"Il n'est pas question d'aller réclamer de telles sommes à un homme seul", a fait savoir jeudi la banque
"Nous sommes une banque responsable", "totalement ouverte à trouver une solution", a déclaré sa directrice de la communication.
L'avocat de Jérôme Kerviel, Me Olivier Metzner, a exclu toute négociation, voyant dans les derniers prpos de la banque une "réaction de communication".
"Aujourd'hui, nous considérons que nous ne devons aucun argent à la Société
Générale", a ajouté Me Metzner.
Jérôme Kerviel, condamné à 5 ans de prison (dont trois ferme), et à payer 4,9 milliards de dommages et intérêts à la banque, a fait appel du jugement.
"Je vais évidemment me remettre avec Me Metzner sur mon dossier pénal", a déclaré mercredi matin l'ex-trader. "Mais je suis quand même abattu par le poids de la sanction et des responsabilités que le jugement me fait porter", a-t-il confié "J'ai vraiment le sentiment qu'on a voulu me faire payer pour tout le monde, qu'il a fallu sauver la Générale et qu'on a tué le soldat Kerviel ", a-t-il ajouté.
Mardi, il était apparu sonné, restant assis de longues minutes, hébété, dans l'enceinte du tribunal. "Evidemment, quand on reçoit un tel coup de massue sur la tête, c'est difficile", a raconté l'ex-trader de 33 ans.
"Dès le début de l'enquête, j'ai reconnu ma part de responsabilité, mes torts. Tout en apportant des éléments factuels prouvant que mes collègues et mes supérieurs étaient au courant de ce que je faisais", a-t-il poursuivi. "On n'a probablement pas su expliquer et éclairer le tribunal et apporter la preuve une fois pour toutes que je n'étais pas seul dans ce bateau-là", a-t-il dit.
La décision du tribunal, qui a exonéré la banque de toute responsabilité et accablé l'ancien trader, a suscité de multiples réactions, les mots "lampiste" et "bouc émissaire" revenant largement dans la presse.
Interrogé dans la matinée de mercredi, le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, estimait que la banque pourrait "peut-être" faire un geste. "C'est une décision qui appartient à la Société Générale", a-t-il déclaré
Pour la justice, "Kerviel s'est situé hors de son mandat de trader"
L'ancien trader a été condamné après avoir été déclaré coupable mardi d'abus de confiance, faux et usage de faux et d'intrusion frauduleuse dans un système informatique, par le tribunal correctionnel de Paris. Il a interjecté appel de "ce jugement inacceptable". Un nouveau procès aura donc lieu en automne 2011.
"Les éléments indiqués par la défense ne permettent pas de déduire que la Société Générale ait eu connaissance des activités frauduleuses de Jérôme Kerviel". a déclaré le président de la 11e chambre du tribunal correctionnel, Dominique Pauthe, lors de la lecture du délibéré.
Jérôme Kerviel n'a pas eu "d'autorisation, même tacite, de sa hiérarchie, de spéculer à outrance... Kerviel s'est attaché à masquer ses positions et à tromper les services de contrôle. Kerviel s'est situé en parfaite connaissance de cause en dehors de son mandat de trader".
L'ancien trader de la Société Générale était poursuivi pour une perte record de près de cinq milliards d'euros début 2008. L'accusation avait requis cinq ans de prison dont quatre ferme à l'encontre du jeune homme de 33 ans.
Jugé pour avoir pris sur les marchés financiers des positions spéculatives de dizaines de milliards d'euros, dissimulées à l'aide d'opérations fictives et de fausses écritures, Jérôme Kerviel encourait un maximum de cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende pour "abus de confiance", "faux et usage de faux" et "introduction frauduleuse de données dans un système informatique".
