Comment la police a fini par arrêter Guy Georges, le tueur de l'est parisien
"L'affaire SK1", qui sort au cinéma mercredi 7 janvier, raconte l'arrestation et le procès de l'homme qui a violé et assassiné sept femmes entre 1991 et 1997. Retour sur une longue enquête.
"Si je sors, je recommence." Guy Georges a adressé cet avertissement à la brigade criminelle lors de sa garde à vue, en 1998. Le tueur de l'est parisien a été condamné, en 2001, pour les meurtres de sept jeunes femmes à Paris. Dix-sept ans après, L’affaire SK1 sort au cinéma, mercredi 7 janvier. Le film retrace la traque et le procès du tueur en série. L'interpellation de Guy Georges, le 26 mars 1998, fait suite à sept années d'investigations. Francetv info vous raconte les moments-clés de cette enquête au long cours qui a mobilisé plus de cent enquêteurs.
1991-1994 : l'ADN "Serial Killer 1" identifié
Le corps sans vie de Pascale Escarfail gît dans son appartement du 14e arrondissement de Paris le 26 janvier 1991. Ses vêtements sont déchirés, la gorge et la poitrine sont couvertes de plaies. La jeune femme, âgée de 19 ans, étudiante en Lettres à la Sorbonne, est la première victime d'une longue série de meurtres perpétrés par Guy Georges. Aucune identification ADN n'est possible. Il n'y a ni traces de sang, ni traces de sperme.
Trois ans plus tard, le 9 janvier 1994, Catherine Rocher, 27 ans, est égorgée dans le parking souterrain d'un immeuble du boulevard de Reuilly dans le 12e arrondissement. "Une scène d'horreur, pleine de sauvagerie, de violence et d'acharnement", raconte, lors du procès, Christian Pellegrin, chef de groupe à la brigade criminelle, comme le relaie Le Parisien. Dans la nuit du 8 au 9 novembre, une autre jeune femme, Elsa Bénady, âgée de 23 ans, est tuée dans sa voiture dans un parking du 13e arrondissement de la capitale. Dans son véhicule, une tache de sang sur un prospectus est relevée. Pour le moment, aucun lien n'est fait entre ces trois affaires. Trois groupes d'enquêteurs distincts travaillent dessus.
Mais un quatrième meurtre va changer la donne. Agnès Nijkam, une architecte de 27 ans d'origine néerlandaise, est sauvagement assassinée dans son appartement près de Bastille, le 10 décembre 1994. Le corps est bâillonné par du sparadrap, les pieds et poings liés, les vêtements sont déchirés, la gorge tranchée. La police rapproche ce meurtre de celui de Pascale Escarfail trois ans plus tôt. Ce n'est pas tout. Les enquêteurs font une découverte majeure : une empreinte ADN. Le tueur a laissé du sperme sur sa victime. Cette trace est baptisée SK1 comme "Serial Killer 1" (tueur en série 1), puisque c'est la première marque génétique relevée sur une scène de crime.
A l'époque, les fichiers d'empreintes digitales n'existent pas. Les enquêteurs ne peuvent donc pas confronter ce précieux indice à d'autres prélèvements. Par ailleurs, à ce stade, les policiers différencient toujours les meurtres commis dans les appartements de ceux commis dans "les parkings".
1994-1995 : le mode opératoire se précise
"A partir du quatrième meurtre, il y a quand même des similitudes et ressemblances entre tous ces crimes, reconnaît Martine Monteil lors de l'émission L'heure du crime, sur RTL. Mais il faut avoir du béton et il manquait des éléments au départ." Néanmoins, un mode opératoire s'esquisse. Les victimes sont toutes bâillonnées et attachées avec du sparadrap. Leurs vêtements sont déchirés en forme de Z et leurs soutiens-gorge sont coupés entre les deux bonnets. Elles sont violées puis égorgées à l'aide d'un couteau de marque Opinel de taille 12.
Cette manière de déchirer les vêtements conduit d'ailleurs les enquêteurs à de fausses pistes. Ils pensent à une méthode de secouristes. Ce qui les mène à une impasse. Un an plus tard, nouvelle scène de crime, nouveaux indices. Hélène Frinking, âgée de 23 ans, est attachée, violée et tuée à l'arme blanche dans son appartement parisien, le 8 juillet 1995. Les policiers identifient une trace de pied dans le sang de la victime. Une empreinte ADN est aussi relevée. C'est la même que la fameuse empreinte ADN "SK1" retrouvée sur Agnès Nijkam.
