Attentat en Isère : "Les entreprises sont devenues des cibles comme les autres"
Eric Delbecque, spécialiste en matière de sûreté des entreprises, analyse pour francetv info l'attaque meurtrière du site Air Products en Isère.
La France n’avait pas connu d'attaque de site industriel depuis longtemps. Une usine du groupe Air Products, à Saint-Quentin-Fallavier (Isère), a été la cible d'un attentat qui a fait au moins un mort et deux blessés, vendredi 26 juin. Eric Delbecque, spécialiste en matière de sûreté des entreprises et coauteur du Spectacle de la peur (Ed. Jacques-Marie Laffont), analyse cet acte terroriste pour francetv info.
Francetv info : La sécurité des entreprises fait-elle l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics ?
Eric Delbecque : Il existe des cadres légaux, réglementaires, applicables à la sécurité des entreprises. Le premier est ce qu’on appelle la directive Seveso, créée en 1982, qui vise à prévenir les accidents industriels. Elle répertorie les sites sensibles et leur impose un dispositif de prévention. Elle a été souvent modifiée ; sa dernière mise à jour est entrée en vigueur au 1er juin, par exemple.
En revanche, la prévention de la malveillance, et notamment du terrorisme, relève du texte qui régit la sécurité des activités d’importance vitale, le SAIV. Il s’agit d’une instruction interministérielle prise par la défense nationale en 2008. Le but est de recenser ces activités dites "d’importance vitale" et de mettre en place des procédures de sécurité, elles-mêmes soumises à des contrôles répétés.
L’usine de Saint-Quentin-Fallavier relève-t-elle de cette instruction contre les actes de malveillance ?
Compte tenu de la nature de sa production, la chimie, le site entre dans le cadre de la directive Seveso. Mais la nature des marchés que passe cette entreprise pourrait voir s’appliquer le texte contre les actes de malveillance. Sur ce point, je n’ai pas d’information précise. Quoi qu’il en soit, dans ce type de site, le personnel fait ce qu’il faut en termes de sécurité. Sachant que l’on ne peut tout "bunkériser" en permanence.
Quelles conclusions tirez-vous de l’attentat contre Air Products ?
Aujourd’hui, il est clairement démontré que les entreprises sont des cibles comme les autres. Il n’y a plus seulement les individus, les institutions ou les symboles de l’Etat qui peuvent être visés. Mais il ne s’agit pas pour autant d’alimenter le spectacle de la peur ou de la paranoïa. Il s’agit de faire en sorte que les gens adoptent des comportements de prudence, tout en rationalisant leurs angoisses. En fait, il faut mettre en œuvre un principe de vigilance. Grâce à cela, on peut vivre aussi naturellement que possible sans sombrer dans l’hystérie que voudrait susciter ce genre d’attentat.
Concrètement, cela implique quels comportements ?
Cela consiste à procéder régulièrement à des audits pour vérifier que la réglementation est appliquée, qu’il n’y a pas de trous dans le dispositif de sûreté. Il faut aussi sensibiliser, voire former les collaborateurs de l’entreprise, entretenir des liens avec les pouvoirs publics. Bref, faire en sorte que l’entreprise soit tout à fait sensibilisée au type d’événement vécu aujourd’hui par Air Products.
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