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Forsane Alizza, première cible de la lutte contre l'islamisme radical

L'organisation salafiste radicale, dissoute en février par le ministre de l'Intérieur, a été visée par un coup de filet mené vendredi matin dans les milieux islamistes radicaux.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Le groupe d'intervention de la police nationale (GIPN) emmène Mohamed Achamlane, arrêté le 30 mars 2012 à son domicile de Bouguenais, près de Nantes (Loire-Atlantique).  (JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP)

Coup de filet chez les islamistes radicaux. Dix-neuf personnes ont été interpellées vendredi 30 mars simultanément dans plusieurs villes de France. Parmi elles, un gros poisson : le charismatique leader du groupe Forsane Alizza ("Les cavaliers de la fierté"), Mohamed Achamlane, ainsi que des proches de cette organisation, qui se revendique du salafisme radical. 

Spécialiste des coups d'éclat médiatiques et adepte d'un discours particulièrement véhément, elle avait été dissoute par un décret publié le 1er mars au Journal officiel, sur décision du ministère de l'Intérieur. Dix-sept personnes ont été placées en garde à vue. 

Pourquoi Forsane Alizza a-t-elle été visée ? 

Des armes retrouvées chez des membres de l'organisation

"Trois kalachnikovs, un pistolet Glock et une grenade" ont été retrouvés au domicile de Mohamed Achamlane, dans l'agglomération de Nantes (Loire-Atlantique), a indiqué une source proche de l'enquête à  l'Agence France-Presse. En tout, cette opération d'ampleur, menée également en Ile-de-France, dans la région lyonnaise et en Provence-Alpes-Côte d'Azur, a permis de saisir cinq fusils, des armes de poing et des Tasers ainsi qu'un gilet pare-balles et une réplique de kalachnikov.

Pour autant, l'enquête ne vise aucun projet d'attentat ou recrutement de combattants, a indiqué une source judiciaire. Elle porte sur une "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste".  

Discours virulent et recrutement en ligne

Ce sont ces éventuelles connexions terroristes qui ont poussé le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, à dissoudre l'organisation. A l'époque, le ministère a accusé l'association de "former à la lutte armée (...), d'attenter à la forme républicaine du gouvernement" et de présenter "le caractère d'un groupe de combat". Quelques jours plus tôt, le site officiel de l'organisation avait annoncé l'ouverture d'un "recrutement", très porté sur l'action. "Nous recherchons toutes sortes de compétences mais surtout des soldats, disait l'annonce. Donc, si vous appréciez les sports de combat et êtes capables d'intervenir rapidement lorsque l'on vous sollicitera, alors votre profil nous correspond, inch Allah."

Dans une note des services de renseignement portée à la connaissance du Figaro, Forsane Alizza était désigné comme un "groupement de fait pro-djihadiste".

Le mouvement fondamentaliste "Forsane alizza" ( Loubna Anaki et Chloé Cormery - France 2)

Exigeant entre autres que "les troupes françaises (...) quitt[ent] les territoires à majorité musulmane et ce, sans condition ni délai" et le "retrait de ces lois abjectes contre le voile et le niqab dans l'espace public comme en privé", l'organisation avait menacé : "Si d'aventure nos exigences ne sont pas prises en compte, alors nous considérons que le gouvernement est entré en guerre contre les musulmans." "Cela ne veut pas dire forcément soldat armé en tenue militaire", s'était défendu Mohamed Achamlane dans une interview à l'AFP, au moment de la dissolution de Forsane Alizza. 

Un lien avec l'affaire Merah ?

Après la mort de Mohamed Merah le 22 mars, Nicolas Sarkozy a demandé à la police de procéder à l'"évaluation" de la dangerosité des personnes connues pour entretenir des sympathies avec l'islam radical. Ces opérations policières, dont l'objectif est de démanteler des filières, n'ont pas eu lieu dans le cadre de l'enquête sur les tueries de Toulouse et de Montauban, a déclaré le chef de l'Etat sur Europe 1, mais ciblent "une forme d'islamisme radical".

