Pourquoi le "trou de la Sécu" ne sera pas comblé en 2017
La ministre de la Santé, Marisol Touraine, présente le budget de la Sécu 2015, lundi 29 septembre, alors que le déficit du régime général est plus important que prévu.
Patatras. Le trou de la Sécu sera plus profond que prévu en 2014. Alors que les prévisions annonçaient un déficit de 9,8 milliards d'euros, la ministre de la Santé a annoncé qu'il atteindrait 11,7 milliards, dimanche 28 septembre sur France Inter. C'est un peu mieux que l'année précédente, mais c'est encore loin des objectifs optimistes du gouvernement, qui tablait sur un retour à l'équilibre – et même sur un excédent – d'ici à 2017. Pour relancer le cercle vertueux, la ministre a donc annoncé 700 millions d'euros d'économies en 2015. Pour un retour à l'équilibre espéré en 2019.
Parce que la croissance n'est pas au rendez-vous
"Ce dérapage n'est pas surprenant, tranche l'économiste Claude Le Pen, contacté par francetv info. La croissance économique a été plus faible que prévu, donc les recettes aussi." C'est mécanique : moins il y a de chômeurs, plus il y a de cotisations. Mais la protection sociale se nourrit aussi de la hausse des salaires, du profit des entreprises, des plus-values immobilières… Bref, de tout ce qui est soumis, entre autres, à la contribution sociale généralisée (CSG). Compte tenu de la "conjoncture économique très difficile", de l'aveu même de Marisol Touraine, la France n'a pas réussi à tenir les objectifs qu'elle s'était elle-même fixés. Le gouvernement a donc décidé d'appliquer le taux normal de CSG à 460 000 retraités jusque-là soumis au taux réduit.
Le gouvernement a-t-il été trop optimiste ? C'est l'avis de la Cour des comptes. En septembre, elle a publié un rapport jugeant "incertain" le retour à l'équilibre. En effet, le gouvernement a tablé sur un fort redémarrage de l'économie pour effectuer ses calculs. Sur les trois années 2015 à 2017, le taux de croissance espéré était ainsi de 3,7% (contre 1,6% en 2012-2014). C'est mal parti. Le mois dernier, Bercy a abaissé ses prévisions de croissance pour 2015 à 1% au lieu de 1,7%. Quant à la masse salariale, elle est censée augmenter de 4% par an à partir de 2015 (contre 1,8% en 2012-2014). Mais, là encore, les signes adressés par Pôle emploi ne sont guère encourageants.
L'objectif d'un retour à l'équilibre en 2017 était inscrit noir sur blanc dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale 2014. Mais il sera "à l'évidence retardé d'un ou deux ans", indique une source proche du dossier, citée par l'AFP. De toute manière, comme le fait remarquer Claude Le Pen, "il n'y a pas de ressorts de croissance suffisants en 2015 et 2016".
Parce que les dépenses continuent d'augmenter
Pendant ce temps, le déficit de la Sécurité sociale est donc financé par l'emprunt, ce qui creuse encore un peu plus la dette. Pourtant, les dépenses n'ont pas réellement explosé. Leur augmentation est limitée cette année à 2,4% (2,1% en 2015), quand elle était de 6 ou 7% dans les années 2000. Entre 2014 et 2017, les dépenses du régime général devraient ainsi passer de 344,7 à 369,7 millions d'euros.
"Le souci, c'est que les recettes ne croissent plus, à l'inverse des dépenses. Du coup, le déficit perdure", résume Claude Le Pen. Si rien n'est fait, la commission des comptes de la Sécurité sociale promet une aggravation du déficit à 14,7 milliards d'euros en 2015. Pour éviter ce scénario, Marisol Touraine pourrait donc être tentée de couper dans le vif.
Parce que les économies sont difficiles à trouver
Marisol Touraine avance en terrain miné. Il n'y aura pas de "déremboursement" de médicaments ni de "de gel des prestations familiales", a-t-elle déjà annoncé. En revanche, Marisol Touraine a annoncé lundi que la prime de naissance serait divisée par trois à partir du deuxième enfant, que le congé parental serait réformé et que les aides à la garde d'enfant seraient limitées pour les familles les plus aisées.
Alors que la Cour des comptes réclame "une maîtrise accrue de la dépense grâce à la mise en œuvre de réformes structurelles", certains observateurs font part de leur impatience. "Dans le secteur de la santé, les gouvernements successifs utilisent bien souvent la technique du rabot, en essayant de faire un peu moins cher. Pourtant, il faudrait utiliser la technique du scalpel", glisse Claude Le Pen.
Car si la situation n'est pas réglée rapidement, deux écueils se profilent, selon lui. "Soit l'augmentation de la dette nous fragilise et affaiblit la France, soit les dépenses devront être réduites de manière encore plus drastique. Dans les deux cas, ce n'est pas très réjouissant." Les plus optimistes rappelleront qu'en 2010, au plus fort de la crise, le déficit du régime général a atteint jusqu'à 23,9 milliards d'euros.
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