"Jihadistes de mes couilles" : sur Facebook, le cri de colère d'un musulman
Dans une vidéo, ce blogueur de Vénissieux (Rhône) appelle les musulmans de France à lutter contre les jihadistes dans les quartiers.
"J'étais dans ma voiture pour attendre mon petit à l'école. Je regardais les infos sur l'assaut de Saint-Denis, et puis j'ai craqué, sans pincettes. J'ai enregistré mon coup de gueule avec mon téléphone." Depuis six mois, Chronic 2 Bass poste sur sa page Facebook des vidéos, dans lesquelles il commente l'actualité. Au fil du temps, cet électrotechnicien de 35 ans, musulman et habitant de Vénissieux (Rhône), s'est taillé une petite notoriété.
Mercredi 18 novembre, les derniers rebondissements dans l'enquête sur les attaques de Paris le mettent hors de lui. Ni une ni deux, il enregistre et poste sur son compte un cri de colère contre "ces imposteurs qui se font passer pour des musulmans en tuant des gens ! Protégeons notre belle religion." En quelques heures, sa vidéo est visionnée par plus de trois millions d'internautes.
"Ça suffit de ces pseudo-musulmans !"
"Rebellons-nous ! Rebellons-nous ! (...) C'est à nous, musulmans de France, qui prônons les valeurs de la République, qui prônons les valeurs de l'islam, c'est à nous de traquer ces gens-là, et d'en référer aux autorités compétentes, plaide-t-il. Ça suffit de ces pseudo-musulmans de mes c... qui salissent deux milliards de musulmans."
Que vous le vouliez ou non, l'amalgame, il sera fait. Le cousin, il va déposer un CV, il va avoir un peu de barbe, on va le mettre de côté... Et ainsi de suite. Il y a plein d'exemples comme ça !
Le langage est fleuri, et flirte à plusieurs reprises avec l'appel à la violence. "Internet, ça va vite. Je ne pensais pas que la vidéo allait tourner autant, alors je regrette un peu les noms d'oiseaux que j'ai pu émettre, même si nous les pensons un peu tous", explique-t-il à francetv info. Quand il commence à parler, Chronic 2 Bass n'a rien écrit, rien préparé. "Quand je dis de taper dans les mâchoires, je suis très entier. Mais si j'avais voulu avoir un discours plus aseptisé, je ne me serais pas reconnu, il fallait frapper fort, pour rassurer les gens."
"Nous, les mecs de cité, nous vivons avec ces gens-là"
"Nous, les mecs des cités, nous vivons avec ces gens-là, explique ce Français de confession musulmane. Je peux voir si quelqu'un change de comportement quand il vient à la mosquée…"
Nous sommes les premiers acteurs. Leur crainte à ces gens-là, c'est que des mecs comme moi commencent à se rebeller.
"Ça leur rendra les choses plus difficiles, poursuit-il. Quand je dis que la clé vient des musulmans eux-mêmes, c'est un mot fort. Il faut enlever leur couverture aux jihadistes, pour ne pas qu'ils fassent n'importe quoi."
Plus largement, Chronic 2 Bass fustige des "religieux qui ont appris l'islam sur Google ou YouTube". Les profils de ces gens ? "Ce sont souvent d'anciens délinquants ou d'anciens braqueurs qui se sont radicalisés. Parfois, leurs discours sont pour le moins surprenants. Un jour, un soi-disant religieux, un barbu, m'a expliqué que ce n'était pas un péché de vendre de la drogue à des non musulmans !" Le blogueur évoque également deux jeunes de sa ville, qui auraient été "découverts dans des grottes d'Afghanistan, en 2001, après avoir été endoctrinés par des salafistes".
"Et si un terroriste se fait sauter avec ta mère et ta sœur ?"
Ce père de famille encourage donc son public à signaler les jihadistes aux autorités compétentes. "Les gens de banlieue ont peur de passer pour des balances, mais si demain un terroriste se fait sauter avec ta mère et ta sœur ?" Le blogueur en est conscient, sa prise de position, particulièrement véhémente, est assez rare. "Même si Manuel Valls a fait un discours que j'ai apprécié après les attentats, c'est vrai que le mien est différent, car je suis quelqu'un du terrain, de la vie de tous les jours. On a plus tendance à m'écouter."
"Vous savez, je parle avec mes tripes", ajoute-t-il, une nouvelle fois inquiet des mots grossiers parfois utilisés dans sa vidéo. "Certaines personnes m'ont dit qu'elles avaient pleuré en regardant ma vidéo. Je veux juste donner de l'espoir aux gens. J'espère qu'avec cette prise de position, certains souffriront moins des amalgames demain au boulot."
Vous savez quoi ? Je ne suis pas seul, il y en a des millions comme moi.
MISE A JOUR (22/11/15) : Après la diffusion de cet article, le site Metronews a fait état de "propos misogynes et orduriers" sur une première page Facebook du blogueur, aujourd'hui supprimée. Nos confrères ont également produit des captures d'écran réalisées par une jeune femme, qui dit avoir été insultée et menacée de mort sur Facebook par Chronic 2 Bass. L'intéressé dit que ses prises de position ont conduit "à des clashs et des insultes", mais il nie le contenu des captures d'écran, qu'il attribue "à un fake".
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