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Femme tuée par son mari: l'Etat dédouané

La justice devait déterminer la responsabilité de l'Etat dans ce meurtre commis en 2007 par le mari laissé en liberté
Article rédigé par France2.fr
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Le palais de Justice de Paris (© AFP - Joël Robine)

La justice devait déterminer la responsabilité de l'Etat dans ce meurtre commis en 2007 par le mari laissé en libertéLa justice devait déterminer la responsabilité de l'Etat dans ce meurtre commis en 2007 par le mari laissé en liberté

Le Tribunal de grande instance de Paris a jugé mercredi que l'Etat n'avait commis aucune "faute lourde avérée" en laissant en liberté le mari car selon lui, son geste n'était pas prévisible.

Mis en examen pour viols, tortures et menaces de mort sur sa femme Mireille Bernard, Pascal Guilbaut l'avait tuée de 12 balles de carabine avant de se suicider.

Pour la première chambre civile du TGI de Paris, même "s'il était impossible d'affirmer que la décision de laisser en liberté l'intéressé (...) ne faisait courir aucun risque" à son épouse, "aucun élément objectif du dossier ne pouvait permettre de présager un passage à l'acte" du mari.

C'est la soeur de la victime qui avait assigné l'Etat pour faute lourde, considérant que la dangerosité potentielle de son beau-frère aurait dû conduire à son placement en détention provisoire. Réagissant à la décision du TGI, Véronique Bernard a déclaré mercredi: "L'adversaire était puissant. Il va falloir remettre l'ouvrage sur le métier et faire appel."

Rappel des faits


Le 8 juin 2007, Pascal Guilbaut, 43 ans, avait été mis en examen pour des viols -commis durant 15 années-, des tortures et des menaces de mort sur son épouse, actes attestés par des enregistrements vidéos et reconnus par l'auteur lui-même.

Le même jour, un juge des libertés et de la détention (JLD) de Poitiers l'avait relâché et placé sous contrôle judiciaire, avec obligation de soins et interdiction de rencontrer la victime. Le parquet, qui souhaitait son placement en détention provisoire, avait immédiatement fait appel.

Le 19 juin, jour où l'appel du parquet devait être examiné, le mis en examen avait tué Mireille Bernard de 12 balles de carabine à la sortie d'un hôtel de Vannes (Morbihan), avant de retourner l'arme contre lui et de se suicider.

La soeur de la victime avait alors entamé une procédure contre l'Etat pour faute lourde, réclamant 200.000 euros de dommages et intérêt. Elle a décidé de faire appel de la décision du TGI. "Je n'en veux pas à l'Etat, parce que ce n'est pas une personne, mais j'attendais autre chose de la justice", témoignait-elle, déçue de ne pouvoir, en droit français, "remettre en cause la responsabilité du magistrat" qui avait laissé le mari violent en liberté.

"J'aimerais que les magistrats ne se contentent pas de faire du droit mais qu'ils rendent réellement justice", a-t-elle conclu.

Lors de l'audience du 30 septembre, l'avocate de Véronique Bernard, Me Sophie Dechaumet, avait rappelé les "preuves accablantes" contre Pascal Guilbault, qui aurait dû être incarcéré sur-le-champ: ses "troubles psychologiques et psychiatriques", les menaces de mort formulées envers sa femme, les vidéos des viols.

Le parquet avait rétorqué que les conditions de "la faute lourde n'étaient pas remplies". "Pour malheureuse que soit la décision du JLD, au regard des événements survenus postérieurement, elle a été prise dans le cadre de la loi." La décision du JLD était "conforme à la loi et l'esprit de la loi", avait renchéri le procureur Pauline Caby, tout en relevant que le mari "était domicilié, (...) n'avait jamais été condamné et n'avait jamais fait parler de lui". Mercredi, le président Gondran de Robert s'est rangé à ce point de vue.

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