Attentats à Paris : "La prolongation de l'état d'urgence n'aide pas les gens à ne plus avoir peur"
Après le vote de la prolongation de l'état d'urgence, francetv info a interrogé Françoise Dumont, la présidente de la Ligue des droits de l'homme.
L'état d'urgence pendant trois mois. Les sénateurs ont adopté à une large majorité, vendredi 20 novembre, le projet de loi prolongeant l'état d'urgence, par 336 "pour" et 12 abstentions. La veille, les députés avaient adopté le texte à 551 voix "pour" contre seulement 6 voix "contre".
Ce texte, annoncé lundi par François Hollande, a été publié au Journal officiel samedi et s'applique dès ce jour. Il renforce ce régime d'exception, une semaine à peine après les attentats meurtriers de Paris. Françoise Dumont, la présidente de la Ligue des droits de l'homme, craint un climat de surenchère sécuritaire. Francetv info l'a interrogée.
Francetv info : La prolongation de l'état d'urgence n'est-il pas un mal nécessaire, au vu du contexte ?
Françoise Dumont : Les événements sont, bien sûr, tragiques, mais nous avons l'impression que beaucoup de choses ont été décidées dans la précipitation. Je ne nie pas qu'il faille faire vite, mais lorsque l'on joue avec des choses aussi importantes que les restrictions des libertés, il est essentiel de ne pas céder à la précipitation et d'appeler à une plus large concertation de la société.
Que ce soit pour les perquisitions administratives qui sont menées ou pour les assignations à résidence prononcées, notons que les motivations invoquées sont assez floues. On nous parle d'éventuelles "menaces à l'ordre public", mais c'est une notion dans laquelle on peut mettre beaucoup de choses. Nous sommes toujours inquiets dans ces cas-là, parce que c'est quand les formulations sont floues qu'il peut y avoir des dérives.
La France avait-elle les moyens juridiques de faire face, sans décréter l'état d'urgence ?
Prenons l'exemple de l'assignation à résidence. Jusqu'à nouvel ordre, c'est bien une mesure pénale qui existe et qui peut être prononcée après une condamnation. Là, cette mesure concerne des gens qui n'ont pas fait l'objet de condamnation. On se demande pourquoi il y avait besoin d'outils juridiques supplémentaires. Nous en avons un peu marre que l'on fasse toujours comme si la France était juridiquement en culotte courte !
Selon un sondage Ifop pour Le Figaro et RTL, 84% des Français sont d'accord pour rogner un peu sur leurs libertés pour plus de sécurité. La prolongation de l'état d'urgence ne répond-elle pas à des attentes ?
Une semaine seulement après les attentats, c'est assez compréhensible que les sondages donnent de tels chiffres. Mais il me semble que le rôle des autorités publiques, c'est justement d'être en mesure de prendre du recul. Ce qu'elles ne font pas. Le risque est aussi d'entretenir le climat anxiogène, ce que veulent les terroristes. Cette prolongation de l'état d'urgence n'aide en aucun cas les gens à ne plus avoir peur.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.