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Go fast : huit questions pour tout savoir sur les convois de la drogue

Le chauffeur d'un puissant véhicule utilisé par les trafiquants a été tué par balles par des douaniers, dimanche 27 avril, entre Avignon et Marseille. Francetv info revient sur ces transports à grande vitesse de stupéfiants.

Article rédigé par franceinfo - Louis Boy
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une voiture chargée de drogue arrêtée en février 2011 sur l'A10, près d'Allainville (Yvelines), par les douanes françaises. (MARC BONODOT / DOUANE FRANCAISE)

Go fast, un anglicisme qui claque comme un titre de film américain (c'est en fait le titre d'un film français à l'américaine avec Roschdy Zem) et qui désigne une pratique spectaculaire : ces convois de puissantes voitures lancées à pleine vitesse pour transporter des produits stupéfiants ou de contrebande. Dimanche 27 avril, le conducteur d'une de ces voitures a été tué par balles par des douaniers sur l'autoroute A7, entre Avignon et Marseille, alors qu'il tentait d'échapper à un contrôle. Francetv info se penche sur cette technique très utilisée par les trafiquants.

Un go fast, comment ça se présente ?

L'expression go fast désigne deux choses : un convoi de voitures, et les voitures qui le composent. Dans un go fast, il y a systématiquement au moins un "ouvreur" et un "porteur". Le "porteur" est la voiture qui transporte la cargaison et qui doit, à tout prix, arriver à bon port. Un ou deux "ouvreur(s)" servent d'éclaireurs : ils sont constamment en contact avec les voitures qui suivent et les avertissent des dangers éventuels. Cela peut être un barrage de douane ou de police ou encore un accident qui pourrait forcer le convoi à s'arrêter... Enfin, la plupart des convois sont accompagnés d'un ou plusieurs "protecteurs", des véhicules qui veillent à la sécurité du "porteur" et de sa marchandise. Ils transportent des bidons d'essence (car les véhicules du convoi évitent de s'arrêter dans les stations-service), mais sont surtout armés pour mieux repousser les policiers, les douaniers et d'éventuels malfaiteurs concurrents, qui tentent parfois de braquer ces convois.

Peut-on faire un go fast en Twingo ?

Non, un go fast est généralement "un véhicule porteur d'une forte cylindrée", comme l'explique Serge Puccetti, directeur de communication de la Direction générale des douanes, contacté par francetv info. Le conducteur abattu dimanche 27 avril roulait par exemple dans une Porsche Cayenne, un puissant 4x4. La voiture doit être assez rapide pour démarrer en urgence, assez vaste et puissante pour transporter sans problème jusqu'à une tonne de marchandise, et assez massive pour servir de bélier face à un obstacle. Ces véhicules sont souvent volés et abandonnés aussitôt le convoi arrivé à bon port.

Un go fast, ça va toujours vite ?

Oui, mais comme l'explique Serge Puccetti, le terme go fast est un peu galvaudé : "On devrait plutôt parler de convoi, certains ne roulent pas vite pour se fondre dans la circulation." En effet, si les trafiquants doivent pouvoir semer les forces de l'ordre, faire tout le trajet à pleine vitesse fait courir le risque d'être repéré. "Avec la succession des radars et de péages qu'il y a sur les routes aujourd'hui, moins vous détonnez, mieux c’est." Pour lui, il y a de moins en moins de vrais go fast, et de plus en plus de convois "lents". Le seul principe de base pour les trafiquants : ne jamais s'arrêter, c'est pourquoi ils privilégient les autoroutes. Les go slow, des convois qui empruntent des petites routes au volant de voitures moins voyantes, restent marginaux.

Un convoi, d'accord, mais un convoi de quoi ?

De drogue, essentiellement "du cannabis ou de la cocaïne". La voiture "porteuse" peut être chargée à ras bord. Un go fast classique, pour Serge Puccetti, c'est "500 kilos de cannabis, soit [une valeur à la revente de] 1 million d'euros". Ainsi, une des deux voitures arrêtées dimanche 27 avril contenait 200 à 300 kilos de cannabis, selon l'AFP. Certaines cargaisons dépassent même 1,2 tonne, ce qui explique pourquoi les go fast sont parfois la cible de braquages par d'autres trafiquants. A noter que les chauffeurs ne sont en général pas les propriétaires de la marchandise : ce sont "des transporteurs qui ne font que ça" et qui sont rétribués pour cette tâche.

Les go fast vont vite, mais sur quels trajets ?

La quasi-totalité des go fast vient d'Espagne. L'économie de la drogue est bien organisée, explique Serge Puccetti : "Les producteurs sont au Maroc, les grossistes en Espagne, et tout le monde s'approvisionne là-bas." Certains convois ne font que passer en France sur le chemin d'autres pays européens, d'autres rejoignent des villes françaises. La seule constante étant qu'ils empruntent les autoroutes.

Comment les convois se font-ils repérer et arrêter ?

Certains go fast sont repérés en amont par un travail d'investigation. Pour le reste, ce sont les contrôles de douane et l'observation du trafic qui permettent de repérer des comportements suspects : la vitesse, bien sûr, mais aussi "une personne qui voyage avec plusieurs téléphones", et qui pourrait être un "ouvreur". Des brigades mobiles tombent parfois sur "des ravitaillements d'essence en rase campagne", puisque les trafiquants fuient les stations-service, où ils ont craignent d'être repérés. "Souvent, on trouve d'abord l’ouvreur, un contrôle se met en place et on tombe sur le porteur", explique Serge Puccetti. 

Combien y a-t-il de go fast chaque année en France ?

Il est difficile d'estimer le nombre de convois annuels, puisqu'il s'agit d'une activité "par définition clandestine", rappelle Serge Puccetti. En 2013, une douzaine de go fast de cannabis ont été interceptés en France. Le nombre de saisies est en hausse, mais difficile de savoir si cela témoigne d'une augmentation de cette pratique depuis son apparition il y a une dizaine d'années.

Ces go fast sont-ils un danger sur les routes ?

Un motard des douanes est mort en 2011 après une course-poursuite avec des trafiquants, comme le rapporte Le Figaro. Serge Puccetti parle d'une "dangerosité croissante" pour les douaniers : 13 agents ont été blessés dans l'exercice de leurs fonctions en 2013. Une violence qui est cependant loin d'être attribuable aux seuls go fast.

Les usagers de la route ne sont pas non plus hors de danger : en juin 2013, un trafiquant qui roulait à 240 km/h a percuté et tué un conducteur entre Perpignan et Béziers. Dimanche 27 avril, le conducteur décédé a, lui, foncé sur des véhicules civils, provoquant un carambolage, heureusement sans gravité.

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