Jugé pour trafic de stupéfiants, Jawad Bendaoud laisse éclater sa rage lors de l'audience
Celui que l'on surnomme "le logeur" des terroristes du 13-Novembre a été jugé en son absence par le tribunal correctionnel de Bobigny. A son arrivée dans la salle d'audience, il avait auparavant insulté et menacé les policiers qui l'escortaient.
Elle semble bien loin l'image du Jawad Bendaoud faisant rire une partie de la France et devenant la risée des réseaux sociaux. Celui que l'on surnomme désormais "le logeur" des terroristes du 13-Novembre a montré un tout autre visage, jeudi 26 janvier, devant le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Son procès dans une affaire de stupéfiants annexe s'est ouvert sur une scène d'une rare violence. Le prévenu est entré dans le box en hurlant aux policiers qui l'escortaient : "Ferme ta gueule, fils de pute ! Ils m'ont mis des coups de matraque !"
Cheveux noués en catogan, la carrure épaissie depuis son apparition sur BFMTV le 18 novembre 2015, Jawad Bendaoud n'est pas redescendu en pression malgré les appels répétés au calme de la présidente et les tentatives désespérées de son avocat pour le contenir. "Tu crois que je suis un terro, moi ? Ils m'ont mis des coups de matraque dans les parties ! Toi, je vais te niquer ! Dehors, quand tu veux, où tu veux ! Attends que je sorte, fils de pute ! Je suis pas Salah Abdeslam, moi !" a-t-il éructé, au bord des larmes, devant une salle médusée.
L'affaire dans l'affaire
Après une bousculade, Jawad Bendaoud a été reconduit au dépôt du tribunal, laissant seul dans le box son co-prévenu, Mohamed Soumah, renvoyé dans le même dossier.
Si l'audience s'est poursuivie sans lui, cette scène inaugurale a donné le ton de ce procès expéditif et surréaliste. Elle révèle, selon les avocats de la défense, les particularités de cette affaire dans l'affaire, une procédure "totalement déloyale", menée en parallèle de celle, tentaculaire, du 13-Novembre.
Lors de sa garde à vue de six jours dans les locaux de la DGSI après l'assaut de Saint-Denis, Jawad Bendaoud a été sommé de s'expliquer sur ses liens avec Mohamed Soumah, qui l'aurait mis en contact avec la cousine du jihadiste Abdelhamid Abaaoud, Hasna Aït Boulahcen, qui cherchait un lieu de repli. L'homme de main de marchands de sommeil a indiqué avoir pris part à un trafic de stupéfiants en transformant en crack une vingtaine de grammes de cocaïne fournis par son ancien codétenu, Mohamed Soumah.
Pas d'enquête
Une stratégie, selon le procureur, car "il est plus simple d'endosser l'habit du voyou plutôt que celui du terroriste". C'est sur la base de ces déclarations, réitérées devant les juges antiterroristes et confirmées, à quelques dizaines de grammes près, par Mohamed Soumah, que les deux hommes ont été renvoyés devant la justice dans une procédure disjointe de celle du 13-Novembre. Le parquet de Bobigny, qui a hérité de ce volet, a justifié l'absence d'investigations supplémentaires par l'ancienneté des faits, l'absence de preuves téléphoniques et de clients identifiés.
Pour autant, il ne faut "pas banaliser des faits qui ne doivent pas l'être", a estimé le procureur, rappelant au passage les ravages du crack, les antécédents judiciaires de Jawad Bendaoud et requérant un an de prison ferme à son encontre.
Effarés par la tournure des évènements, les avocats du célèbre prévenu ont assuré qu'une heure avant le procès, leur client était pourtant disposé à être jugé. Selon maître Xavier Nogueras, l'attitude de Jawad Bendaoud n'est que le fruit de son "isolement total" en détention depuis son arrestation voici plus d'un an et de sa mise au pilori dans les médias.
Tout le monde en France le connaît, tout le monde rit de lui, sa dignité est piétinée.
Xavier Nogueras, avocatdevant le tribunal correctionnel de Bobigny
Le poids du dossier du 13-Novembre
"Voilà pourquoi il met le feu à sa cellule, il se tranche les veines, il écrit des courriers qui, parfois, n'ont ni queue ni tête", a plaidé l'avocat. Sa consœur, Marie Pompéi Cullin, a fustigé de son côté les conditions dans lesquelles cette procédure a été ouverte, en marge des auditions dans le cadre de l'enquête sur les attentats du 13-Novembre. "Si le juge interroge Jawad Bendaoud sur des faits dont il n’est pas saisi, ces faits ne peuvent constituer des charges", a-t-elle expliqué en substance. Et de pointer les "concordances à la petite semaine, en carton, entre les deux mis en examen, qui n'ont rien d'autre que peur dans cette procédure pour des faits extrêmement graves."
Le conseil de Mohamed Soumah a, lui aussi, insisté sur la panique de son client à l'idée d'être mêlé à "l'affaire la plus grave en France depuis la seconde guerre mondiale", convoquant l'image des "97 tomes du dossier d'instruction du 13-Novembre, une folie". "J'ai souvent été arrêté par la police, mais quand on est venu me chercher dans cette affaire de terrorisme, j'ai été choqué", a murmuré Mohamed Soumah.
En garde à vue pendant son procès
Rien, jusqu'à présent, n'a permis de démontrer que Jawad Bendaoud était en lien avec les commandos avant les attentats, ou qu'il en a hébergé certains le 17 novembre 2015 en sachant qu’ils préparaient une nouvelle attaque à la Défense. Sa mise en examen pour "association de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteinte aux personnes", passible de vingt ans de prison, pourrait être requalifiée en "recel de malfaiteurs", un délit passible de trois ans de prison.
Mais le poids de sa mise en examen, la première dans l'enquête sur les attentats, pèse lourd sur son destin judiciaire. A peine redescendu au dépôt du tribunal, Jawad Bendaoud a été placé en garde à vue pour "menaces de mort, outrage et apologie du terrorisme". La garde à vue a été levée trois heures plus tard mais entre-temps, ce Franco-Marocain de 30 ans a été condamné à huit mois de détention, avec mandat de dépôt. Jawad Bendaoud ne fait plus rire personne.
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