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Manifestations, boycott, insultes… Vives réactions au Proche-Orient après les propos de Macron sur les caricatures de Mahomet

Des produits français ont été retirés des rayons de certaines enseignes au Qatar et des agences de voyage au Koweït ont suspendu réservations de vols vers la France.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une banderole s'en prenant à Emmanuel Macron déployée sur une place de Naplouse, en Cisjordanie occupée, le 25 octobre 2020. (MOHAMAD TOROKMAN / REUTERS)

Des fromages retirés des rayons des magasins au Koweït, des photos d'Emmanuel Macron brûlées à Gaza, une condamnation d'une grande organisation de pays musulmans… Les expressions de colère contre la France et son président se sont multipliées, depuis vendredi 23 octobre, au Proche-Orient.

A travers les symboles français, ce sont les récentes déclarations du président de la République au sujet de l'islam et du droit de caricaturer le prophète Mahomet, qui sont visées, dans la foulée de l'assassinat de Samuel Paty par un terroriste islamiste. "Nous ne renoncerons pas aux caricatures", avait déclaré mercredi le président de la République dans son hommage à l'enseignant, pris pour cible après avoir montré en cours un dessin du prophète de l'islam publié par Charlie Hebdo. Franceinfo résume les différents actes de cette fronde.

Des manifestations en Israël et en Palestine

Environ 200 personnes se sont rassemblées samedi devant la résidence de l'ambassadeur de France en Israël, située à Jaffa, près de Tel-Aviv. Certains portaient des banderoles pour dénoncer la défense par Emmanuel Macron du droit de caricaturer le prophète Mahomet, alors que toute représentation du prophète est interdite dans l'islam. 

"Il faut respecter Moïse chez les Juifs, il faut respecter Jésus-Christ, qui est notre prophète aussi, et il faut respecter le prophète Mohammed, que la paix soit sur lui", a ainsi déclaré à la foule un manifestant, Amin Bukhari. "Celui qui atteint son honneur, atteint tout un peuple." La manifestation s'est dispersée sans incidents.

Par ailleurs, à Khan Younès, dans l'enclave palestinienne de la bande de Gaza, une poignée de manifestants ont, selon des témoins cités par l'AFP, brûlé des photos d'Emmanuel Macron et appelé à la défense de Mahomet et de l'islam. Et à Naplouse, en Cisjordanie occupée, une photo de l'agence Reuters montre une banderole déployée sur une place, sur laquelle le président français est représenté avec un os dans la bouche, et cette légende : "Les nuages ne sont pas blessés par les aboiements du chien".

Des appels au boycott

Depuis vendredi, sur les réseaux sociaux, des appels à ne plus acheter de produits français ont été relayés. En Jordanie, le Front d'action islamique, un parti d'opposition, a appelé les citoyens à boycotter les produits français. Dans certains pays, ces appels ont été suivis d'effets concrets. Au Qatar, les chaînes de distribution Al-Meera et Souq al-Baladi ont annoncé qu'elles "retireraient" les produits français des magasins jusqu'à nouvel ordre. Un journaliste de l'AFP a constaté le retrait de confitures françaises des rayons d'un magasin Al-Meera.

Au Koweït, une soixantaine de sociétés coopératives ont annoncé un boycott des produits français, a indiqué à l'AFP le vice-président de la Fédération des coopératives, Khaled al-Otaibi. "Nous avons retiré tous les produits français, à savoir les fromages, crèmes et cosmétiques des rayons", a-t-il revendiqué. Des images de fromages Kiri et Babybel retirés de rayons dans le pays ont circulé sur les réseaux sociaux.

Quelque 430 agences de voyages du Koweït ont par ailleurs suspendu les réservations de vols vers la France, a indiqué à l'AFP le chef de la Fédération des agences de voyages koweïtiennes, Mohammad al-Motairi. Enfin, l'Université du Qatar a annoncé vendredi sur Twitter le report de la semaine culturelle française après "l'atteinte délibérée à l'islam et ses symboles".

