Foot : France-Espagne, un match référence pour les Bleus ?
Contrairement à une idée reçue, ça n'est pas parce qu'on a réussi un bon match qu'il en devient un match référence. Même en arrachant un nul contre les champions du monde.
FOOTBALL - "La France a écrasé l'Espagne 1-1." Cette phrase, ironique, est l'œuvre des Cahiers du Football. A entendre le concert de louanges qui s'est abattu sur la bande de Didier Deschamps, on en oublierait presque que les Bleus n'ont pas gagné en Espagne. Pour de nombreux observateurs, la rencontre de Madrid est à ranger dans la catégorie des "matchs référence". Un concept décliné à toutes les sauces mais qui ne signifie pas forcément des lendemains qui chantent.
Danger : ego inflammables
"Jouissif", "une belle surprise", "c'est comme ça qu'on vous aime", "un exploit" : la presse française n'a pas fait dans la demi-mesure après le nul ramené de Madrid, grâce à un but d'Olivier Giroud à la dernière minute. On n'a pas vu le même match des deux côtés des Pyrénées. Le journal sportif espagnol Marca insiste en une sur "une débandade". Sans un corner mal joué et un grand pont présomptueux des espagnols à huit secondes de la fin du match, les Français seraient repartis du stade Vicente Calderon avec une défaite imméritée, mais une défaite quand même.
Didier Deschamps a été le premier à sortir l'extincteur en conférence de presse : "La meilleure équipe du monde est toujours en face de nous. (...) On ne fait pas tout bien mais on a une marge de progression. (...) On n'est pas les meilleurs, on n'est pas les plus nuls non plus. Il faut s'appuyer sur ce résultat et ne pas s'endormir dessus." Une mise en perspective bienvenue pour tempérer les ardeurs, explique à FTVi Yvon Trotel, psychologue du sport : "Personne n'est suffisamment naïf pour croire que l'équipe de France est capable de rivaliser avec les champions du monde."
Les faux "matchs référence" se ramassent à la pelle
Regarder la liste des derniers matchs référence des Bleus, c'est oublier les désillusions qui ont suivi ces rencontres.
- Février 2012, Allemagne-France 1-2. Le meilleur match des Bleus pendant la période Laurent Blanc. Giroud marque, Debuchy est décisif, les deux s'embrassent langoureusement sur le terrain. Le premier cire le banc lors de l'Euro ukrainien, quand le second passe à côté de la compétition.
- Septembre 2010, Bosnie-France 0-2. La première victoire de Laurent Blanc en bleu avec un milieu de costauds amené à être reconduit : Diarra, M'Vila et Diaby. Aucun des trois ne fait un bon Euro deux ans plus tard. Aucun des trois n'est titulaire indiscutable en équipe de France aujourd'hui.
- Octobre 2008, Roumanie-France 2-2. Menés 0-2, les Bleus reviennent dans le match grâce à Ribéry et un but fantastique de Gourcuff. La France croit détenir les nouveaux Zidane et Djorkaeff. Erreur. On ne le sait pas encore, mais on a vu l'apogée de Gourcuff sous le maillot bleu.
- Septembre 2006, France-Italie 3-1. Un doublé de Sidney Govou, un but de Thierry Henry, et une prestation enthousiasmante dans la lignée du Mondial allemand où la France a échoué en finale. Les Bleus peuvent-ils jouer sans Zidane ? A ce moment-là, on y croit.
Espagne-France rejoindra-t-il cette longue série ? Le public français n'est-il pas en train de retourner sa veste à vitesse grand V après une prestation décevante contre le Japon, vendredi 12 octobre ?
Confirmation attendue contre la Géorgie
Le scénario du match, où les Bleus ont surmonté une situation compliquée, est typique du match référence, beaucoup plus qu'une victoire 4-0. Mais on ne peut pas décréter un match référence au coup de sifflet final, explique Yvon Trotel. "Un match ne devient un match référence que si on en analyse les ingrédients de la réussite. L'idée de match référence magique, ça n'existe pas. On a plein d'exemples de soit-disant matchs référence où l'équipe a pris une valise au match suivant."
Tout est une question de dynamique, poursuit le psychologue. "Il faut réaliser un apprentissage, tirer des enseignements de ce match. Contre l'Espagne, on a vu une équipe de France vraiment soudée, sans mouvements d'humeur ou presque entre les joueurs et avec une motivation très élevée. Tous les joueurs évoluent sur le même tempo, ce qui a donné des actions rapides assez abouties. Mais c'était contre l'Espagne, un vrai défi pour les joueurs, qui se sont facilement motivés. Reste à voir si le staff va réussir à recréer contre la Géorgie, en mars prochain, une telle solidarité et une telle cohésion."
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