Attentat à Strasbourg : les victimes psychologiques ont "d'abord besoin d'être protégées"
Hélène Romano, psychothérapeute, évoque la prise en charge des témoins, des victimes, le contexte particulier autour de la période de Noël et le fait que l'assaillant présumé soit toujours en fuite.
"C'est beaucoup plus difficile que les gens se sentent rassurés quand vous ne savez pas où est celui qui a tiré", a estimé Hélène Romano, docteure en psychopathologie mercredi 12 décembre sur franceinfo. La psychothérapeute spécialisée dans la prise en charge des blessés psychiques, a expliqué que les personnes qui ont assisté à l'attaque "ont d'abord besoin d'être protégées, c'est extrêmement important".
franceinfo : De quoi ont besoin ceux qui ont assisté à l'attaque ?
Hélène Romano : Ils ont d'abord besoin d'être protégés. De parler, s'ils le veulent, mais il ne faut pas les y obliger. Certaines personnes auront besoin de parler dans plusieurs jours, plusieurs semaines. Ils ont souvent besoin de pouvoir retrouver leurs proches et un environnement connu et sécurisant. C'est souvent la première priorité, ce qu'ils demandent en premier avant de reparler des faits. On ne force pas la parole, c'est important de le rappeler.
À deux semaines de Noël, ce n'est pas anodin ?
Ce n'est pas anodin. C'est compliqué pour l'être humain quand il se trouve dans un contexte paradoxal. C'est un moment festif, ils venaient d'acheter leurs cadeaux et de profiter de ce marché de Noël. Et d'un coup, ils se retrouvent face à la mort, dans un contexte criminel subi, devant lequel ils sont totalement impuissants. Pour le psychisme, quand on est dans des contextes où on n'a pas pu anticiper, se préparer et s'imaginer le pire, l'effraction est d'autant plus forte. Il y a un décalage entre la représentation et la réalité.
Cela réactive le cauchemar qu'ont vécu d'autres victimes ?
C'est très fréquent. On a souvent beaucoup de demandes de personnes qui ont vécu d'autres attentats, d'autres accidents, d'autres deuils, même individuels. Quand vous avez des événements médiatiquement très portés comme ce qu'il s'est passé hier soir, inévitablement, si vous-même avez été endeuillé, ça réactive votre propre détresse. Ce sont des temps de fragilisation très forte au niveau psychique.
Le fait que le tireur ait réussi à s'enfuir et qu'il soit recherché, est-ce une difficulté supplémentaire pour la prise en charge, une source de stress supplémentaire ?
C'est très compliqué pour tout le monde. Pour les intervenants, bien évidemment, mais surtout pour les civils. Il y a la crainte qu'il [le terroriste présumé] puisse à nouveau tirer, la crainte de ne pas savoir qui c'est... On a besoin de savoir, pour se rassurer. On l'a vu lors des attentats précédents. Les auteurs avaient été tués ou arrêtés, il y avait une forme d'apaisement : "au moins ils ne recommenceront plus, au moins on sait qui c'est". Là, on ne sait pas qui c'est et on ne sait pas s'il va recommencer. L'anxiété est majorée, inévitablement. Les conséquences peuvent être plus de peur, plus de difficultés à apaiser la détresse psychologique, la souffrance liée à cet effroi, cette confrontation. Vous êtes face à la mort, c'est une peur tout à fait particulière. C'est beaucoup plus difficile de se sentir rassuré quand vous ne savez pas où est celui qui a tiré. On a souvent plus d'hypervigilance et des anxiétés beaucoup plus fortes que si les auteurs sont arrêtés.
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