A la maison d'arrêt de Fresnes, "l'état d'urgence s'arrête à la porte de la prison"
Jeudi, les surveillants de la prison ont empêché les extractions et les arrivées de détenus en fin de journée. Ils dénoncent la "dégradation constante" de leurs conditions de sécurité.
"Vous trouvez ça normal ?", interroge un surveillant pénitentiaire de la maison de Fresnes (Val-de-Marne). Ils sont une cinquantaine, jeudi 29 septembre, à participer à une action de blocage de leur prison. Ils viennent de laisser rentrer un "DPS", un détenu particulièrement signalé. Le convoi est impressionnant : deux motards de la police et deux véhicules encadrent un fourgon blindé dans lequel se trouve le détenu.
Les policiers sortent des véhicules pour sécuriser l'entrée du fourgon. "L'escorte pour ce genre de détenus est armée jusqu'aux dents, constate le surveillant pénitentiaire. Mais une fois à l'intérieur de la prison, on est démunis face à l'insécurité." Pour encadrer des détenus parfois extrêmement violents, "nous n'avons qu'un sifflet pour appeler à l'aide et la solidarité de nos collègues", déplore Cédric Boyer, responsable FO à la prison de Fresnes.
Des pneus et divers objets sont rassemblés pour être brûlés devant la maison d'arrêt. pic.twitter.com/nDW0YrIugZ
— Vincent Daniel (@VincentDanie_l) 29 septembre 2016
"L'unité de déradicalisation n'est pas étanche"
Avec ses collègues, il dénonce la "dégradation constante" de leurs conditions de sécurité et pointent les incidents récents à Osny (Val d'Oise), où un détenu radicalisé a agressé deux surveillants début septembre ; à Vivonne (Vienne) où une mutinerie a eu lieu le 12 septembre ; et, à Condé-sur-Sarthe (Orne), où cinq surveillants ont été agressés mardi. A Fresnes, première maison d'arrêt à avoir expérimenté les unités de déradicalisation, FO pénitentiaire, syndicat majoritaire dans l'établissement, pointe le "manque d'étanchéité avec le reste de la population pénale".
"Dans l'unité, on a 22 détenus considérés comme radicalisés, explique Thierry Unn-Toc, représentant FO. Ils sont sur un étage qui compte 80 détenus au total. Jusqu'à la semaine dernière, il n'y avait qu'un seul surveillant pour tout l'étage." Depuis, la direction de la maison d'arrêt a accepté de nommer un deuxième surveillant à cet étage. Pas de quoi les rassurer pour autant. "Il y a toujours eu des agressions mais là, le niveau de violence a augmenté. On retrouve des couteaux artisanaux ou des cocktails molotov sur des détenus", s'alarme Thierry Unn-Toc. "L'état d'urgence s'arrête aux portes de la prison et ce n'est pas acceptable", renchérit Cédric Boyer.
Ils sont une quarantaine à bloquer l'accès de la maison d'arrêt de Fresnes. pic.twitter.com/IFv4V8naEo
— Vincent Daniel (@VincentDanie_l) 29 septembre 2016
FO pénitentiaire réclame des établissements spécifiques pour accueillir et isoler les détenus radicalisés. Et le syndicat appelle également le ministère de la Justice à augmenter les effectifs et les moyens matériaux des personnels pénitentiaires (avec notamment l'instauration d'un droit du port d'arme non létale). Car au-delà de la question des unités de déradicalisation, la surpopulation carcérale est également pointée du doigt. Au 1er septembre, la maison d'arrêt de Fresnes abritait 2 536 détenus pour une capacité de 1 324 places (soit une densité carcérale de 191,5%), selon les chiffres du ministère de la Justice.
"On va bosser à reculons, avec la peur au ventre"
"Avec un surveillant pour 130 détenus sur un étage [hors unité de déradicalisation], on n'a pas le temps d'aller boire un verre d'eau ou d'aller aux toilettes, témoigne Tristan, 27 ans, surveillant à Fresnes depuis sept ans. Sans parler du fait qu'on peut être rappelés sur notre temps de repos en raison du manque d'effectifs. On est stressés, fatigués, le dérapage n'est jamais loin."
"On va bosser à reculons, avec la peur au ventre", confient des collègues sous couvert d'anonymat, de peur que leurs propos soient repérés et utilisés par des détenus contre eux. Roméo, 25 ans, surveillant de maison d'arrêt de Nanterre (Hauts-de-Seine), venu soutenir ses collègues "par solidarité" lâche : "On ne va pas se mentir : dans ce métier, on prend notre paye et rien de plus." Peu avant 23 heures, Roméo et ses collègues seront délogés par les CRS dans le calme. La prison de Fresnes intègre de nouveau ses détenus.
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