: Vidéo Commémorations du 6 juin 1944 : le "terrible fiasco" des répétitions du D-Day raconté dans le documentaire "Apocalypse - les débarquements"
"Opération Overlord", "Jour J", "opération Neptune"... Les noms de code ne manquent pas pour qualifier la plus grande opération militaire amphibie de l'Histoire. Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, 5 000 navires transportant 133 000 soldats américains, britanniques, canadiens, australiens, français, polonais traversent la Manche à l'assaut des côtes normandes. Les manœuvres de désinformation et la météo ont dupé les Allemands, pris de court par cette attaque hors norme.
Apocalypse - Les débarquements, écrit et réalisé par le duo de documentaristes Isabelle Clarke et Daniel Costelle, retrace en deux épisodes les préparatifs de cette opération et le jour de cette offensive d'ampleur. Isabelle Clarke explique à franceinfo comment ils ont pu mener à bien ce travail pour raconter des épisodes peu connus du Débarquement.
Franceinfo : Comment avez-vous travaillé pour réaliser ces deux épisodes de la série documentaire Apocalypse ?
Isabelle Clarke : Nous avons récolté 300 heures de films. Une grande masse un peu informe, que nous sculptons au fil des mois et que nous affinons sans cesse, afin de trouver le mot juste et la simplicité. Nous sommes les premiers téléspectateurs, avec Mathieu Kassovitz, notre narrateur, donc s'il y a des choses qu'il ne comprend pas, qui ne sont pas claires, nous affûtons le propos. Ces deux films de 52 minutes nous ont pris deux ans. C'est vraiment un gros travail d'équipe. Il y a des documentalistes à qui nous soumettons une liste de ce que l'on aimerait trouver. A la mi-temps du montage environ, les textes sont envoyés à nos deux conseillers historiques : Ivan Cadeau pour la partie militaire et Alya Aglan pour la partie purement historique.
Une fois le montage terminé, pendant la période de post-production qui dure six mois, nous restaurons les images grâce aux dernières technologies, et restituons les couleurs, en partie avec l'intelligence artificielle. Les 700 plans que comptent les deux documentaires sont renseignés et validés par un historien sur la couleur des chars, des uniformes, la décoration...
D'où viennent les images utilisées, dont certaines sont inédites ?
Autrefois, les réalisateurs faisaient le tour des cinémathèques. Aujourd'hui, avec la dématérialisation, nous avons des correspondants dans le monde entier. Nous travaillons toujours avec les mêmes personnes, avec des cinémathèques nationales, régionales. Nous avons également lancé un grand appel à images avec La Presse de la Manche. Les gens prennent souvent leur caméra pour filmer des moments de bonheur, donc nous avons beaucoup d'images de la Libération, nous en avons eu aussi qui provenaient de résistants dans le Vercors. C'est toujours un vrai plaisir lorsque arrivent des films inédits, comme ceux de cette fameuse répétition générale du Débarquement, fin avril 1944, qui a duré huit jours à Slapton Sands, une plage dans le sud-ouest de l'Angleterre.
Cette quête vous a permis de mettre en images cet épisode assez méconnu du Débarquement : une répétition organisée en Angleterre en avril 1944. Que s'est-il passé pendant cette "opération Tigre" ?
Les images étaient classées secrètes, car ces répétitions, qui ont été entièrement filmées, furent un terrible fiasco. Il y a eu plus de 1 000 morts. Des soldats américains et anglais tués en partie par les Allemands qui avaient intercepté leur fréquence radio et qui ont pu lancer une attaque surprise par la mer à bord de vedettes lance-torpilles, mais également à cause de nombreuses défaillances sur place. Les instructeurs tiraient à balles réelles pendant les exercices, afin de mettre ces combattants dans les vraies conditions du Débarquement. La météo était mauvaise, il y avait beaucoup de brouillard [artificiel] et cela a tourné au drame.
Au point de remettre en question l'opération du 6 juin 1944...
Au même moment, les alliés ont perdu les plans du Débarquement, qui étaient à bord d'une barge coulée par les Allemands. Le général américain Eisenhower a un temps envisagé d'annuler l'opération Overlord. Mais des recherches sous-marines ont permis de retrouver ces plans. Il y a vraiment eu une succession d'essais, de bévues et d'ajustements nécessaires avant le grand jour.
Le Débarquement du 6-Juin est la plus grande opération amphibie de tous les temps, c'était un défi incroyable et, forcément, il y a eu de nombreuses erreurs. C'est la raison pour laquelle ce triste épisode est resté longtemps dans l'oubli. Les documents n'ont été déclassifiés qu'en 1984. Nous avons donc eu accès aux images brutes, car aucun film n'avait été monté auparavant.
Votre documentaire rappelle aussi aussi une précédente tentative de débarquement, en 1942...
Nous l'avons peut-être oublié mais, il y avait déjà eu une répétition : le grand débarquement de Dieppe, en 1942. De nombreux combattants étaient morts et l'Etat-Major a compris qu'il ne fallait surtout pas débarquer près d'un port, qu'il fallait trouver des plages et ensuite fabriquer un corps flottant afin de faire venir les renforts et le matériel.
Quels sont les moments qui vous ont le plus marquée dans la multitude d'images rassemblées pour raconter ce pan d'histoire ?
Cette répétition générale tragique évidemment, dont j'ignorais l'existence. Mais, ce qui m'a surtout touchée, ce sont tous ces jeunes hommes partis au combat, qui n'étaient que des enfants. On parle beaucoup de courage et de peur, mais le mot juste me semble être "sacrifice". C'est véritablement une génération sacrifiée, un gâchis. Il y a aussi un discours d'Eisenhower qui m'a marquée, lorsqu'il dit : "Nous allons prouver au monde entier que les démocraties peuvent être une formidable machine de guerre."
Le documentaire en deux volets Apocalypse - Les débarquements, réalisé par Isabelle Clarke et Daniel Costelle, est diffusé mercredi 5 juin à 21h10 sur France 2 et sur la plateforme france.tv.
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