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Attentat de Nice : "Le camion a embarqué des vélos, des gamins, des familles entières"

Damien Allemand, journaliste à "Nice Matin", était sur la promenade des Anglais au moment de l'attentat. Il livre son témoignage glaçant à francetv info.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une capture d'écran d'une vidéo postée sur Twitter montre des dizaines de personnes qui fuient l'attaque sur la promenade des Anglais à Nice (Alpes-Maritimes), le 14 juillet 2016. (HARP_DETECTIVES / TWITTER / AFP)

Damien Allemand était sur la promenade des Anglais, à Nice (Alpes-Maritimes), lorsqu'un camion a foncé dans la foule, jeudi 14 juillet. Le journaliste de Nice-Matin a assisté à l'attentat qui a fait 84 morts et plusieurs dizaines de blessés, dont une cinquantaine étaient encore "en urgence absolue" vendredi, selon François Hollande. Il a livré son témoignage glaçant à francetv info.

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Un feu d'artifice pour "laisser redescendre la tension"

Damien Allemand arrive sur la promenade des Anglais vers 21h30, pour être certain d'avoir de la place pour regarder le feu d'artifice avec sa compagne. Comme eux, des milliers de Niçois s'installent sur la plage dans une ambiance bon enfant.

"On laissait enfin la tension redescendre, explique le journaliste à francetv info. On avait beaucoup parlé du risque d'attentat pendant l'Euro de foot, mais la compétition s'est achevée sans incident. Je me suis dit 'tout va bien, on est tranquille'."

Deux heures plus tard, le traditionnel spectacle pyrotechnique du 14-Juillet s'achève en beauté. "Tout le monde s'est levé en même temps pour quitter la plage", raconte Damien Allemand. Le journaliste fend la foule qui se presse sur la promenade des Anglais et s'apprête à traverser la rue pour rejoindre son scooter, garé devant le High Club.

"Tout d'un coup, c'était la panique"

Soudain, il entend "de l'agitation au loin". "J'ai pensé que c'était des pétards ou un mouvement de foule dû à une petite bagarre, explique-t-il, la gorge serrée. Et puis j'ai vu débouler le camion. Il roulait très vite, en zigzaguant pour faucher un maximum de personnes."

Le poids-lourd est monté sur le trottoir quelques dizaines de mètres plus loin, au niveau de l'hôpital Lenval. "Il embarquait tout sur son passage : des vélos, des gamins, des familles entières…", se remémore Damien Allemand.

Certaines victimes ont volé comme des quilles de bowling. D'autres sont passées sous les roues du camion, mais il ne s'est pas arrêté, il a continué de rouler.

Damien Allemand

à francetv info

Le poids-lourd passe à peine cinq mètres derrière lui. "Tout d'un coup, c'était la panique", raconte-t-il entre deux bouffées de cigarette. Des gens courent dans toutes les directions, tentent de fuir le carnage. "Ma copine et moi, nous sommes mis à courir aussi, avant de nous réfugier dans un petit restaurant, le Cocodile", explique Damien Allemand.

"Il y avait des corps partout sur le trottoir"

Terrorisées, des dizaines de personnes se cachent avec eux. "On ne savait pas trop s'il fallait partir ou rester planqués là." Le journaliste a le réflexe d'appeler la rédaction de Nice-Matin, pour prévenir ses collègues de l'attaque. "Il était 22h35, j'étais le premier à les informer." Damien Allemand a "besoin de savoir" ce qui se passe. Il décide de ressortir dans la rue.

La 'prom' était déserte. Il n'y avait plus de bruit, pas de sirènes. Juste quelques pleurs et des gémissements.

Damien Allemand

à francetv info

Le jeune homme s'avance encore et traverse le terre-plein. Ce qu'il découvre de l'autre côté des palmiers le glace. "Il y avait des corps partout sur le trottoir, explique-t-il. Les plagistes paniqués montaient les escaliers avec des bouteilles d'eau et des serviettes, pour porter secours aux victimes." Damien Allemand, lui, ne peut pas les aider. Il est "comme figé, tétanisé". 

"On ne reste pas ici, il faut se mettre à l'abri"

Quelques personnes arrivent soudain en courant. "Le camion revient !", hurlent-elles. "Je ne voyais plus le poids-lourd, mais j'ai été gagné par la panique et je me suis mis à courir pour aller retrouver ma copine", explique le journaliste.

Dans le restaurant Le Cocodile, c'est "la foire à la rumeur". Certains parlent d'une fusillade dans le Vieux-Nice, d'autres d'une prise d'otages dans un restaurant. "Avec ma copine, on s'est dit 'on ne reste pas ici, il faut se mettre à l'abri'", confie Damien Allemand.

Le jeune homme enfourche son scooter et remonte la promenade des Anglais en direction de l'aéroport de Nice, laissant le camion meurtrier dans son dos. Alors que les premières ambulances arrivent, il découvre l'ampleur du carnage.

Des cadavres et des blessés étaient étendus sur le trottoir, le long de la route.

Damien Allemand

à francetv info

De retour au travail quelques heures après l'attentat

Damien Allemand arrive dans les bureaux de Nice Matin à 23h15 et propose aussitôt de rédiger un article pour le site. Il "écrit d'une traite, sans réfléchir", sans vraiment prendre conscience du drame qui vient de se produire. "J'ai commencé à réaliser vers 4 heures du matin, en lisant tous les articles et les témoignages publiés sur le site, en découvrant les premières photos."

Le journaliste et sa compagne ne souffrent d'aucune blessure. Les nouvelles données par leurs proches sont "rassurantes". Au petit matin, il s'autorise donc enfin à rentrer chez lui, pour dormir un peu.

Malgré le choc de l'attentat, Damien Allemand revient au travail dès 9 heures vendredi, pour "donner un coup de main". Le passage à la cellule psychologique devra attendre, mais le traumatisme de la nuit passée est omniprésent. "Entre deux coups de chaud, j'étouffe des sanglots. Pour que personne ne s'en rende compte."

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