Venir à Paris en SUV, 4x4 ou berline ? On vous explique les enjeux du vote sur l'augmentation du prix du stationnement

Les Parisiens sont invités dimanche à se prononcer "pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes, polluantes".
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7 min
Une femme marche sur un trottoir, à Paris, le 16 janvier 2024. (ERIC BRONCARD / HANS LUCAS / AFP)

"Plus ou moins de SUV, et à quel tarif de stationnement ?" Sur les panneaux d'affichage parisiens, la mairie de Paris appelle ses administrés à se rendre aux urnes, dimanche 4 février. Mais le slogan choisi par la Ville est trompeur. Si les "sport utility vehicle" – ces véhicules tout-terrain de loisir très à la mode – apparaissent nommément sur les affiches de campagne, le vote portera en réalité sur les voitures individuelles les plus lourdes, qu'elles soient ou non flanquées des trois lettres qui fâchent. On vous dit tout sur ce scrutin parisien qui divise également au-delà du périphérique.

Sur quel sujet les Parisiens vont-ils voter ? 

La question posée aux Parisiens est la suivante : "Pour ou contre la création d'un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes, polluantes ?"  Les SUV, ces voitures surélevées aux faux airs de baroudeurs, ont conquis les automobilistes malgré de nombreuses critiques sur leur pollution ou leur encombrement. Concrètement, la mairie de Paris propose la création d'un tarif spécifique de stationnement – en triplant son prix – pour les "visiteurs détenteurs d'un véhicule thermique ou hybride rechargeable de 1,6 tonne ou plus" ou d'un véhicule électrique "de 2 tonnes ou plus", précise la municipalité. Du 1er au 11e arrondissement, l'heure de stationnement s'élèverait à 18 euros (contre 6 euros pour les autres véhicules). Pour les arrondissements allant du 12e au 20e, elle passerait à 12 euros (contre 4 euros pour les autres). 

Il serait toutefois incorrect de présenter cette votation comme un référendum "pour ou contre les SUV".  Car la mesure proposée, si elle était adoptée, ne concernerait pas, de fait, les modèles les plus vendus sur le marché, tels que les Peugeot 2008 et 3008, le Renault Captur ou le Dacia Duster. Pourquoi ? Parce que ces modèles passent pour la plupart sous la barre de 1,6 tonne, selon les versions, et ne sont donc pas concernés.

Enfin, plusieurs arrondissements proposeront aux habitants de se positionner sur d'autres questions locales, listées ici par la Ville de Paris.

Combien de personnes seraient concernées par cette augmentation et qui serait exonéré ? 

    Selon David Belliard, maire adjoint chargé des mobilités, les voitures thermiques et hybrides de plus de 1,6 tonne représentent "à peu près 10% du parc" automobile fréquentant la capitale. A périmètre constant, sur environ 70 000 tickets de stationnement générés chaque jour, 7 000 véhicules seraient donc concernés, a-t-il précisé à l'AFP. Selon Anne Hidalgo, ces augmentations de tarifs pourraient apporter un supplément de recettes de 35 millions d'euros à la Ville.

    La mairie a cependant prévu de nombreuses dérogations : "Les résidents parisiens et les professionnels sédentaires stationnés dans leur zone de stationnement autorisé, les chauffeurs de taxi dans les stations dédiées, les artisans, professionnels de santé et éligibles au tarif pro, ainsi que les personnes à mobilité réduite titulaires d'une carte mobilité inclusion - stationnement" ne seront pas concernés par cette augmentation. 

    Enfin, l'augmentation du prix concerne le stationnement en surface et n'aura pas d'incidence sur les parkings sous-terrain et les garages. De même, le stationnement restera gratuit, pour les gros véhicules comme les autres, le soir après 20 heures, jusqu'à 9 heures le lendemain, ainsi que le dimanche. 

    Comment le vote va-t-il se dérouler ? 

    Pour voter dimanche, il faut être inscrit sur les listes électorales à Paris à la date du 8 janvier. Les ressortissants communautaires inscrits sur la liste complémentaire pour les élections municipales pourront également participer, précise la maire.

