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"On n'a pas le même détachement que lorsqu'on est en France" : des expatriés racontent leur 14-Juillet

Pour beaucoup de Français de l'étranger, la fête nationale est l'un des moments forts de l'année. Certaines communautés en profitent pour se rassembler. 

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Des danseuses de french cancan donnent une représentation pour les célébrations du 14-Juillet, à New York, le 9 juillet 2017. (PAUL ZIMMERMAN / AFP)

Comme beaucoup, ils verront le défilé à la télévision. Ils, ce sont les Français de l'étranger. Et pour eux, le 14-Juillet revêt une saveur particulière. La fête nationale leur permet de se retrouver à l'ambassade ou au consulat autour d'un buffet ou d'un concert. Pendant ces quelques heures, les 2,5 millions d'"expats" vont avoir une pensée particulière pour leur pays d'origine.

Vendredi, ils seront donc des dizaines, des centaines voire des milliers à se presser aux grilles des ambassades pour retrouver un petit bout de France. De Jérusalem à Caracas en passant par Moscou, franceinfo a interrogé ces expatriés qui ne manqueraient pour rien au monde le 14-Juillet. 

"On a un frisson quand on écoute La Marseillaise"

Installé depuis trente-trois ans à Moscou en Russie, Gilles est très impliqué dans la communauté française. Vice-président de la Chambre de commerce et d'industrie franco-russe, ce directeur commercial d'une agence de voyages l'assure : le 14-Juillet est "l'une des grandes occasions de rencontre". "On a un frisson quand on écoute La Marseillaise. On n'a pas le même détachement que lorsqu'on est en France", raconte-t-il à franceinfo. En Russie, la fête se découpe en deux-temps : la réception à l'ambassade mais aussi, depuis trois ans, une fête intitulée "La Journée de la France" qui a lieu dans une ancienne usine désaffectée. "Il y avait plus de 10 000 personnes l'année dernière. Il y avait des animations, des stands de nourriture, un concert", détaille-t-il.

La "Journée de la France" à Moscou (Russie), en 2016. (Anna Tikhomirova / Ambassade de France en Russie)

A l'ambassade, le ton est plus formel puisque tous les corps constitués sont invités. Depuis quelques années, "pour des questions financières et de sécurité", il y a "des quotas" et "la réception est plus limitée". D'où cette "Journée de la France". Gilles a également un souvenir marquant des réceptions données sous l'URSS.

Le 14-Juillet était très important lors de la période soviétique. On trouvait du fromage, des choses très françaises. Beaucoup de gens s'en souviennent.

Gilles, expatrié à Moscou

à franceinfo

"Il n'y avait pas grand-chose dans le pays à l'époque et c'était l'occasion de se voir", se rappelle-t-il encore. Les Russes francophones et francophiles participent aussi au 14-Juillet. "Tout ce qui est français passe très bien en Russie. Ils viennent très volontiers prendre un petit bout de France", indique Gilles. 

"C'est très bon enfant"

Dans d'autres endroits du monde, l'ambiance est beaucoup plus intime, moins protocolaire. En Islande, la communauté française compte 500 expatriés. "On est une centaine à venir à l'ambassade pour le 14-Juillet", témoigne Julien. Cet agent de voyages est installé depuis dix ans à Reykjavik, la capitale du pays. "Ca permet de renouer des relations avec des gens que je vois à cette occasion. C'est très bon enfant. On n'est pas en queue-de-pie", décrit-il. Lui aussi raconte son plaisir de consommer des produits français. "En général, on a un fournisseur de vins qui est Français et qui essaye de ramener des produits locaux", se réjouit-il. 

On retrouve la communauté française sans grand délire patriotique, on ne chante pas "La Marseillaise" mais on se sent Français

Julien, expatrié à Reykjavik

à franceinfo

L'homme qui confie ne s'être "senti Français qu'en arrivant en Islande" ira, après la réception, manger un morceau avec un groupe d'amis. 

D'autres ne se rendront même pas à l'ambassade et resteront en famille. C'est le cas de Solange. Cette Française née à Ushuaïa (Argentine) raconte un 14-Juillet "très intime". "On mange quelque chose de bon. Normalement, ma mère prépare un bœuf bourguignon", raconte-t-elle. Et puis, sa famille "met un peu d'Edith Piaf". "C'est très cliché, reconnaît-elle, mais pour nous, c'est très important." "C'est étrange, nous fêtons beaucoup plus le 14-Juillet que les fêtes argentines", ajoute-t-elle alors que toute sa famille a la double nationalité.

"Le 14-Juillet est l'occasion de rappeler que la France est là"

Pour certains, impossible cependant de dissocier le 14-Juillet des réalités de leur pays d'adoption. Blandine est arrivée à Caracas (Venezuela) en 2005. Agée de 37 ans, celle qui travaille dans "le management de gestion d'entreprises" a épousé un Vénézuélien. Mais, depuis plusieurs mois, le pays traverse une crise politique sans précédent, doublé d'une crise économique. Les manifestations contre le président Nicolas Maduro sont quotidiennes et souvent violentes. Conséquence : la communauté française se réduit. 

Il y a beaucoup de Français qui partent en ce moment. Lors du 14-Juillet, on retrouve des gens et on dit : 'Alors, tu es encore là ?'

Blandine, expatriée à Caracas

à franceinfo

"Le 14-Juillet, ce sont essentiellement des Français de Caracas qui viennent à l'ambassade. Avant, ils venaient d'autres grandes villes mais c'est moins le cas à cause de la situation économique et sécuritaire, on trouve moins de pièces de rechange pour les voitures", décrit Blandine. Néanmoins, celle-ci décrit "une ambiance assez festive, un moment que les Français attendent avec impatience". "C'est un endroit agréable, on retrouve aussi des Vénézuéliens qui ont un intérêt pour la France. Il y a des gens du gouvernement et de l'opposition qui y vont, car ils sont dans un terrain neutre, donc ça se passe bien", poursuit-elle. Le ton devrait cependant être différent cette année : "On a été prévenus que ce serait plus solennel et moins festif en raison de la situation du pays."

Chaque année, une messe consulaire est organisée à Jérusalem pour le 14-Juillet.  (Consulat Général de France à Jérusalem)
A Jérusalem aussi, l'ambiance est plus solennelle qu'ailleurs. Première particularité : une messe consulaire est donnée chaque année pour la fête nationale. "Ensuite, il y a deux réceptions. Une à Jérusalem-Est pour les Palestiniens, une à Jérusalem-Ouest pour les Israéliens", explique à franceinfo, Jean-Jacques Pérennès, un dominicain, directeur de l'Ecole biblique et archéologique française. "Le consulat doit tenir compte de la situation politique", assure-t-il, même s'il est possible d'aller aux deux et donc de voir les gens se mélanger. 

C'est un moment intéressant car, dans un pays où il y a beaucoup de murs et de checkpoints, des personnes différentes, qui normalement ne se rencontrent pas, peuvent se voir.

Jean-Jacques Pérennès, expatrié à Jérusalem

à franceinfo

Enfin, Jean-Jacques Pérennès y voit aussi l'occasion pour la France de rappeler son attachement au processus de paix. "Dans un pays traversé par beaucoup de conflits, le 14-Juillet permet de rappeler que la France est là, qu'elle veut soutenir le processus de paix." Bref, "qu'on ne déserte pas", conclut-il.

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