourtant, des alertes à la bombe, on en fait régulièrement", lance même le policier conducteur cynophile depuis 20 ans.

"On ne fait quasiment plus que ça. Nos chiens passent des heures à renifler tous les matins et tous les après-midi dans les lycées et collèges."

Stéphane, major à la brigade cynophile de Paris

à franceinfo

Dans les établissements scolaires, les fausses alertes à la bombe n’ont jamais été aussi nombreuses que depuis le retour des vacances de la Toussaint, avec 289 fausses alertes dans les écoles, collèges et lycées, dont 56 en région parisienne depuis le 6 novembre. Depuis le mois de septembre, 996 fausses alertes ont eu lieu, dont 789 dans les établissements scolaires, de loin donc les plus ciblés par les "petits plaisantins", comme les appelle le ministre de la Justice.

Une lassitude des chiens

"On ne peut pas se démultiplier, mais on prend le temps de faire les choses et puis on fait comme on peut, on fait au mieux", raconte le major Stéphane que franceinfo a pu rencontrer lors d’un rare moment de répit dans l’un des trois centres parisiens de la brigade cynophile de la préfecture de police de Paris, aux abords du bois de Vincennes. Des chiens qui sont épuisés, aux dires du policier. Car, rappelle le fonctionnaire de police parisien, les chiens et leur maître doivent visiter entièrement les lieux visés par l’alerte à la bombe. "On fait tout, du sol au plafond, parce qu’on n’a pas le choix. Ça peut être caché n’importe où, parfois, on a des précisions sur ‘l’engin a été caché à tel endroit’ mais ce n’est pas pour ça qu’on ne va pas tout faire", insiste le policier.

Et cet "épuisement" n’est pas sans risque pour la qualité du travail réalisé, car les effectifs des chiens des brigades canines de la préfecture de police de Paris ne sont pas illimités, leur nombre exact est d’ailleurs une information confidentielle. "Le fait de faire sentir le chien, le fait qu’il pompe, c’est très fatigant pour lui, s’inquiète le policier. Il y a des matins où on a cinq, six alertes à la bombe. Vous faites le château de Versailles le lundi, vous recommencez mardi, le mercredi, le jeudi..."

"Au bout d’un moment, les chiens baissent en motivation parce que c’est toujours le même lieu, qu’ils ont vu hier, avant-hier : ça les perturbe."

Stéphane, major à la brigade cynophile de Paris

à franceinfo

Quand on sait, par exemple, que le château de Versailles, victime de sept alertes à la bombe consécutives avant les vacances de la Toussaint, compte 2 300 pièces sur plus de 63 000 mètres carrés, c’est, en effet, un travail colossal.

Alors pour éviter que cette fatigue canine soit préjudiciable à la découverte efficace des explosifs, les maîtres s’imposent des temps de travail d’environ une demi-heure, suivi d’une pause de dix minutes, quand bien même ils doivent intervenir sur une dizaine d’alertes à la fois. "Il faut absolument que les chiens se reposent, ce ne sont pas des machines, ce sont des êtres vivants, rappelle le major en caressant son animal. C’est donc plus une question de lassitude de faire tous les jours la même chose dans les mêmes lieux, maintenant cela fait partie de notre boulot."

Un élément essentiel de la sécurité des JO

Une lassitude aussi qui s’installe, car, parmi les 996 alertes à la bombe qui sont survenues depuis septembre, toutes ont été des fausses alertes. Mais pas question pour autant pour les policiers spécialisés dans la recherche en explosifs de se laisser gagner par une forme de routine : "On n’est jamais sûr de rien, donc nous, quand on cherche, on le fait à 100%. On se dit qu’il peut y avoir quelque chose", assure le maître-chien.

Cette détermination sera certainement bien utile dans quelques mois puisque les brigades cynophiles de la préfecture de police de Paris, mais aussi celles des autres services comme le Raid et le GIGN seront pleinement mobilisées lors des Jeux olympiques de Paris 2024. Roxy et ses compagnons passeront ainsi leur été à renifler tous les sites olympiques, en plus peut-être de tous les établissements qui feront encore l’objet de fausses alertes à la bombe.

Face à la multiplication des fausses alertes à la bombe, les policiers spécialisés saturent. Le reportage d'Aurélien Thirard

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