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Festival Off d'Avignon 2022 : une vitrine onéreuse incontournable pour les compagnies de théâtre

Avec 1570 spectacles présentés cette année, le Off d'Avignon renoue avec le gigantisme et la concurrence féroce. Passage obligé pour séduire les programmateurs, le festival représente pour les petites compagnies un investissement colossal et hasardeux. 

Article rédigé par Ariane Combes-Savary
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Parmi les 1570 spectacles présentés au Off d'Avignon, il faut faire sa place pour séduire les spectateurs. (Ariane Combes)

"Vous allez voir, c'est 70 minutes d'humour garanti. Venez c'est à 13 heures, le théâtre est à deux pas." Un mélange de gouaille et de bonhomie, il a le sourire charmeur et l'entrain des premières fois. Marc Larebière est pourtant loin d'être un débutant. "Mon premier Avignon, c'était en 1987, raconte-t-il. J'étais comédien." Cette fois-ci, celui qui est aussi directeur d'un café-théâtre à Annecy (les Têtes de l'Art), se lance dans la production. Il a choisi d'accompagner De Gaulle est de retour, une comédie familiale qui ressuscite le Général et le plonge dans le monde moderne. Un mélange d'humour et de références historiques qui a valu à la pièce le soutien de la Fondation Charles de Gaulle.

De Gaulle est de retour avec Matthieu Kalka et Valentin Maerte (KOBAYASHI)

Une histoire d'amitié

Et c'est dans la rue que le public se gagne. Le spectacle a beau avoir été joué 700 fois depuis sa création en 2016, à Avignon, il faut tout recommencer et refaire sa place parmi les 1570 spectacles proposés cette année. Une concurrence féroce qui oblige à séduire les spectateurs un à un, tracts à la main et tee-shirt publicitaire sur le dos. Mais quelle mouche a donc piqué Marc Larebière pour qu'il s'aventure ainsi dans un tel projet ? "C''est pour rester jeune", avoue-t-il tout de go.

Marc Larebière à la conquête des spectateurs dans les rues d'Avignon (Ariane Combes)

C'est aussi une histoire d'amitié. Avec les deux comédiens et auteurs de la pièce, d'abord : Matthieu Kalka et Valentin Maerte, rencontrés lors d'une représentation à Annecy. Avec Romain Bailloud aussi, un comédien amateur passionné de café-théâtre qui a investi 15 000 euros pour financer le projet. Le plus gros des dépenses se concentre sur la location du théâtre. "C'est simple, calcule le mécène, il faut compter 100 euros le fauteuil. Pour une salle de 100 places, ça fait un buget de 10 000 euros, auxquels il faut ajouter le logement et le cachet des comédiens." Il ne compte pas rentrer dans ses frais à l'issue du festival mais d'ici un ou deux ans si le spectacle est "signé" par des programmateurs.

Les deux comédiens de De Gaulle est de retour espèrent 40 à 50 spectateurs par représentation. Objectif atteint au quatrième jour après une mise en route modeste (20 billets par jour) et quelques sueurs froides. "Certains centres culturels ne font leur sélection qu'à Avignon, il fallait qu'on soit là", témoigne Matthieu Kalka. "Avignon est autant une machine à rêve qu'un broyeur de compagnies", ajoute, lucide, le comédien qui compte beaucoup sur les retours presse et le bouche-à-oreille pour remplir la salle. C'est d'ailleurs comme ça que la pièce a trouvé son public au départ. 

La rentabilité à long terme

Croisé dans la rue Caretterie en pleine séance de tractage, Loïc Bartolini consacre de son côté un budget de 25 000 euros pour présenter sa pièce Photographe en liberté au Théâtre des Brunes. Un investissement sur ses fonds propres. Pour son seul-en-scène aux allures de carnet de voyage, il a embauché un régisseur, un chargé de diffusion et une personne pour la logistique générale. Après huit participations au Off avec trois spectacles différents, il sait désormais ce qui l'attend. 

En 2019, j'ai eu 7000 euros de perte. Cette année encore, je sais que je ne vais pas rentrer dans mes frais avec la billeterie, mais pour moi ce qui compte c'est de rencontrer des diffuseurs et des programmateurs et de leur vendre mon spectacle. Si j'arrive à signer 15 dates pour la prochaine saison, ce sera une belle tournée.

Loïc Bartolini

comédien et metteur en scène

 

Si la compagnie de Loïc Bartolini a les reins suffisamment solides, ce n'est pas le cas de nombreuses autres structures qui, faute de spectateurs dans les premiers jours, se retrouvent surendettées et contrainte de quitter le festival avant la fin. "La légende dit qu'un quart des compagnies abandonnent en cours de route", témoigne la comédienne Paméla Blottière dont la compagnie La Limprost présente pour la deuxième fois à Avignon Tout tourne-boulé, un conte musical pour enfants, au théâtre Carnot. La direction de l’association Avignon Festival & Compagnies (AF & C) ne confirme pas ce chiffre, mais c'est un fait, certaines compagnies y laissent leur chemise. 

Tout tourne-boulé de la compagnie la Limprost (Cie la Limprost)

L'année dernière La Limprost a eu la chance de bénéficier de subventions publiques de la part de la Sacem, de la Spedidam et de la ville du Mans d'où elle est originaire. 12 000 euros au total. Mais en 2021 les programmateurs avaient déjà bouclé les saisons 2021-2022 et 2022-2023 en raison des reports liés au Covid, c'est donc cette année qu'elle espère signer des dates. Petite jauge (49 places), dans un petit théâtre, à une heure peu demandée (11h30), logement de la troupe en dehors d'Avignon : tout a été fait pour limiter les dépenses et éviter de mettre la clef sous la porte. Que le rêve ne vire pas au cauchemar.

"De Gaulle est de retour", de Mattieu Kalka et Valentin Maerte, à La Comédie d'Avignon (40 rue des Lices, à Avignon). Jusqu'au 30 juillet, à 13h00. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.

"Photographe en liberté", de Loïc Bartolini, au théâtre des Brunes (32 rue Thiers, à Avignon). Jusqu'au 30 juillet, à 12h55. Relâche les 12, 19 et 26 juillet. 

"Tout tourne-boulé", de la compagnie La Limprost, au théâtre Carnot (16 rue Carnot, à Avignon). Jusqu'au 30 juillet à 11h30. Relâche les 11, 18 et 25 juillet.

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