L'épouse du mathématicien Imad Lahoud a déposé à charge lundi contre l'ancien Premier ministre
Dominique de Villepin a affirmé que d'autres que lui au sein de l'appareil d'Etat étaient consceints de la manipulation et auraient pu stopper la calomnie dès 2004.
Le procès en appel d'une supposée manipulation de Dominique de Villepin contre son rival Nicolas Sarkozy s'est ouvert la semaine dernière à Paris.
Le nouveau témoin est Anne-Gabrielle Lahoud, l'épouse d'Imad Lahoud, auteur présumé de fausses listes de comptes bancaires de la société Clearstream, instrument de la manipulation, qui laissaient penser que des centaines de personnes, dont Nicolas Sarkozy, cachaient de l'argent à l'étranger.
Anne-Gabrielle Lahoud, ex-fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères, a affirmé à la barre de la cour d'appel de Paris que Dominique de Villepin, quand il était Premier ministre, avait demandé et obtenu fin 2006 de relire le livre de son mari sur l'affaire pour en faire retirer deux passages qui lui étaient défavorables.
Cette "censure" du livre d'Imad Lahoud se serait fait par l'intermédiaire d'un ami commun, fonctionnaire alors aussi au Quai d'Orsay, a-t-elle dit.
Elle aurait porté sur deux passages concernant le téléphone crypté que, selon Imad Lahoud, Dominique de Villepin avait reçu pour participer au complot en 2004 et le nombre de ses rendez-vous avec le vice-président d'EADS Jean-Louis Gergorin, autre protagoniste de la manipulation.
Anne-Gabrielle Lahoud a de plus relaté que Dominique de Villepin apparaissait souvent au moment où son mari, Jean-Louis Gergorin et le général Philippe Rondot menaient en 2004 leurs manoeuvres avec les listes, laissant entendre que l'ancien Premier ministre orchestrait la manipulation.
"Le nom de Dominique de Villepin était partout. Jean-Louis Gergorin n'avait que ce nom à la bouche quand il voyait mon mari à la maison. C'était la référence", a-t-elle dit.
Dominique de Villepin a contesté toutes ces accusations. "Je ne connaissais pas Imad Lahoud avant de le rencontrer pour la première fois au premier procès. Je n'ai jamais eu le manuscrit (de son livre - ndlr) entre les mains", a-t-il dit.
Concernant une éventuelle censure de sa part du manuscrit, il a dit : "Etant écrivain moi-même, j'ai beaucoup de respect pour la liberté de plume. Pourquoi voulez-vous que je me soucie d'un éventuel livre qu'il écrivait ?"
La présidente de la cour a fait remarquer à Anne-Gabrielle Lahoud qu'elle n'avait jamais parlé de ces faits lorsqu'elle avait été interrogée par la police en 2007. En revanche, elle mettait alors en doute la véracité des écrits de son mari.
L'appareil d'Etat aurait pu stopper la machination
Entendu ensuite, M. de Villepin a mis l'accent sur la possibilité pour d'autres que lui au sein de l'appareil d'Etat de stopper la machination en 2004.
"Le ministère de la Justice est informé depuis début mai. Le ministère des Finances, qui est quand même bien placé pour connaître le fonctionnement d'une chambre de compensation (telle que Clearstream, ndlr), qu'est-ce qui l'empêche de mener une enquête? Et le ministère de la Défense, il ne saisit personne!" s'est étonné l'ancien Premier ministre.
Le parquet général reproche à Dominique de Villepin de n'avoir pas stoppé la machination visant à imputer des comptes bancaires factices à des personnalités dont Nicolas Sarkozy, alors qu'il savait que les listings étaient faux.
"Je veux bien qu'on me reproche une abstention, a-t-il ironisé, mais cette abstention c'est celle de l'Etat", qui a agi "par précaution".
"Comment peut-on parler d'inaction dès lors que c'est l'un des meilleurs juges français qui est saisi?" (le juge Renaud Van Ruymbeke enquêtait depuis mai 2004 sur les listings que lui avait soumis l'ancien vive-président d'EADS, Jean-Claude Gergorin).
Quant à la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE), qui dépend du ministère de la Défense alors dirigé par Michèle Alliot-Marie, "que dit-elle" quand elle a connaissance en juillet 2004 de l'article du Point révélant l'affaire?
En cinq minutes, elle pouvait élucider cette affaire. Alors "que n'a-t-elle pris ces cinq minutes pour nous éviter le poids de ce cauchemar?" s'emporte l'ancien ministre, en ressortant une note de la DGSE du 12 juillet 2004.
Dans cette fiche, il est fait référence aux listings Clearstream remis par Imad Lahoud à la DGSE du temps où il travaillait pour elle. Or ces listings sont les mêmes que ceux qui sont au coeur du scandale!
Par conséquent, conclut le prévenu, "la DGSE en savait autrement plus que la DST", qui dépendait du ministère de l'Intérieur. Il y avait donc bien "dans l'appareil d'Etat un service qui savait et ce service s'appelait la DGSE".
Quand l'avocat général Jean-Louis Perol rappelle que le général Rondot lui avait parlé de ses doutes, Dominique de Villepin assène qu'il n'y avait "pas de recommandation qui pouvait me pousser à agir autrement. (...) On était dans le questionnement, pas dans les certitudes."
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