Sarkozy envisagerait de supprimer le juge d’instruction
Janvier semble devenir le mois des suppressions :
_ Après avoir annoncé la disparition de la publicité sur France Télévisions en janvier 2008, Nicolas Sarkozy devrait annoncer demain la suppression du juge d’instruction, selon lemonde.fr, dans le discours que le chef de l’Etat prononcera pour la rentrée solennelle de la Cour de cassation.
En France, la justice repose actuellement sur un système à trois branches : l’accusation (le Parquet), la défense (l’avocat) et le juge. Ce dernier est censé, à la fois investiguer, accuser et défendre – c’est l’instruction "à charge et à décharge".
La réforme de la procédure pénale échafaudée par Nicolas Sarkozy passerait donc par la mort des juges d’instruction, chargés des enquêtes criminelles et des affaires politico-financières très sensibles qui nécessitent de longues investigations (moins de 5% des dossiers). Les enquêtes judiciaires seraient alors confiées aux procureurs, sous le contrôle d’un "juge DE l’instruction". Mais cet ajustement sémantique cache en fait une vraie révolution.
Car les procureurs et procureurs généraux ne gagneraient pas en indépendance. Ils seraient toujours nommés par décret présidentiel en conseil des ministres, et pourraient donc recevoir des instructions du ministre de la Justice. Alors que les juges d’instruction tels qu’ils existent aujourd’hui sont nommés par le Conseil Supérieur de la Magistrature, indépendant du pouvoir politique.
En contrepartie, la réforme renforcerait les droits de la défense, en permettant notamment aux avocats d’avoir accès au dossier dès le début de l’enquête. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui : les avocats doivent attendre l’ouverture d’une instruction.
_ La défense pourrait également avoir le droit de mener une véritable enquête à décharge, alors qu’elle doit aujourd’hui transmettre ses demandes au juge d’instruction qui décide, ou non, de donner suite.
Reprise en main du pouvoir
Dans le sérail, l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) crie au "scandale", affirmant que ce projet vise à placer le système judiciaire sous contrôle. "C'est une reprise en main totale de la procédure pénale par un parquet à la main du pouvoir (…) Avec ce système, on est certain qu'il n'y aura plus jamais d'affaires économico-politiques", promet le président de l’USM Christophe Régnard. Du côté du Syndicat de la Magistrature, on appelle au boycott du discours de Sarkozy demain.
Pourtant, le débat ne date pas d’hier. Il y a près de 20 ans déjà, la commission Delmas-Marty avait préconisé la disparition des juges d’instruction. Le fiasco judiciaire d’Outreau ou les dérapages de l’affaire de Fillipis sont venus apporter de l’eau au moulin du chef de l’Etat, qui devrait présenter ce projet comme une avancée des libertés publiques.
Gilles Halais avec agences
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