    Le vote se déroulera de 9 heures à 19 heures, dans 38 lieux, comptabilisant au total 222 bureaux de vote dans tous les arrondissements de la capitale, sans procuration ni vote électronique. La Ville de Paris a publié sur son site la liste de ces endroits, ainsi que la liste des documents pouvant faire office de pièce d'identité (en PDF)"Dans les arrondissements où une question d'intérêt local est mise en place, les modalités de vote seront identiques à celles de la votation parisienne. Les bureaux de vote seront alors équipés de deux urnes, une urne par votation (parisienne et d'arrondissement)", précise la mairie.

    Afin de garantir le bon déroulement du scrutin, une commission de contrôle a été mise en place par la municipalité. Présidée par Yves Charpenel, premier avocat général honoraire à la Cour de cassation, cette instance collégiale indépendante sera composée "d'une personnalité qualifiée, de deux représentants de l'assemblée citoyenne tirés au sort et de deux représentants de la commission de déontologie de la Ville de Paris."

    Pourquoi la mairie de Paris pointe-t-elle du doigt les véhicules lourds ?

    L'initiative de la mairie "vise à accélérer cette transition écologique dans laquelle nous nous attaquons à la pollution de l'air" car "plus c'est gros, plus ça pollue", a expliqué le 8 décembre Anne Hidalgo. Outre cette question de santé, "limiter la présence" des SUV vise à améliorer "la sécurité routière, car plus c'est gros, plus il y a des risques d'accident", a-t-elle justifié. La "troisième raison" avancée est de "mieux partager l'espace public", a ajouté la maire de Paris, précisant que la taille et le poids moyens des véhicules n'ont eu de cesse d'augmenter en raison du développement exponentiel des SUV, qui représentent "désormais 40% des ventes".

    A Paris, la largeur minimum des emplacements est de 1,80 mètre, marquage compris. Or, les 100 modèles de voitures les plus vendues en Europe ont gagné en moyenne 2,5 centimètres de large depuis 2018, passant de 177,8 à 180,3 cm, selon un rapport publié le 22 janvier par l'ONG Transport & Environment (T&E). Certains types de SUV de luxe dépassent même les deux mètres, rétroviseurs repliés, selon l'étude. Ces véhicules "empiètent sur les trottoirs ou sur la route", explique Nicolas Raffin, porte-parole de T&E France, cité par l'AFP. "Ils mettent en danger les cyclistes, les piétons, particulièrement les enfants, et tous les autres automobilistes." 

    Enfin, l'ONG souligne que, même lorsqu'elles sont électriques, les voitures les plus lourdes "consomment trois fois plus de cuivre et d'aluminium et cinq fois plus de lithium, nickel et cobalt qu'une petite citadine électrique." David Belliard a quant à lui mis en avant un "outil de justice sociale, car les véhicules les plus chers, les plus luxueux, sont occupés par les personnes les plus aisées".

    Qu'en pensent les Parisiens ? 

    Selon un sondage réalisé en janvier par OpinionWay à l'initiative des ONG Respire et Clean Cities, 61% des Parisiens soutiennent la mise en place d'une tarification du stationnement en fonction du poids du véhicule. Plus de la moitié des Parisiens interrogés ont déclaré avoir une mauvaise opinion de ces grosses voitures (56%), déplorant surtout son aspect encombrant (cité par 75% d'entre eux), sa responsabilité dans la dégradation de la qualité de l'air (61%) et son impact négatif sur le climat (58%).

    Concernant le fond de la mesure, l'élu du 13e arrondissement Habib Shoukry (groupe UDC) a déploré une mesure "confiscatoire", même si le projet "part d'un bon sentiment." "Quels efforts a fait la Ville pour faciliter le passage à l'électrique des particuliers et des entreprises ? Ce bilan est nul. Que la Ville montre la voie, avant de taxer à tout-va", a-t-il réagi sur X.

    Précisant être "en faveur d'une moindre place de la voiture, d'un meilleur partage de l'espace public", le groupe Modem Démocrates et Ecologistes accuse pour sa part dans un communiqué la maire de Paris d'"instrumentaliser la démocratie." Cette votation "n'a pas vocation à demander leur avis, mais à conforter une politique", accuse le groupe. "S'il était réellement question de plus ou moins de SUV, tous les SUV seraient concernés, et pas seulement les véhicules des non-Parisiens", poursuit le communiqué.

    Paris est-elle la seule ville à prendre des mesures de ce type ? 

    Que se passera-t-il après le scrutin ?

    Commentaires

    Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.