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Refus d'obtempérer à Paris : les enquêtes de l'IGPN en trois questions

La mise en cause de trois policiers après la mort d’un homme à Paris lors d’une interpellation a remis l’Inspection générale de la police nationale sous le feu des projecteurs. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Temps de lecture : 4 min
La mission de l'IGPN est de contrôler l'action des policiers. (AURELIEN MORISSARD / MAXPPP)

L’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la "police des police", revient cette semaine dans l’actualité après que des policiers ont fait usage de leur arme lors d'un contrôle à Paris, samedi 4 juin, blessant le conducteur et tuant une passagère. Le conducteur a été déféré mardi à l’issue de sa garde à vue. Les policiers dénoncent un refus d'obtempérer : l’IGPN a été saisie et une information judiciaire ouverte mardi à leur encontre pour "violence avec arme par personne dépositaire de l'autorité publique". 

>> Paris : ce que l'on sait de la mort de la passagère d'une voiture, tuée par balle par des policiers dénonçant un refus d'obtempérer

L’institution, composée à 70% de policiers, a pour mission le contrôle de l’action des policiers, de leur comportement en service et parfois en dehors du service. Elle est parfois décriée, accusée notamment d’impartialité : auteur du livre Dernière sommation aux éditions Grasset, le journaliste David Dufresne a ainsi estimé que "dès lors qu’il s’agit de violences policières, il y a un angle mort. L’IGPN ne passe pas. Ce à quoi vous assistez, c’est à une force d’inertie."

Des accusations de laxisme qu’a réfuté en octobre 2020 sa directrice, Brigitte Jullien, devant une commission d’enquête parlementaire. Les missions de la "police des polices" sont relativement étendues. Elle réalise des audits sur le fonctionnement des services de la police et émet des recommandations. Et, surtout, elle diligente des enquêtes sur les actes des policiers.

Sur quels types de faits l’IGPN enquête-t-elle ?

La mission de l'IGPN est de contrôler l'action des policiers, et elle est saisie en fonction des faits qui sont reprochés. On distingue deux types d’enquêtes : l’enquête judiciaire et l’enquête administrative.

Dans le cas de l'enquête judiciaire, ce n’est pas l’administration qui saisit l’IGPN, mais un procureur ou un juge. C’est le cas lorsque les faits reprochés à l’agent portent atteinte à la société civile : violences, usage de son arme, vol chez un particulier, corruption… Au terme de cette enquête, c’est le juge d’instruction qui décidera des suites à donner. Selon le rapport d’activité 2019 de l’institution, en tête des infractions alléguées dans ce cadre, les violences par personne dépositaire de l’autorité publique (44% des affaires), puis les enquêtes en recherche des circonstances de la mort ou des blessures (7,5%), les vols (6,4%). Suivent enfin les détournements de finalités des fichiers de police (4,3%), la corruption (4,3%) et les violations du secret professionnel (3,2%).

Dans le cas d’une enquête administrative, l'IGPN est alors saisie par la Direction générale de la police nationale, le ministre de l’Intérieur ou le préfet de police, par exemple. La saisine concerne des faits qui auraient pu être commis par un policier et qui portent atteinte à sa profession ou à l’institution policière : par exemple, ébriété pendant le service, vols dans un commissariat, détournement d'un scellé, détournement des informations contenues dans un fichier de police avec contrepartie, promesse d'une indulgence lié à la fonction avec contrepartie, utilisation à des fins personnelles de matériel mis à disposition par l’administration hors autorisation particulière... Ou encore, le cas d’un agent soupçonné de violence conjugale, ou qui arborerait un tatouage nazi, ou un signe religieux ostentatoire.

Enfin, depuis 2013, tout citoyen peut signaler des faits à l’IGPN via un formulaire en ligne, mais ce n’est pas un dépôt de plainte en tant que tel. 

Comment se déroule l’enquête ?

Saisis, les agents de l'IGPN diligentent une enquête. Les moyens mis à leur disposition sont assez étendus : auditions, réquisitions aux unités médico-judiciaires pour qu’ils déterminent l’incapacité totale de travail de l’éventuelle victime, réquisitions des sapeurs-pompiers ou aux services de secours pour connaître les circonstances de leur intervention. Les enquêteurs peuvent se rendre sur place, effectuer une enquête de voisinage, auditionner des témoins. Ils se chargeront de récupérer tous les éléments susceptibles de les éclairer : note de service, procès-verbaux, bandes-radios des voitures, fichiers vidéos des caméras GoPro éventuellement utilisées lors de l’intervention, images de vidéosurveillance urbaine…. Les enquêteurs rédigent, avec tous ces éléments, un procès-verbal détaillé qu'ils transmettent ou à l'autorité judiciaire, ou à l'administration. L’agent éventuellement mis en cause ne peut pas faire valoir son droit au silence devant l’IGPN. L’enquête est par ailleurs secrète : seule l’autorité judiciaire dispose du droit de communiquer ou non.

Après l’enquête, que se passe-t-il ?

Dans le cadre d’une enquête judiciaire, à l’issue de ses investigations, l’IGPN transmet ses conclusions à un juge d'instruction. Ce dernier peut choisir de les suivre ou non. Notons ici qu’un policier, devant la justice, encourt les mêmes sanctions que n’importe quel autre citoyen : une amende, une peine de prison. Le procureur de la République peut décider de classer sans suite.

Lorsque l’IGPN agit dans le cadre d’une enquête administrative, elle peut proposer, s’il y a lieu, de sanctionner l’agent de police : un avertissement, un blâme, une exclusion temporaire de fonctions de 1 à 3 jours ou un renvoi devant le conseil de discipline pour une sanction plus sévère. La hiérarchie du policier peut décider ou non de suivre ces recommandations.

En 2020, 19 fonctionnaires de police ont fait l’objet de poursuites devant la justice. Six d’entre eux ont été condamnés. Sur les 69 enquêtes administratives menées par l’IGPN, 43 ont été transmises à la hiérarchie des agents. Elles ont conclu pour 19 policiers à des manquements déontologiques et professionnels, notamment pour des usages disproportionnés de la force ou de la contrainte mais également des manquements au devoir d’exemplarité (exemple : dégradations...), d’obéissance et de rendre compte ainsi que pour des atteintes notoires au crédit et renom de la police nationale. Au terme de la procédure, neuf policiers ont fait l’objet d’une sanction disciplinaire. 

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