: Témoignage franceinfo "Quel énorme pied de nez à la vie" : survivant du 13-Novembre, Nicolas est retourné au Bataclan pour y donner un concert
Après avoir failli y perdre la vie, Nicolas Strohl s'est retrouvé sur la scène du Bataclan pour la finale du festival Emergenza, le 24 juin, avec son groupe Get Out To Die. Il raconte cette revanche à franceinfo.
"C’était incroyable, une expérience de dingue, extrêmement grisante, raconte Nicolas Strohl. Dimanche 24 juin, il est monté sur la scène du Bataclan, s’est installé devant sa batterie et a saisi ses baguettes. "On a super bien joué et le public était à fond dedans", confie-t-il à franceinfo trois jours après son concert. Dans la foule, il a pu apercevoir sa mère, sa sœur, son frère, sa femme, son fils de 5 ans… Toute sa famille est venue le soutenir pour la finale du festival Emergenza, à laquelle il participe à Paris avec son groupe Get Out To Die. "On s’était laissé jusqu’au dernier moment pour voir si on y allait ou pas", explique Matthieu Mangin, l’autre membre du duo. C’est la première fois que Nicolas remet les pieds au Bataclan depuis les attentats de Paris.
"J’ai pris ça comme un défi"
Le 13 novembre 2015, Nicolas est au Bataclan pour assister au concert de Eagles of Death Metal. Il y vit l'horreur des attaques terroristes, sur laquelle il ne souhaite pas s'appesantir. "La vie n'est plus pareille, il y a un avant et un après", lâche-t-il simplement, un séjour à l'hôpital et deux ans et demi de thérapie plus tard.
"Je n'étais jamais retourné au Bataclan et je n'avais aucune envie d'y retourner", explique Nicolas, attablé à la terrasse d’un café parisien. Avec ses yeux bleu perçants, ses grosses bagues et son jean troué, sa passion pour le rock lui est tatouée au corps. Sur son biceps gauche, "Get Out To Die" est écrit à l’encre permanente (photo ci-dessous). C’est le nom de son duo. "On me demande souvent si le nom du groupe est lié au Bataclan, explique Nicolas. Mais il n'y a pas de lien, c'est plus une métaphore de la naissance : tu sors pour mourir." Et puis, ils l'ont choisi avant "le 13".
Avec Get Out To Die, Nicolas s’est reconstruit après le Bataclan. "La musique m’a toujours enlevé tous mes soucis, ça m’évade", explique-t-il. Le guitariste du groupe les quitte quelques mois après le Bataclan, en janvier 2016, mais Nicolas et Matthieu ne se démontent pas, et décident de continuer en duo. "Je suis connecté à lui, je sais ce qu'il pense et il sait ce que je pense, c'est presque mystique, décrit Nicolas. Quand on joue ensemble, tout est simple, on se rattrape super bien mutuellement." Que l’un trébuche sur un accord, ou dans la vie. "Après le Bataclan, je l’ai attendu, j’allais à son rythme", explique Matthieu. Jusqu'à ce que le duo retrouve une cadence assidue. Et reparte de plus belle.
La musique est mon meilleur antidépresseur
Nicolas Strohlà franceinfo
Ensemble, ils s’inscrivent au festival Emergenza, qui donne de la visibilité aux groupes émergents. Or, la finale est prévue au Bataclan. "On n’était pas du tout au courant, raconte Matthieu Mangin. Ils nous l’ont annoncé après la deuxième phase de la compétition. Sur le moment, il avait des grands yeux ouverts et il a rigolé un peu nerveusement, se rappelle le partenaire de Nicolas. C'est une super salle, mais c'est quand même un cimetière."
Nicolas est tiraillé. La perspective de retourner au Bataclan ne le réjouit pas, mais il a envie d'amener son groupe aussi loin que possible dans la compétition. "On croit énormément à ce groupe, à ce projet, alors le Bataclan, j'ai pris ça comme un défi." Lorsque le groupe Get Out to Die est sélectionné pour se produire au Bataclan, Nicolas le vit comme une victoire. "Je me suis dit, mais quel énorme pied de nez à la vie. Parfois, je regarde les choses qui m'arrivent et j'hallucine."
J'ai failli mourir au Bataclan, et la vie me dit 'allez, vas-y, retournes-y donc'.
Nicolas Strohlà franceinfo
"Je me suis régalé"
"A mesure que cela se rapprochait, que cela devenait concret, il a eu des moments de doute, de peur de ne pas pouvoir y retourner", rapporte Matthieu Mangin. "Je ne savais pas comment j’allais réagir en me retrouvant sur place, si j’allais avoir des flashs, des visions", explique Nicolas. Par mesure de précaution, Nicolas a informé les producteurs du festival Emergenza de sa situation. "Ce n'est pas mon genre de faire des malaises, mais bon, on ne sait jamais."
Nicolas se prépare pour que tout se passe bien. Dans le mois qui précède la grande finale, il va voir sa psychologue deux fois par semaine. La veille de son concert, il retourne, pour la première fois, au Bataclan. Un repérage d'à peine une vingtaine de minutes pour tâter le terrain.
Je suis allé voir l'endroit où j'avais été touché, j'y suis resté deux heures.
Nicolas Strohlà franceinfo
Le lendemain, les proches et amis de Nicolas se sont mobilisés en nombre pour le soutenir sur scène. "C'était un peu la mascotte", ironise Matthieu. Le groupe a réussi à vendre environ 120 billets pour leur concert. "Vraiment, je me régalais de voir tout le monde, il y avait beaucoup d'émotion", raconte Nicolas. "On est arrivé sur scène et wow", raconte Nicolas depuis le nuage dont il n'est pas encore tout à fait redescendu. "Être sur scène, c'est de l'adrénaline pure, c'est comme une drogue", explique-t-il. Mathieu et Nicolas s'accordent à le dire : "On a super bien joué."
Le public est conquis et la prestation ne déplaît pas au jury non plus. Le duo se classe 6e sur 45 et Nicolas est élu meilleur batteur de la compétition. Quand il ressort du Bataclan, son fils sur les épaules, les gens scandent son nom. De quoi motiver le groupe, qui est déjà programmé au "off" du Hellfest, pour de nouveaux projets. "Même si le Bataclan a changé ma vie, confie Nicolas, je veux avancer, je veux m'éclater, je veux faire de la musique, je veux vivre quoi."
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