Procès des attentats du 13-Novembre : les audiences racontées chaque jour en dessins parce que "témoigner, c'est un devoir moral"
Le procès des attentats du 13 novembre 2015 arrive dans sa dernière ligne droite. Lundi 13 juin débutent les plaidoiries des avocats de la défense.
Après neuf mois d'audiences entrecoupées d'interruptions en raison notamment des cas de Covid-19, le procès des attentats du 13-Novembre est entré dans la dernière ligne droite. Après le réquisitoire des avocats généraux la semaine dernière, les avocats de la défense entament lundi 13 juin leurs plaidoiries.
Elles seront suivies, comme les audiences précédentes, par une partie civile pas comme les autres. Au départ, elle est une survivante des terrasses venue assister aux premiers jours d'audience par curiosité. Puis elle est devenue celle qui rend compte du procès sur les réseaux sociaux à la fois avec rigueur et humour à travers des planches dessinées. Au procès, tout le monde la surnomme "Babou", son pseudo sur Twitter et Instagram où elle se présente comme "experte en gribouillis pour parler de choses sérieuses". De son vrai nom Bahareh Akrami, elle a 39 ans, travaille dans la comunication et a toujours aimé dessiner.
Dessiner pour "reprendre le contrôle"
Le soir du 13 novembre 2015 à la terrasse du Carillon, enceinte, Bahareh, son conjoint et ses amis ont miraculeusement échappé aux balles des terroristes. Elle s'est portée partie civile pour être auprès des victimes : "Au début, j'avais juste prévu de venir une à deux fois par mois. Je n'avais pas du tout prévu de faire un carnet de bord. Mais rester là six, sept heures d'affilée, les bras ballants, silencieuse... c'est compliqué et très frustrant. Du coup, j'ai commencé à prendre des notes, ça m'a permis de reprendre le contrôle et de raconter l'histoire."
Les notes de Babou sont devenues, pendant neuf mois, des planches livrées chaque soir sur les réseaux. Avec sa tablette, son logiciel de dessin, son humour et sa dérision, elle illustre les audiences. Quatre planches chaque jour. Ce qui se dit dans la salle y est retranscrit fidèlement, mais elle livre aussi ce qu'elle ressent.
"J'ai eu des retours de parties civiles, qui m'ont dit que cela leur faisait du bien, que cela leur permettait de suivre tout en n'étant pas trop noir, trop lourd. Cela me touche beaucoup."
Babouà franceinfo
Babou s'amuse du McDo qu'Abdeslam a mangé juste après avoir renoncé à déclencher sa ceinture explosive, elle rit des avocats de défense : quand, énervés, ils quittent la salle comme un seul homme, elle les compare à Adèle Haenel. Les dessins de Babou sont devenus incontournables pour la petite communauté qui s'est créée autour du procès : parties civiles avocats, journalistes.
La jeune femme a même la paternité du surnom donné au président de la cour d'assises : "J'aime bien me mettre dans sa tête. C'est moi qui l'ai rebaptisé Loulou. Il s'appelle Jean-Louis (Périès NDLR), je trouvais Loulou mignon. Pendant les témoignages il a été très empathique avec nous. C'est affectueux, et c'est resté : maintenant tout le monde l'appelle comme ça !"
Babou qui, au début du procès, cherchait sa place dans l'immense salle d'assises l'a trouvée grâce à ses dessins. Elle espère publier l'intégralité, façon pour elle de conjurer sa culpabilité de survivante : "Encore aujourd'hui, je ne me sens pas victime. J'étais là au mauvais moment au mauvais endroit et j'ai eu de la chance. Je me dis : tu étais dans ce bar, tu t'en es sortie, tu dois quelque chose aux autres victimes d'abord, et ensuite à la société. Témoigner, c'est un peu un devoir moral."
Babou doit suivre le procès et le retranscrire jusqu'à son terme. Verdict prévu le 29 juin.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.