Une cadre de la police nationale soupçonnée d'avoir fait travailler clandestinement des agents de son service pour des travaux chez elle
La responsable de la direction du soutien opérationnel (SDSO) de la police nationale de Seine-Maritime est visée par une enquête administrative de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) de Rennes, révèle lundi 18 novembre France Bleu Normandie.
Elle est soupçonnée d’avoir fait travailler "au noir" des agents de son service pour effectuer d’importants travaux dans sa nouvelle maison. Le SDSO est un service technique de la police nationale, un service support chargé de l'immobilier. Ses agents ne sont pas des policiers.
Selon les informations de France Bleu Normandie de sources concordantes, les employés du SDSO ont travaillé de juin 2022 à avril 2024, dans la maison de la directrice située dans un lotissement de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, dans l’agglomération de Rouen (Seine-Maritime). Ces agents témoignent à France Bleu Normandie avoir tout fait à l’intérieur, du sol au plafond, et réalisé également des travaux extérieurs, comme la pose du grillage et la création de dalles. "On lui a fait la plomberie, l’électricité, le carrelage, tout", témoigne un de ces agents.
Selon les agents, leur directrice leur doit encore près de 10 000 euros
Ces fonctionnaires et contractuels accusent leur directrice de les avoir payés en liquide. Et selon eux, elle leur doit encore près de 10 000 euros. Car, souvent, ils avançaient l’argent. Un agent en CDD affirme avoir dû retirer de l'argent "en espèces" pour aller "chercher le matériel au magasin de bricolage". Il est même arrivé que ces employés sortent le chien de la directrice pour lui faire faire ses besoins. Ces tâches se faisaient, la plupart du temps, durant leurs horaires de travail. En échange, selon ces témoignages, la directrice promettait des évolutions de carrière.
Selon le compte rendu de l’entretien professionnel d’un de ces fonctionnaires, datant d’avril 2024, que France Bleu Normandie a pu se procurer, cette directrice ne tarit pas d’éloges : "Un excellent professionnel qui mérite d’être reconnu à sa juste valeur en étant promu au grade de contrôleur". Plusieurs témoignages, des textos, des vidéos et des photos, que France Bleu Normandie a pu compiler, étayent ces accusations.
Des accusations contre le fils de la directrice
Les agents du SDSO expliquent, dans un rapport adressé au directeur interdépartemental de la police nationale (DIPN), Nicolas Bouferguene, que leur directrice leur a ordonné de verser une partie de leur prime de fin d’année à son fils, tout juste embauché dans ce service fin 2023. Selon eux, ce fils a perçu un Complément indemnitaire annuel (CIA), une prime versée normalement exclusivement aux fonctionnaires.
Ces agents assurent que, pour que le fils de la directrice et deux autres agents contractuels du service puissent bénéficier de cette prime, la mise en cause a gonflé les primes des titulaires au maximum, jusqu’à 1 000 euros. Ils avaient ensuite l’ordre de reverser en liquide la somme de 500 euros aux agents contractuels, dont son fils. "J’ai reçu par virement la somme de 500 euros de la part d’un agent titulaire, alors que je n’ai pas le droit de toucher de l’argent de cette prime", confie à France Bleu Normandie l’un des employés du SDSO.
Le syndicat Alliance s'indigne, l'avocat de la directrice "dément formellement"
De son côté, le syndicat Alliance attend désormais des explications. "C’est scandaleux", estime Karim Bennacer, secrétaire départemental d'Alliance. "On demande l’exemplarité aux policiers et fonctionnaires de base et là, cette cheffe de service aurait gravement fauté. On demande que toute la lumière soit faite."
"Ma cliente dément formellement ces accusations et ne répondra pas sur le fond compte tenu du devoir de réserve que lui confère son statut", réagit auprès de France Bleu Normandie Me Laura Kalfon, l'avocate de la cheffe de service. Elle souligne qu'une enquête administrative est en cours, "et non judiciaire". L'avocate assure que sa cliente "collabore avec l'autorité d'enquête afin de faire établir la vérité" et qu'elle n'a "aucun pouvoir décisionnel concernant la promotion des membres de son service". La directrice du SDSO, qui est toujours en poste au sein de la police nationale, "se réserve le droit de déposer plainte pour dénonciation calomnieuse".
L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a ouvert une enquête administrative en juillet. L’instruction se poursuit. La direction de la police nationale a refusé de répondre aux questions de France Bleu Normandie. Le procureur de la République de Rouen, Sébastien Gallois, indique que "concernant les détournements de fonds publics allégués, à ce stade, aucune enquête judiciaire n’est en cours".
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