: Interview Du cinéma au théâtre, la comédienne Fabienne Babe fait son premier Festival off d'Avignon dans le seul en scène "Pitchipoï"
Comédienne au cinéma pour Jacques Rivette, Ken Loach ou André Téchiné, Fabienne Babe est au Festival off d’Avignon dans le seul en scène "Pitchipoï" de Jacky Katu. Elle nous raconte son festival et comment son cœur balance entre le grand écran et la scène.
La vocation d’actrice de Fabienne Babe s’est orientée vers le cinéma pour lequel Jacques Rivette, Ken Loach ou André Téchiné la mirent en scène. Le théâtre est venu plus tard. C'est devenu son actualité avec Pitchipoï de Jacky Katu, jouée au théâtre Saint-Michel au Festival off d’Avignon. L’occasion de rencontrer cette belle actrice talentueuse qui nous raconte son Avignon - où elle vient pour la première fois - et son passage du grand écran à la scène.
Franceinfo Cuture : Que représente le Festival d’Avignon à vos yeux et feriez-vous une comparaison avec Cannes ?
Fabienne Babe : La première semaine a été une adaptation, un atterrissage. Il fallait comprendre comment fonctionne le festival, prendre ses repères... Je me surprends moi-même d’être pour la première fois à Avignon. Oui, je connais mieux Cannes où je suis allée plusieurs fois. Le seul comparatif, c’est qu’ils sont tous deux les plus grands festivals du monde du cinéma et du théâtre. Cannes, c’est très paillette, beaucoup de show-biz, d’argent… Ce qui me plaît à Avignon, c’est qu’il y a quelque chose de presque régressif, d’enfantin. En se baladant, on croise Spider-Man, des hommes bizarrement habillés, d’une autre époque, des fées, des princesses… Je trouve qu’il y a quelque chose de très joyeux. Mais professionnel aussi. Les gens sont là pour travailler, il y a beaucoup de pièces, mais aussi une très bonne ambiance.
Jusqu’ici, j’appréhendais une sorte d’hystérie, qui peut exister avec les comédiens et le théâtre. Et en fait pas du tout : c’est le côté très bon enfant qui domine, une envie de jouer, de travailler, avec un choix énorme de pièces. On croise des gens qui chantent, avec des voix merveilleuses, qui dansent, les gens parlent entre eux, échangent sur ce qu’ils ont vu. Le public, très enthousiaste, est partout. Ils ont leur programme rempli à partir de 10h le matin. C’est un beau public.
Pour la comédienne que vous êtes, qu'elle est la différence majeure entre le théâtre et le cinéma ?
La différence avec le cinéma, c’est qu’une fois le film terminé, on a juste à le présenter. C’est donc un rapport au travail complètement différent. Ici, on joue tous les jours. Comme comédienne, la différence avec le cinéma, c’est qu’au théâtre on répète alors qu’au cinéma, en tant qu’acteur, on est souvent très seul. On fait le plus souvent une lecture avec le metteur en scène et les autres acteurs, mais on prépare le rôle de façon assez isolé. Au théâtre, il y a les répétitions, le travail sur le texte, des improvisations, et pour un acteur c’est très nourrissant.
Est-ce que l’esprit de troupe existe encore au théâtre ?
À ce que je vois ici dans la rue, je pense que oui, on sent l’esprit du collectif, les gens ont l’air unis, avec l’envie de vivre ensemble. Ce n’est pas le cas au cinéma mais en fait de compte on le trouve très vite, par le plateau, le tournage, l’équipe, on créé des connexions.
Comment abordez-vous l’expérience théâtrale par rapport au cinéma ?
J’ai beaucoup tourné. Faire du cinéma était mon envie première. Puis j’ai eu deux expériences au théâtre qui m’ont plu, avec un rapport à l’acteur pas très différent, mais tout autre avec le public. Et il y a le fait de jouer une pièce d’un bout à l’autre, par rapport à la segmentation du tournage d’un film. C’est une autre énergie. Je crois que l’acteur doit faire les deux. Je pense à des actrices américaines comme Julianne Moore ou Kate Winslet qui viennent toutes deux du théâtre. Quand j’ai voulu être actrice, je me disais : "je vais faire du cinéma jusqu’à 40 ans et après je ferai du théâtre". Aujourd’hui, j’espère faire des films jusqu’à la fin et de faire égalment du théâtre car je trouve que ça nourrit l’acteur, ça donne beaucoup de force et de confiance en soi.
Quand Jacky Katu m’a proposé Pitchipoï, j’avais de plus en plus envie de me tourner vers la création. J’ai d’abord été embarquée par le texte que j’ai trouvé très fort, très poignant. L’histoire de cette petite fille, déportée, portée par la volonté farouche de survivre, cette confrontation au mal absolu qui peut envahir les hommes et détruire des vies.
J’ai un peu hésité en raison du côté seul en scène, un défi à relever, et je me suis lancée. Ce que je trouve formidable dans le théâtre, c’est qu’on apprend à être maître de soi-même, au cinéma on dépend toujours du regard du réalisateur, de la façon dont on est filmé, du montage… Au théâtre, on est vraiment présent, en entier. Et puis ce rapport au public, on sent cette énergie qui se met en place et émerge. C’est très beau de voir le public ému à la fin.
"Pitchipoï", de Jacky Katu
Avec Fabienne Babe
Mise en scène : Jacky Katu
Théâtre de la Porte Saint-Michel
23 rue Saint-Michel, 84000 Avignon
Tous les jours à 11h15, sauf le mardi
Tél : 09 80 43 01 79
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