Jean-Marie Le Pen est-il si gênant pour sa fille ?
A bientôt 84 ans, le Président d'honneur du FN mène aujourd'hui une huitième campagne présidentielle, pour sa fille cette fois. Et n'a rien perdu de son goût pour la provoc'.
Tantôt ironise-t-il sur "le nez de plus en plus proéminent" de Nicolas Sarkozy avec une militante frontiste qui lui rétorque que "cela rappelle ses origines", tantôt s'amuse-t-il à moquer l'accent d'"Effa Choly", ou à écorcher le nom de "Daniel Con Bandit". Pendant que sa fille poursuit inlassablement son entreprise de "dédiabolisation" du FN, Jean-Marie Le Pen, lui, ne perd rien de son franc parler et de son humour souvent… douteux.
Samedi 18 février, alors que sa fille tient sa convention présidentielle à Lille, le président d'honneur du FN ne veut pas se priver d'un "bon mot" au sujet de Nicolas Sarkozy. Devant quelques journalistes qui l'interrogent sur "les valeurs" du président candidat, il lance : "Faut être gonflé. C'est un peu comme la pute qui devient chaisière à l'église... Si elle garde son maquillage, elle ne trompe personne."
"Il ne peut pas s'en empêcher... Provoquer le fait jubiler"
Un peu plus tard dans la journée, le voilà qu'il tient discours devant 500 militants frontistes. Le propos est bref - à peine plus de quinze minutes -, et s'achève par un poème. Jean-Marie Le Pen tient en effet à citer quelques vers de Robert Brasillach. Un nom méconnu du grand public, mais qui fût celui d'un collaborationniste et antisémite notoire, fusillé en 1945 pour "intelligence avec l'ennemi".
A la sortie de l'auditorium, le vieux leader frontiste jubile. Fier d'avoir réussi son coup. Aux journalistes qui l'interrogent sur cette référence, il répond : "Vous êtes de vieux taureaux, vous devriez connaître la carpe ! Je vous ai donné votre pitance." Un peu plus loin, un proche de Marine Le Pen affiche une mine bien moins amusée : "Il ne peut pas s'en empêcher... Provoquer le fait jubiler. On doit toujours faire attention, se préparer à gérer ses dérapages. Parce que vous les journalistes, vous n'attendez que ça." Ce membre de la direction du FN le sait : Marine Le Pen va devoir assumer cette dernière frasque de son paternel, et pendant plusieurs jours. "Vous aurez remarqué que mon père n'est pas candidat à l'élection présidentielle", tente de balayer l'intéressée.
"Au FN, il n'y a pas de Lepénistes. Il y a des Marinistes et des Frontistes"
Encombrant, Jean-Marie ? Pas tant que ça, en réalité. "A l'inverse de ce qu'ont pu penser certains observateurs au moment de la passation de pouvoirs au congrès de Tours, il n'a jamais été question que Jean-Marie Le Pen disparaisse du paysage politique", relève le politologue Jean-Yves Camus, en énumérant les différentes fonctions qu'il continue d'occuper : membre des instances délibératives du Front national, député européen, président du groupe FN au conseil régional de Paca...
"Au FN, il n'y a pas de 'Lepénistes'. Ce terme ne veut rien dire, car Marine et Jean-Marie ont deux visions et deux manières de faire bien différentes : désormais, il y a des Marinistes, et des Frontistes", résume un secrétaire départemental du parti. "La différence est surtout dans le style, nuance Jean-Yves Camus. Car en dehors de quelques évolutions programmatiques, sur l'Etat ou la laïcité par exemple, les fondamentaux restent les mêmes."
"Un vrai partage des rôles au sein du parti"
"Parfois, on a l'impression que Marine travestit un peu nos idées, là où Jean-Marie les caricaturait. On a du mal à trouver un juste milieu. Mais en atténuant nos positions, on sera peut-être bientôt en mesure de mettre en oeuvre ce que l'on pense vraiment", veut croire Patrick, 54 ans, mécanicien automobile dans la région de Lens (Pas-de-Calais) et électeur FN depuis 1995. Une analyse que partage Jean-Yves Camus, en pointant ce dilemme "structurel" auquel le Front national est confronté : dédiaboliser le parti pour attirer à lui de nouveaux électeurs, tout en se distinguant de Nicolas Sarkozy qui droitise son discours à mesure que l'élection approche. "Il existe donc aujourd'hui un vrai partage des rôles au sein du parti."
Présent dans les meetings, tenant des "banquets patriotiques", répondant aux invitations des télévisions et radios... Jean-Marie Le Pen ne compte de toute façon pas raccrocher. "C'est une bête politique. Il mourra sur scène", parie Camus. A bientôt 84 ans, il n'exclut d'ailleurs pas de mener un ultime combat, en se présentant dans le Vaucluse aux législatives de juin. Dans les colonnes de La Provence, vendredi 24 février, il prévient : "Je suis toujours prêt à partir en campagne et croyez-moi, je suis encore vigoureux".
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