Au cours de l'enquête qui a précédé l'identification puis la mort de Mohamed Merah, l’imam de la mosquée de Drancy (Seine-Saint-Denis), Hassen Chalghoumi, a déclaré qu'"il pourrait s’agir de membres de Forsane Alizza". "En janvier 2010, ils étaient venus manifester devant la mosquée de Drancy pour marquer leur soutien à un autre groupe islamiste radical, le collectif Cheikh Yassine", a rapporté le religieux à Slate.frIl n'y a "pas à notre connaissance" de lien entre les interpellés et Mohamed Merah, a toutefois tenu à rappeler Claude Guéant.

• Un groupe réellement menaçant ? 

Des méthodes d'agit-prop

Les membres de Forsane Alizza, estimés à une centaine, allaient-ils passer à l'action armée ? "Pour l'instant, le groupe s'est illustré dans des opérations commandos d'ordre symbolique", explique Samir Amghar, sociologue et auteur de Le salafisme aujourd'hui. "Des manifestations pour défendre le port du voile et protester contre son interdiction, brûler le Code civil en disant qu'il ne protège pas les musulmans, etc., détaille-t-il. Ils appellent les musulmans à se soulever et utilisent pour cela des moyens de communication dans une démarche de buzz. Ils savent que leurs propos, antisémites, contre l'homosexualité, etc., vont choquer l'opinion." Ou quand le jihad rencontre l'agit-prop, en quelque sorte.

Des jeunes nourris à la culture du web

Partant du principe que les terroristes potentiels sont peu enclins à attirer l'attention sur eux, Samir Amghar constate que les islamistes du type Forsane Alizza "ne sont pas forcément ceux qui basculent dans la violence". 

Le sociologue dresse le portrait de membres "plutôt jeunes, entre 20 et 30 ans, nourris à la culture du web". "Ils critiquent l'islam de leurs parents, s'inscrivent globalement dans une démarche de protestation et se disent en désaccord avec l'ordre social dont ils estiment qu'il discrimine les musulmans", ajoute-t-il. Par ailleurs, "on retrouve parmi eux des gens qui considèrent qu'Al-Qaïda a échoué et qui donc agissent dans le même but, mais avec des moyens qui correspondent plus à leur génération".

Des intentions encore inconnues 

"C'est un groupe qui existe depuis un certain temps, qui est bien connu et surveillé par la police et les services de renseignement, explique Samir Amghar. Pour eux, ce type de groupe est d'ailleurs utile. Parce qu'ils sont visibles, ils permettent d'identifier des personnes qui gravitent autour d'eux. Les dissoudre ou les interdire les fait basculer dans la clandestinité."

Quant à savoir si le groupe avait montré des signes de radicalisation ou fait part de projets violents depuis sa dissolution, la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire indique qu'il est trop tôt pour se prononcer. L'enquête préliminaire avait été ouverte en octobre 2011 sur des informations de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). 

Parfait timing

A un mois de l'élection présidentielle et dans la foulée de l'émotion suscitée par les attaques de Toulouse et Montauban ("un peu comme notre 11 septembre", a dit Nicolas Sarkozy), "on pense tout de suite à une stratégie de communication, note Samir Amghar. Dès lors que le groupe était déjà identifié et surveillé, agir maintenant apparaît comme une volonté de surfer sur la peur." Claude Guéant, lui, s'en défend : "Pour ce qui est de l'opération de communication, je rappellerais que [cette opération] est une décision judiciaire."

Menées sur commission rogatoire de la juge d'instruction antiterroriste Nathalie Poux, les arrestations se sont déroulées à l'aube. Dans la paisible bourgade de Couëron, en périphérie de Nantes, caméras de télévision et photographes étaient présents. De quoi témoigner de l'action du GIPN et mettre des images sur la lutte contre le terrorisme, promise par Claude Guéant. 

Une vingtaine d'interpellations dans les milieux islamistes (Francetv info)

Un air de campagne, confirmé par un communiqué de Guillaume Peltier, secrétaire national de l'UMP. "Nicolas Sarkozy est le seul candidat à prendre des engagements concrets, suivis d'actes effectifs pour endiguer la présence des armes sur le territoire, pour mettre hors d’état de nuire les islamistes radicaux et la propagation d'idées qui menacent nos valeurs, les Français et la France, écrit-il. Là où François Hollande et le PS fuient ce débat, Nicolas Sarkozy agit pour défendre la France forte." D'ailleurs, ces actions "vont continuer", a prévenu le président candidat.

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