Cet article date de plus de deux ans.

Migrants morts en Manche : "Les réseaux de passeurs sont criminels, mais la France et l'Europe aussi", dénonce une association

Plusieurs associations, qui viennent en aide aux migrants, dont Utopia 56 et France Fraternités dénoncent la responsabilité politique de la France et du Royaume-Uni après la mort de 27 migrants en Manche mercredi.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une quarantaine de migrants tentent de traverser la Manche sur un bateau gonflable, de nuit, près de Wimereux (Pas-de-Calais), le 16 octobre 2021. (MARC SANYE / AFP)

"On est tous totalement abattus", a confié mercredi 24 novembre sur franceinfo Yann Manzi, cofondateur d'Utopia 56, une association qui aide les migrants, après le naufrage d'une embarcation de migrants au large de Calais (Pas-de-Calais) qui a fait 27 morts selon le dernier bilan de la police.

>> Migrants morts dans la Manche : Boris Johnson convoque une réunion de crise. Suivez notre direct 

"Oui, les réseaux de passeurs sont criminels, mais la France et l'Europe sont aussi criminelles, avec tous ces traitements qui poussent ces gens à prendre des risques." Il insiste sur la responsabilité de l'Etat : "Les passeurs sont incriminés mais il est évident que toutes les réglementations administratives qui empêchent ces personnes de demander l'asile dans notre pays sont aussi criminelles", a-t-il dénoncé

Selon le cofondateur d'Utopia 56, la tension était grandissante depuis plusieurs semaines, avec "la sur-sécurisation et les moyens supplémentaires pour empêcher ces populations d'avoir un futur". Il réclame donc "des routes sûres, de façon à ce que la migration puisse être sécurisée". Il juge cela nécessaire car d'après lui "ces gens continueront à prendre des risques". Il s'agit de Kurdes, d'Afghans et d'Irakiens "qui fuient la guerre et la misère et, quand ils arrivent sur notre sol, 70% ne se voient pas accorder l'asile", selon Yann Manzi.

D'après Utopia 56, éloigner les migrants avec des solutions d'hébergement loin de la côte n'est pas efficace. "L'Angleterre reste un objectif parce qu'on leur refuse leur titre de séjour en Europe et on les laisse errer sans droit. Ils tentent donc de passer en Angleterre, parce qu'il y a moins de contrôles d'identité et du travail au noir", assure son co-président. Selon Yann Manzi, le problème restera prégnant tant que l'Europe et la France "n'auront pas trouvé des harmonisations pour accueillir ces populations dignement".

La politique menée par la Grande-Bretagne, "une véritable honte"

Un avis partagé par le président de France Fraternité. "La politique menée par la Grande-Bretagne est une véritable honte doublée d'une profonde hypocrisie", réagit sur franceinfo Pierre Henry. "Depuis le début de l'année, il y a eu 30 000 tentatives de passage de la France vers la Grande-Bretagne par la Manche. Cette politique de fermeture a pour conséquence d'enchérir le prix du passage, d'enrichir les passeurs et de rendre plus dangereux, évidemment, ce passage. C'est un drame absolu", dit-il. "Du côté de la France, je pense que nous ne pouvons pas continuer comme ça, à accepter d'être les sous-traitants de la Grande-Bretagne."

Il faut selon lui que la France et le Royaume-Uni trouvent une solution alternative. "Cette solution alternative, c'est l'ouverture de voies de migration légales pour un certain nombre de personnes qui sont en besoin d'asile ou qui doivent rejoindre leur famille qui est de l'autre côté."

"Ne pas réduire" l'événement aux passeurs

"Il ne faut surtout pas réduire ce drame à la question des passeurs", a de son côté estimé Delphine Rouilleault, directrice générale de l’association France terre d’asile, "car c'est refuser de voir les causes réelles et profondes de la situation". "Nous avons besoin de comprendre pourquoi ces réseaux de passeurs prospèrent. Le vrai sujet, c'est la fermeture des routes migratoires légales." 

Elle estime que ce drame met en lumière "la situation désespérée dans laquelle se placent les migrants" mais aussi "les risques inouïs qu'ils prennent pour parvenir en Angleterre". Elle estime qu'il "faut contraindre" le pays à "assumer ses responsabilités".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.