: Témoignage Disparition de Stéphane Kameugne dans la Marne : "Ce n'était pas un accident", selon son père
En 2008, le corps de l'étudiant est retrouvé dans un canal de Châlons-en-Champagne, après une soirée de l'école. Le père de Stéphane Kameugne demande la saisine du pôle "cold cases" de Nanterre. franceinfo a pu le rencontrer.
La colère de la famille de Stéphane Kameugne. 14 ans après les faits, l'étudiant des arts et métiers a été retrouvé mort dans un canal de Châlons-en-Champagne le 24 décembre 2008, après une soirée de son école, l'enquête patine. Son avocat, persuadé qu'il s'agit d'un crime, réclame la saisine du pôle "cold cases" de Nanterre, et manifestent vendredi 10 février à 14 heures devant le tribunal judiciaire de Reims.
Sur la photo, Stephane Kameugne, reçoit, tout sourire, son diplôme de la Georgia Institute of Technology à Atlanta aux Etats-Unis, où il est parti étudier pendant un an, vêtu la traditionnelle toge et d'un mortier, panoplie américaine. D'autres clichés trônent fièrement sur la cheminée du salon de ses parents, installés dans un pavillon de banlieue parisienne. Quatorze ans après sa mort, son père est toujours aussi meurtri. "C'était un garçon brillant. Depuis tout petit, il a toujours été très éveillé", se souvient Samuel Kameugne. Une enfance au Cameroun, une prépa Prépa Math Sup' au lycée Louis-Le-Grand à Paris, l'entrée à l'École d'Arts et Métiers de Châlons-en-Champagne, un échange aux États-Unis. "Mon fils, c'était tout pour moi."
"Vice originel dans ce dossier"
Ce combat pour la vérité, c'est devenu aujourd'hui "son unique raison de vivre", traduire en justice le meurtrier de son fils. Car, pour lui, ça ne fait aucun doute, "ce n'était pas un accident. Stéphane a été tué, mais la justice n'a pas été à la hauteur", tranche-t-il.
Le 24 décembre 2008, c'est par un coup de fil de la procureure de Châlons qu'il apprend la terrible nouvelle. Stéphane vient d'être retrouvé mort dans un canal. L'étudiant de 24 ans avait disparu 15 jours plus tôt, le vendredi 9 décembre, pendant une soirée de gala de l'École Nationale Supérieure des Arts et Métiers où il terminait son cursus.
D'emblée, les juges sont persuadés qu'il s'agit d'un chauffard qui a renversé Stéphane Kameugne dans la nuit et qui s'est enfui. L'autopsie montre des côtes cassées à droite et à gauche de sa colonne vertébrale. "Il avait un peu bu pour la procureure, il est tombé de six mètres dans l'eau et il est mort". Mais son père n'y croit pas, il pense qu'il s'est passé quelque chose dans l'école et réclame une deuxième, puis une troisième autopsie, qui démontrent que Stéphane a été battu à mort, avec un objet contondant. Les parents font le trajet jusqu'à Châlons pour tenter d'en savoir plus et s'interrogent : pourquoi ses camarades d'école n'ont-ils pas été tous entendus ? Pourquoi les traces ADN n'ont pas été relevées à l'intérieur de la voiture de Stéphane, alors que le véhicule a disparu la nuit du drame avant de réapparaître ?
Pour l'avocat de la famille maître Didier Seban : "Il y a un vice originel dans ce dossier qui est qu'on ne veut pas faire de scandale, estime-t-il. On ne veut pas troubler un établissement prestigieux, parce que les Arts et métiers, c'est la perle de Châlons. Tout ça fait du mal à l'école, un étudiant noir de surcroît tué à l'occasion d'une fête de cette école."
Instruction toujours en cours
L'avocat réclame donc la saisine du pôle "cold cases" de Nanterre, mais le parquet de Reims refuse de céder le dossier. Joint par téléphone, Mathieu Bourette, le procureur de Reims assure "qu'aucun dossier d'instruction n'est délaissé, que celui-là est toujours actif, en cours et qu'il ne rentre pas dans le profil des dossiers à envoyer au pôle cold cases".
De quoi mettre Didier Seban en colère : "On ne met pas les moyens dans l'enquête ! Cela va faire 15 ans qu'il a été tué, typiquement le genre de dossier qui devrait partir au pôle", souligne-t-il à franceinfo. Pour le père de Stephane Kameugne, c'est incompréhensible : "Cela fait 14 ans que, pour nous, le dossier est bloqué, séquestré au tribunal de Reims. Il n'a jamais évolué en dehors des différentes demandes que nous avons faites". Et de conclure, avec amertume : "Malheureusement pour moi, on avait en face une justice qui n'avait qu'un seul souci, fermer ce dossier".
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