Une réaction significative, mais à nuancer, note tout de même le politologue Hasni Abdi sur franceinfo : "Il faut relativiser, parce que la réponse dans les pays musulmans n'est pas généralisée. Il n'y a pas de consensus sur cette réaction ou l'appel au boycott de produits français". Il s'agit, selon lui, d'une "tentative de récupération" émanant de certains groupes et individus, mais pas d'une prise de position des pays concernés, contrairement à la réaction en 2005 à la publication des caricatures danoises de Mahomet.

Une condamnation de l'Organisation de coopération islamique

Vendredi, dans un communiqué, l'Organisation de coopération islamique (OCI), qui réunit 57 pays pour la plupart majoritairement musulmans, a également condamné la publication de caricatures de Mahomet en France, qu'elle considère comme une "attaque systématique et continue contre les sentiments des personnes de confession musulmane". Elle déplore également le discours "de certains responsables français" – sans les désigner – qui, selon elle, "alimente des sentiments de haine au nom de gains politiques partisans".

Des menaces de groupes armés palestiniens

Dans un communiqué, le Hamas, qui dirige la bande de Gaza, a dit "prévenir" la France des "conséquences" que pourraient avoir les déclarations d'Emmanuel Macron sur les caricatures. "Insulter les religions et les prophètes ne relève pas de la liberté d'expression, mais favorise plutôt une culture de la haine", juge-t-il.

Le Jihad Islamique, deuxième groupe armé de Gaza après le Hamas, a également a soutenu "qu'offenser" l'islam, et son prophète Mahomet, était une "ligne rouge" qui "ne pouvait être tolérée".

Des insultes d'Erdogan à Macron

Dans un discours télévisé, samedi, le président turc Recep Tayyip Erdogan s'en est pris à Emmanuel Macron : "Tout ce qu'on peut dire d'un chef d'Etat qui traite des millions de membres de communautés religieuses différentes de cette manière, c'est : allez d'abord faire des examens de santé mentale".

Une attaque qui a suscité une vive réaction de l'Elysée, qui a dénoncé "l'outrance et la grossièreté" du président turc et jugé ses propos ''inacceptables". L'ambassadeur de France à Ankara a été rappelé en France pour "consultation", un geste inédit dans l'histoire des relations entre les deux pays.

Dimanche, le Quai d'Orsay a une nouvelle fois dénoncé "une propagande haineuse et calomnieuse contre la France" de la part de la Turquie, et déploré "l’absence de toute marque officielle de condamnation ou de solidarité des autorités turques après l’attentat terroriste de Conflans-Sainte-Honorine". Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a quant à lui dénoncé les déclarations du président turc et l'a appelé "à cesser cette spirale dangereuse de confrontation".

Un responsable de la présidence turque a en revanche appuyé la ligne d'Ankara, estimant que "la politique insidieuse des caricatures offensantes, des accusations de séparatisme contre les musulmans et des perquisitions de mosquées" ont pour but "d'intimider les musulmans".

Ces propos s'inscrivent dans un contexte qui va au-delà des suites de l'attentat contre Samuel Paty. Il y a deux semaines, avant l'assassinat de l'enseignant, Recep Tayyip Erdogan avait dénoncé comme une provocation le discours d'Emmanuel Macron contre le "séparatisme islamiste" et la nécessité de "structurer l'islam" en France.

Le dialogue entre Ankara et Paris est également tendu au sujet du conflit au Haut-Karabakh ou encore des ambitions turques en Méditerranée. "Quand on regarde les derniers mois, on s'aperçoit qu'il y a eu sans arrêt des accrochages entre la France et la Turquie", rappelle sur franceinfo Jean Marcou, professeur à Sciences-Po Grenoble. En novembre dernier, le président turc avait déjà mis en cause la santé mentale d'Emmanuel Macron, répliquant aux propos du président français sur la "mort cérébrale" de l'Otan en l'invitant à "examiner sa propre mort cérébrale".

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