Rennes : ce que l'on sait des soupçons de maltraitance pesant sur la mère d'un adolescent de 14 ans découvert très amaigri
La mère dénonce une "grosse erreur" judiciaire. La justice suspecte, elle, plus d'une décennie de maltraitance. Un adolescent fortement amaigri de 14 ans a été confié aux services de l'Aide sociale à l'enfance, en juillet 2022, à Rennes (Ille-et-Vilaine). Sa mère est soupçonnée de l'avoir maintenu reclus depuis sa naissance au domicile familial, a révélé Ouest France (article pour les abonnés), mercredi 17 mai. Bien que niant toute maltraitance et tout enfermement de l'enfant, la quadragénaire a été placée sous contrôle judiciaire en début de semaine et sera jugée en octobre, a confirmé le parquet auprès de France Bleu Armorique. Franceinfo vous résume l'affaire.
L'adolescent a été signalé après un passage aux urgences
Le cas de cet adolescent a été découvert début juillet 2022, quand sa mère l'a conduit aux urgences pédiatriques d'un hôpital de Rennes après un malaise potentiellement lié, selon elle, à une allergie. L'enfant se trouvait alors dans un état de santé alarmant, selon le parquet, et ne pesait que 27 kilos, soit la moitié du poids moyen d'un jeune de son âge, souligne France Bleu Armorique. Ouest France précise qu'il présentait un retard intellectuel et des troubles du langage.
L'équipe médicale a rapidement confié le garçon à l'unité hospitalière locale spécialisée dans l'accueil des enfants en danger. Composée de pédiatres, de pédopsychiatres et de médecins légistes, la structure a évalué les soins et les besoins de protection nécessaires, puis a saisi la justice, poursuit le quotidien breton.
Dans la foulée, "une ordonnance de placement provisoire de l'enfant [auprès de l'aide sociale à l'enfance] a été prise par le parquet au début du mois de juillet 2022", rapporte la procureure de la République adjointe de Rennes, Flavie le Sueur, interrogée par France Bleu Armorique.
Sa mère sera jugée, notamment pour "privation de soins"
La mère a été placée en garde à vue une première fois en juillet 2022. Une enquête préliminaire a été ouverte et, dix mois plus tard, la femme a de nouveau été entendue, lundi, sous le régime de la garde à vue. Lors de son défèrement au parquet, mardi, la justice a estimé avoir réuni suffisamment d'éléments pour la renvoyer devant un juge. Mise en examen, elle devra répondre de faits de "soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant" et de "privation de soins ou d'aliments compromettant la santé d'un mineur de moins de 15 ans par ascendant ou personne ayant autorité", selon France Bleu Armorique.
Elle risque jusqu'à 7 ans de prison et 100 000 euros d'amende. Avant son procès, prévu le 5 octobre devant le tribunal correctionnel de Rennes, la suspecte a été placée sous contrôle judiciaire.
Selon Ouest-France, l'enfant n'était ni scolarisé, ni suivi par un médecin, ni connu des services sociaux. En revanche, la mère avait bien déclaré son existence auprès de l'ambassade de France du pays de naissance de l'enfant, selon le parquet. Il s'agit des Philippines, précise un avocat de la mère interrogé par l'AFP.
"Scandalisée", la mère nie en bloc
"On était heureux, maintenant, on est malheureux tous les deux", a réagi Stéphanie, la mère de l'enfant, jeudi, au micro de BFMTV. "Je fais le mieux pour mon fils depuis le début, à la fois en l'ouvrant vers le monde, selon son âge et en le protégeant également", a-t-elle affirmé, jurant qu'il avait "toujours eu à manger à sa faim".
Elle dit avoir assuré l'éducation de l'enfant à domicile, sans pour autant le priver du monde extérieur. "Nous avons vécu à Paris pendant une dizaine d'années et nous en avons profité. Mon fils était tout le temps en bibliothèque, au musée, au théâtre, dans les ludothèques, dans les expositions."
Vendredi, dans un long entretien en direct sur BFMTV, Stéphanie a répondu point par point aux accusations portées à son encontre, qu'elle a qualifiées de "mensonges". Selon elle, l'enfant a "une très bonne santé". Il "allait chez le médecin", a reçu une "première série de vaccinations" avant une dispense "pour des raisons médicales" et est "de morphologie fine". Contrairement aux constatations médicales évoquées par la presse, il a "une très bonne élocution, un très bon niveau de langage", défend-elle.
Le tableau d'un enfant qui aurait été reclus chez lui est "diamétralement à l'opposé" de la réalité, a martelé sa mère, qui se dit "absolument scandalisée". Le garçon profitait de "sorties quotidiennes", faisait du sport, "rencontrait d'autres enfants" et "des voisins", et voyait "régulièrement" des professionnels en vue de son orientation. "C'est une grosse erreur qui s'est produite sur nous", a alerté Stéphanie, jeudi, auprès d'Ouest France (article pour les abonnés).
La défense de la mère dénonce une enquête "à charge"
Un premier avocat de la mère, Emmanuel Ludot, a estimé, jeudi soir, que la mise en examen de sa cliente visait à "lui retirer l'autorité parentale" en réponse à un dossier "atypique". Tout en reconnaissant un "retard de maturité" de l'enfant, "passionné d'histoire" mais sans "copain", il a évoqué une relation mère-fils "fusionnelle" que le parquet aurait jugé "trop forte". "Ce n'est pas un enfant malheureux ou qui a été privé" ni "emprisonné", a-t-il plaidé, sur BFMTV. Selon lui, l'enfant pesait 33 kilos pour 1,43 mètre l'été dernier, du fait de "caprices alimentaires comme tous les adolescents de cet âge". La mère a "peur de l'extérieur" et laissait l'enfant "faire ce qu'il veut", a-t-il précisé à l'AFP, vendredi.
Thomas Koukezian, un autre avocat de la mère, a accusé, vendredi, le parquet de Rennes d'avoir mené une "enquête exclusivement à charge" à l'encontre de sa cliente. "Un certain nombre de personnes m'ont appelé pour prendre des nouvelles de leur amie", a-t-il rapporté sur BFMTV, déplorant l'absence d'audition de ces personnes qui "connaissent" l'enfant.
"Venir dire que cet enfant a été enfermé pendant 14 ans, c'est une aberration."
Thomas Koukezian, avocat de la mèresur BFMTV
Selon l'avocat, le parquet a "alimenté un dossier" contre une cliente victime d'une part de "fantasme". Cette artiste, qui ne vit "pas dans la norme", a fait le choix de l'école à la maison, "quelque chose qui dérange dans notre société actuelle", estime-t-il. Devant les enquêteurs, son fils aurait pourtant assuré qu'il n'était "absolument pas soumis à de mauvais traitements", rapporte l'avocat, en disant s'appuyer sur le "dossier" pénal.
Thomas Koukezian avance que l'adolescent aurait été "violenté" et "racketté" depuis son placement auprès de l'Aide sociale à l'enfance. L'enfant "va très mal", assure l'avocat. "Il réclame sa maman et veut rentrer chez sa maman." Le parquet n'a pas encore réagi à ces déclarations.
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