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"De façon diffuse, ce sont tous nos comportements qui ont changé" : le sociologue Michel Wievorka décrypte les conséquences du 13-Novembre

La sociologue Michel Wieviorka a étudié les effets des attentats sur la société française. Il revient pour franceinfo sur trois ans de bouleversements.

Article rédigé par franceinfo
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Lors des commémorations du 13-Novembre ce mardi, devant le Bataclan à Paris. (BENOIT TESSIER / MAXPPP)

La France commémore mardi les trois ans des attentats du 13-Novembre. Michel Wieviorka, sociologue et président de la Fondation de la Maison des sciences de l'Homme, a piloté plusieurs études sur ce que ces événements ont changé pour les Français.

Selon Michel Wieviorka, la société française "a évolué profondément depuis 2015". "Même si tout n'est pas facile à voir d'emblée", certaines évidences s'imposent dans toute leur brutalité : "Des milieux particuliers ont été impactés et se sont transformés : le monde juif, le monde musulman – et l'antisémitisme et la haine du musulman dans la foulée."

Le rapport au risque

Les attentats ont eu des effets directs sur certains milieux. "De nombreuses entreprises ou institutions ont mis en place des dispositifs de sécurité, vis-à-vis de l'extérieur mais aussi des problèmes internes à ces organisations, dans l'armée, la RATP, la SNCF, les aéroports..."

"De façon plus diffuse, ce sont tous nos comportements qui ont changé", poursuit Michel Wieviorka, qui donne quelques exemples : "Les gens ont pris l'habitude de faire leurs courses sur internet pour éviter d'aller dans les grands magasins au moment des fêtes. L'été, pour nos fêtes et nos festivals, les mesures de sécurité ont changé. Notre façon même d'appréhender les risques d'insécurité a changé."

Le regard sur la justice

Selon Michel Wieviorka, ces "effets à long terme" touchent jusqu'à la séparation des pouvoirs, qui a été "affectée" par ces attentats. "Entre l'exécutif, le judiciaire, le législatif, cette séparation est moins nette qu'avant le 13-Novembre", selon Michel Wieviorka. Des magistrats, avocats et ONG dénoncent la façon dont la justice se montre "moins soucieuse des droits de la défense", rappelle-t-il.

"Depuis 2015, le discours politique, y compris pour des choses dont on n'a pas conscience, ne peut pas ne pas prendre en compte le terrorisme, estime Michel Wieviorka. Un exemple, l'abandon du projet Notre-Dame-des-Landes : une dimension que les politiques ont prise en compte, c'est que si on avait fixé des milliers de gendarmes, CRS et forces de l'ordre, et qu'il y avait eu un attentat ailleurs, on aurait reproché au gouvernement de mettre des gendarmes pour s'occuper des zadistes plutôt que de se préoccuper des terroristes. On a pris en compte cette dimension. On prend des décisions pour lesquelles le spectre du terrorisme n'est jamais très loin."

Le souci de faire face, l'impossible oubli

"Le réalisme" plus que la peur a infusé la société, en même temps que "le souci de faire face à un péril réel". Il y aura bien un avant et un après, et peu de place pour l'oubli. "La répétition fait qu'on sait que ça fait partie de notre environnement, de notre contexte. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut oublier complètement." Michel Wieviorka rappelle qu'il a fait partie du comité mémoriel qui a proposé au président Macron de créer un musée mémorial, avec des activités de recherche sur ces attentats. "Le président a fait savoir qu'il était d'accord pour ce projet."

"Nice ou le Bataclan, c'est massif. Ce ne sont pas quelques personnes qui sont impactées, ce sont des milliers de personnes, tuées, blessées, traumatisées, qui ont perdu un parent, un ami... C'est vraiment la société qui a été atteinte", conclut-il. 

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