La défense réclamait la relaxe
L'avocat de l'ancien trader, Me Olivier Metzner, un ténor du droit pénal financier, avait demandé sa relaxe pour l'essentiel des faits qui lui sont reprochés, ne plaidant coupable que de l'introduction frauduleuse de données. Durant le procès, qui a entendu une trentaine de témoins, Jérôme Kerviel n'a pas dévié de sa ligne de défense. Il a admis avoir perdu le sens des réalités, mais il a répété que sa hiérarchie l'avait laissé faire, voire encouragé à prendre des risques, dès lors qu'il gagnait de l'argent.
4,9 milliards d'euros: une somme impossible à rembourser
Condamné à verser 4,9 milliards d'euros à la Société Générale, Jérôme Kerviel, qui gagne aujourd'hui moins de 2300 euros par mois comme consultant informatique, ne pourra jamais rembourser de telles indemnités. Même s'il consacrait tout son salaire, il lui faudrait en effet 170.000 ans de labeur pour payer une telle somme.
Concrètement, il pourrait être ponctionné sur son salaire, puis sur sa retraite. Une partie de ses revenus, déterminée par des barèmes, est considérée comme "insaisissable". Elle correspond aux besoins primaires comme se loger ou se nourrir. Le reste pourrait être saisi, tout comme ses biens immobiliers et matériels.
Ces dommages et intérêts sont les plus importants jamais prononcés par un tribunal français à l'encontre d'un particulier. Jusqu'à présent, ceux-ci se comptaient en millions et non en milliards. Les plus élevés s'étaient limités à 630 millions d'euros, mis à la charge de Thales le 3 mai 2010 par un tribunal arbitral pour des commissions indûment versées sur la vente de frégates à Taiwan en 1991.
Principales étapes de l'affaire Kerviel
- 24 janvier 2008 : la Société générale annonce une "fraude" de 4,9 milliards d'euros dans ses activités de produits financiers dits "dérivés". Selon la banque, le trader Jérôme Kerviel a "dissimulé ses positions grâce à un montage élaboré de transactions fictives". Il est mis à pied. Le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour escroquerie, abus de confiance aggravé, faux et usage de faux, complicité et recel. La banque porte plainte.
- 26 janvier 2008 : Kerviel en garde à vue.
- 28 janvier 2008 : ouverture d'une information judiciaire. Les juges Renaud van Ruymbeke et Françoise Desset sont saisis. Kerviel est mis en examen, notamment pour "abus de confiance, faux et usage" et placé sous contrôle judiciaire, contre l'avis du parquet qui fait appel.
- 8 février 2008 : Kerviel est écroué. Un courtier est entendu comme témoin assisté.
- 20 février 2008 : la banque, partie civile, estime qu'"aucune preuve de détournement ou de complicité interne ou externe (...) n'a été constatée".
- 18 mars 2008 : Kerviel remis en liberté.
- 23 mai 2008 : un rapport d'audit évoque un "environnement général" ayant conduit à des "dépassements fréquents de limites de risque" dans le service de Kerviel.
- 2 juillet 2008 : un rapport de la brigade financière conclut que Jérôme Kerviel a "abusé de la confiance" et "profité de la négligence de sa hiérarchie".
- 4 juillet 2008 : la Commission bancaire inflige un blâme et une amende de quatre millions d'euros à la Société générale pour des "carences graves du système de contrôle interne".
- 4 août 2008 : un assistant de Kerviel est mis en examen pour complicité d'introduction frauduleuse de données. Il bénéficiera finalement d'un non-lieu.
- 26 janvier 2009 : fin de l'enquête.
- 31 août 2009 : Kerviel est renvoyé seul devant le tribunal correctionnel de Paris, pour abus de confiance, faux et usage et faux, introduction frauduleuse de données dans un système automatisé.
- 5 mai : parution chez Flammarion du livre de Jérôme Kerviel, "L'engrenage, Mémoires d'un trader".
- 8 au 25 juin : procès devant la onzième chambre correctionnelle, présidée par Dominique Pauthe. Le parquet requiert cinq ans de prison dont quatre ferme.
Le tribunal met son jugement en délibéré au 5 octobre, à 10h00.
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