Démantèlement de la "jungle" de Calais : que vont devenir les mineurs étrangers isolés ?
Près de 1 300 mineurs étrangers isolés vivent dans la "jungle", selon un recensement publié le 12 octobre par France Terre d'asile. Avec le démantèlement du camp prévu par le gouvernement, que va-t-il advenir de ces enfants et adolescents ?
C'est l'un des points les plus sensibles du prochain démantèlement de la "jungle" de Calais. Ils seraient près de 1300 adolescents et enfants isolés (c'est-à-dire non accompagnés de leurs parents) à habiter dans ce campement précaire, selon un recensement publié, mercredi 12 octobre, par l'association France Terre d'Asile. Une situation qui préoccupe les associations alors que le démantèlement du camp pourrait intervenir dans les jours à venir. "Le verrou de l’opération reste la résolution de la question des mineurs étrangers isolés et leur accès au droit de migration", explique Pierre Henry, le directeur général de France Terre d'Asile, interrogé par La Croix.
Le tribunal administratif de Lille a validé, mardi 18 octobre, le principe d'un démantèlement rapide du camp, rejetant le recours formé par onze associations. "C'est maintenant une question de jours (...) Nous arrivons au moment où nous allons engager cette opération", a précisé Bernard Cazeneuve à l'Assemblée nationale.
Qui sont les mineurs étrangers isolés présents dans la "jungle" de Calais ?
Un recensement mené par l'association France Terre d'Asile et le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés a permis d'identifier "1 290 mineurs isolés sur une base déclarative", selon Pierre Henry, le directeur général de l'association. Par comparaison, entre 5 700 et 10 000 migrants, selon les comptages, vivent sur le campement. Ces jeunes sont majoritairement "afghans, érythréens et soudanais" et, dans leur grande majorité, ils ont "entre 14 et 18 ans", explique le dirigeant. Il estime néanmoins "totalement marginal" le nombre d'enfants de moins de 12 ans. Selon ce dirigeant, "95% des mineurs isolés affirment vouloir passer en Grande-Bretagne".
Les chiffres de ce recensement, demandé par les pouvoirs publics, marquent une nette hausse par rapport aux 861 jeunes sans famille dénombrés fin août par l'association. Ils vont toutefois dans le sens du bilan de 1 189 mineurs isolés établi il y a quelques semaines par l'Auberge des migrants et Help Refugees, deux autres associations présentes sur place.
Quel est le rôle du Royaume-Uni ?
Une partie de ces mineurs isolés seront pris en charge par le Royaume-Uni. Quatorze mineurs ont déjà franchi la Manche, lundi 17 octobre. Ils étaient douze mardi 18 octobre. Et "nous allons amplifier ce voyage tant souhaité par certains mineurs", a déclaré la préfète Fabienne Buccio lors d'une conférence de presse à la sous-préfecture de Calais, "il y en aura chaque jour un peu plus, on l'espère". Une prise en charge prévue par les accords d’Amiens, passés entre le Royaume-Uni et la France. Depuis mars 2016, les mineurs isolés peuvent être accueillis sur le sol britannique, au titre du regroupement familial.
"Le gouvernement britannique doit maintenant intensifier ces efforts pour identifier et prendre en charge les mineurs migrants", a expliqué Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur, dans un tribune publiée dans The Guardian (en anglais). Selon le recensement mené par l'association, 500 mineurs isolés auraient affirmé avoir de la famille au Royaume-Uni et seraient ainsi concernés par le regroupement familial.
[Version française] Mineurs isolés à #Calais : le Royaume-Uni doit remplir son devoir moral @guardian pic.twitter.com/Ee6VDBxZNk
— Bernard Cazeneuve (@BCazeneuve) 17 octobre 2016
Qu'adviendra-t-il de ceux qui ne pourront pas franchir la Manche ?
"Bernard Cazeneuve fait pression sur le gouvernement britannique, mais qu'est-ce qui va advenir des autres mineurs qui n'ont pas de famille en Angleterre ?" s'inquiète Thierry Kuhn, le président d'Emmaüs France, interrogé par franceinfo. "C’est le flou le plus complet, estime de son côté François Guennoc, vice-président de l'Auberge de migrants à Mashable, on parle de centre d'accueil et d'orientation spécialisés, mais je n’en sais pas plus (...), les autorités auraient dû faire ce travail [de recensement et de relocalisation des mineurs] depuis des mois."
Car contrairement aux adultes, les mineurs isolés ne peuvent être envoyés ni en Centre d'accueil et d'orientation (CAO), dont 7 000 places ont été ouvertes sur l'ensemble du territoire français, ni en Centre de rétention administrative (CRA). De plus, un placement en foyer nécessiterait l'intervention d'un juge pour enfant. La relocalisation de ces jeunes s'avère donc particulièrement compliquée.
Néanmoins, selon un document de l'Etat détaillé par l'AFP, "550 places" sont déjà réservées "dans des centres dédiés" comprenant "un accueil adapté aux mineurs", notamment en termes d'encadrement. Ils y resteront "le temps d'être orientés" et pris en charge par les départements, compétents pour l'aide sociale à l'enfance. Problème : "les structures sont saturées", explique-t-on cependant à l'Assemblée des départements de France. La situation des mineurs isolés de Calais est donc loin d'être réglée.
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