Cette trace est aussi repérée dans l'appartement de Elisabeth Ortega. Le 16 juin 1995, la jeune femme de 25 ans échappe de manière incroyable à Guy Georges. En rentrant de discothèque, Elisabeth Ortega est agressée dans son appartement, dans le quartier du Marais. Elle est attachée sur son lit. L'agresseur s'apprête à passer à l'acte. Mais il veut d'abord éteindre une lumière, située à quelques mètres. Ces quelques secondes de répit vont permettre à la victime de se défaire de ses liens et de sauter par la fenêtre. Elle trouve refuge dans un bar encore ouvert. La police va relever de la salive laissée par l'agresseur sur un mégot de cigarette. L'ADN correspond à SK1.
1995-1996 : Guy Georges en prison... pour une simple agression
Au début du mois de septembre 1995, Mélanie Bakou échappe aussi à une agression de Guy Georges devant son appartement du 3e arrondissement de Paris. Mais, dans le logement, se trouve le petit ami de la jeune femme. Alerté par les cris, il sort et prend en chasse l'agresseur, qui s'enfuit. Le portefeuille de Guy Georges, avec ses papiers d'identité, est ramassé dans la rue par les policiers. Pour cette agression, Guy Georges est condamné à 30 mois de prison. Son passé criminel est lourd. L'homme a déjà écopé de plusieurs condamnations pour des viols et des agressions dans les années 1980.
Pendant ce temps, l'enquête sur "les meurtres des parkings" se poursuit. Les enquêteurs décident de comparer le sang prélevé dans la voiture d'Elsa Bédany aux traces d'ADN des délinquants sexuels incarcérés. Guy Georges, comme d'autres, est interrogé. Son sang est prélevé et comparé. Résultat : négatif. Le sang de Guy Georges n'est pas celui retrouvé sur le prospectus.
Les policiers décident tout de même d'envoyer le détenu devant les enquêteurs "des meurtres des appartements". Elisabeth Ortega, rescapée de l'agression, ne reconnaît pas Guy Georges. Son pied ne correspond pas non plus à la trace retrouvée sur une des scènes de crime. La trace de pas présente en effet une caractéristique particulière : le deuxième doigt apparaît plus long que le gros orteil. Et le pied de Guy Georges ne présente pas cette physionomie. En fait, c'est le point d'appui de son gros orteil, très en retrait, qui a donné cette impression sur l'empreinte relevée, explique L'Express. Bref, les investigations s'arrêtent là. L'ADN de Guy Georges n'est pas comparé à SK1.
1998 : sept ans plus tard, il est confondu par son ADN
Guy Georges sort de prison le 5 juin 1997. Le 23 septembre 1997, Magali Sirotti, lycéenne de 19 ans, est égorgée après avoir été violée à son domicile, dans le 19e arrondissement. Ses vêtements sont tailladés. Quand les enquêteurs arrivent sur la scène du crime, il n'y a pas de doute. Le tueur en série a encore frappé. Un mois plus tard, on déplore une septième victime : Estelle Magd. Même mode opératoire. Les enquêteurs vont à nouveau prélever des traces ADN. Et SK1 est bien derrière ce nouveau crime. Le Parisien sort l'affaire et parle pour la première fois du "tueur de l'est parisien". Un appel à témoins est lancé. Un portrait-robot est diffusé. La psychose s'installe, se souvient Patricia Tourancheau, auteur du livre Guy Georges, la traque (éd. Fayard, 2010). Des affiches de la mairie de Paris incitent les jeunes femmes à se faire raccompagner, rappelle-t-elle.
Le juge d'instruction Gilbert Thiel tape du poing sur la table et tente le tout pour le tout. Il exige de tous les laboratoires du pays, privés et publics, qui pratiquent les tests génétiques, de comparer les traces ADN qu'ils ont dans leurs dossiers avec l'ADN SK1. Le 24 mars 1998, Olivier Pascal, patron du laboratoire de Nantes, identifie SK1. Il s'agit de Guy Georges. Le docteur a exhumé un prélèvement de sang datant de 1995. Guy Georges s'y était prêté lors de l'enquête sur les "meurtres des parkings". Olivier Pascal avait conservé le flacon "au cas où", presque par hasard et en dehors de tout cadre légal.
Le 26 mars 1998, Guy Georges est arrêté place Blanche, dans le 18e arrondissement de Paris. Il a 37 ans. En garde à vue, il passe aux aveux. Dans un premier temps, il reconnaît "les meurtres des appartements", mais clame son innocence pour ceux des "parkings". Huit mois plus tard, il avoue aussi les meurtres de Catherine Rocher et Elsa Bédany. Le 5 avril 2001 Guy Georges est condamné à perpétuité, assorti d'une peine de sûreté de 22 ans. "La perpétuité c'est la vie, vous pouvez être tranquille, je ne sortirai pas de prison", déclare-t-il alors. Mais selon les procédures judiciaires, dès 2020, le tueur de l'est parisien pourra faire des demandes de remise en liberté. Il aura alors 58 ans.
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