Un rescapé du Bataclan appelle à un "Grenelle de l'antiterrorisme" en France
"On a une réflexion qui est toujours relativement court termiste" regrette Arthur Dénouveaux, rescapé du Bataclan et président de l’association Life for Paris, invité sur franceinfo mercredi 6 décembre. Il est l'auteur d’une tribune sur la lutte contre le terrorisme islamiste publiée sur le site du Monde. Il appelle à un "Grenelle de l'antiterrorisme" pour mieux comprendre le phénomène et mener une réflexion de long terme sur la question.
franceinfo : Vous appelez à un "Grenelle de l'antiterrorisme" en France pour faire le bilan et réfléchir au long terme à cette question. Selon vous, cette réflexion n'existe pas en France ?
Arthur Dénouveaux : Il me semble qu'on a une réflexion qui est toujours relativement court termiste, dans l'émotion, et toujours sous un prisme sécuritaire, en se focalisant sur le dernier attentat en date. C'est caractéristique. Quand c'était Arras, on a parlé d'obligation de quitter le territoire français. Là, on parle de psychiatrie. Est-ce que ça, ça forme le cadre d'une réflexion globale ? Je n'en ai pas l'impression. Donc oui, je crois qu'il y a besoin d'un bilan parce que beaucoup de choses ont été faites et beaucoup de choses fonctionnent. Il faut voir qu'on déjoue beaucoup d'attentats et que notre justice arrive à juger des terroristes donc on n'est pas démunis. Pourtant, le nombre de personnes tentées par le jihad violent en France ne décroît pas, il y a beaucoup de Français qui sont eux-mêmes radicalisés par des Français, et si on ne commence pas à s'attaquer à cette question-là, à la source, on va continuer à essayer de vider la mer avec une petite cuillère.
Selon vous, nous comprenons encore très mal la radicalisation en France ?
Il n'y a pas pléthore d'études scientifiques de bon niveau sur le sujet. Ce qu'on voit aussi dans les salles d'audience, c'est qu'il y a des explications fournies par des universitaires comme la radicalisation de l'islam, l'islamisation de la radicalité ou, plus récemment, Hugo Micheron qui, de manière très intéressante, a parlé des usines de prédication qui s'étaient mises en route en Europe. Cela explique une bonne partie du phénomène, mais quand on regarde dans les boxes, on voit qu'il y a toujours des gens qui échappent à cette catégorisation, ce qui est la preuve qu'on n'arrive pas à comprendre complètement le parcours de radicalisation.
C'est une leçon d'humilité, cette difficulté qu'on a à saisir ce phénomène ?
C'est très bien d'avoir de l'humilité. C'est ce qui va nous permettre d'avancer et c'est ce qui manque un petit peu à la réflexion politique en ce moment sur le sujet.
"Il faut admettre que c'est un phénomène effrayant, qui nous fait du mal et que malgré le degré de violence subi par la France, on ne sait pas encore comment faire"
Arthur Dénouveaux, président de Life for Parisà franceinfo
C'est pour ça qu'un Grenelle est utile : on mettra côte-à-côte des universitaires, des gens qui sont allés dans les prétoires, des journalistes, des juges qui ont présidé ces audiences, des avocats, des travailleurs sociaux et des gens de l'Éducation nationale. On va essayer un peu de décloisonner pour comprendre le phénomène dans toute sa globalité.
C'est un phénomène qui évolue aussi avec les années, qui est difficile à saisir. Le terrorisme aujourd'hui n'est pas le même qu'il y a cinq ou dix ans...
Non, on a un ennemi qui est extrêmement intelligent, qui nous observe avec acuité et qui a su adapter son mode de recrutement et son mode d'action. Donc, en ce moment, l'actualité fait que les terroristes n'ont pas de base arrière avec des financements suffisants pour vraiment projeter des opérations comme celle du 13-Novembre. Donc, on est face à une espèce de terrorisme low cost. Vous prenez un couteau chez vous et vous allez poignarder des gens dans la rue. Ça ne coûte pas cher et ça provoque un effroi et une discussion dans la société extrêmement fort.
Déjouer des attentats, c'est une chose, s'attaquer à la radicalisation, c'est une entreprise vraiment très différente ?
Oui, déjouer des attentats, c'est évidemment fondamental. Moi qui suis une victime, je suis heureux à chaque fois qu'on évite de faire de nouvelles victimes. Mais l'attentat arrive en toute fin de course. C'est quand le jihadisme est déjà ancré, quand on a déjà une cellule, c'est quand on a déjà une envie de passer à l'acte. Et l'idée, c'est quand même de faire de la prévention. On ne guérit pas une maladie en ne traitant que ces symptômes.
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