Quatre questions sur les dépenses de la CGT pour loger son secrétaire général
Thierry Lepaon bénéficie d'un appartement de fonction dans une banlieue huppée de Paris, refait à neuf aux frais du syndicat.
Quelque 120 m² avec terrasse, en bordure du bois de Vincennes, à deux pas du château du même nom : Thierry Lepaon habite un bel appartement, mais il pourrait bien être forcé de le quitter prématurément. Le secrétaire général de la CGT est dans la tourmente depuis que Le Canard enchaîné a révélé, mercredi 29 octobre, qu'il bénéficiait de ce logement aux frais de son syndicat, qui a aussi pris en charge de coûteux travaux de remise à neuf. Une dépense nécessaire pour loger Thierry Lepaon, qui vivait dans le Calvados avant sa nomination à la tête de la CGT, se défend la confédération. Mais qui pose un certain nombre de questions.
Est-ce normal que Thierry Lepaon soit logé aux frais de la CGT ?
Après son élection, en mars 2013, Thierry Lepaon posait un problème inédit à la CGT : il était son premier secrétaire général à résider en région. Louer et mettre à la disposition de son nouveau leader un logement en région parisienne et "entièrement équipé" était donc nécessaire, a estimé, mercredi, le trésorier de la confédération, Eric Lafont : "Nous n'allions pas lui demander de payer un deuxième loyer pour travailler à Paris, alors qu'il habite déjà dans un HLM en Normandie".
Proposer un appartement de fonction est une pratique relativement courante dans les entreprises, et même dans les associations à but non-lucratif. Pour Patrice Rault, directeur du cabinet de recrutement Partium, spécialisé dans le milieu associatif, "mettre un logement à disposition d’une personne recrutée en province n’est pas anormal", et aucunement l'apanage des grands patrons. "Dans le secteur du non-lucratif, les rémunérations sont vraiment moindres par rapport au privé. Le logement de fonction peut faire partie des us et coutumes de certaines organisations pour attirer des gens qui ont des fortes compétences", explique-t-il.
Est-ce cohérent pour le patron de la CGT d'être logé dans une banlieue chic ?
L'appartement qu'occupe Thierry Lepaon est situé à Vincennes (Val-de-Marne), banlieue chic de l'Est parisien, à un emplacement prisé, puisque sa terrasse donne sur le bois de Vincennes. Du point de vue de la CGT, Vincennes a l'avantage d'être limitrophe de Montreuil, une banlieue plus populaire où est situé son siège.
Mais cet emplacement répond surtout à une demande du secrétaire général, si l'on en croit Le Canard Enchaîné. "Dans le Calvados, il habitait une maison à côté de la verdure", raconte "un jaloux de la CGT" à l'hebdomadaire, et Thierry Lepaon aurait donc demandé un logement "identique". "On a tous rigolé en imaginant qu'il allait se retrouver dans une banlieue très lointaine" de Paris, se souvient cette source. Mais la CGT, de l'aveu de son trésorier Eric Lafont, "n'a pas osé" loger son leader à Clichy ou Aubervilliers.
L'appartement choisi n'était pourtant pas une solution de facilité : ce type de bien immobilier, 120 m² en bordure du bois, "n'existe quasiment pas" à Vincennes, selon un agent immobilier local. Et ce choix détonne quand on le compare aux logements de ses prédécesseurs : Le Canard enchaîné rappelle que Louis Viannet, leader du syndicat de 1992 à 1999, vivait à Villejuif, et Henri Krasucki dans un "très modeste" HLM du 20e arrondissement de Paris. Mais les temps ont changé puisque, selon l'hebdomadaire, Thierry Lepaon est le quatrième des dix membres du bureau confédéral de la CGT à s'installer le long du bois de Vincennes.
Le montant du loyer correspond-il au marché ?
Selon le trésorier de la CGT, le syndicat paie un loyer raisonnable, "autour de 2 000 euros par mois", pour l'appartement de son secrétaire général. Le Parisien avance, de son côté, le chiffre de 2 500 euros. Pour Pascal Raffray, agent à ABC Immobilier, à Vincennes, ce chiffre est "cohérent avec le marché" mais "dans la limite basse". Il faut dire que le logement semble avoir nécessité d'importants travaux.
Est-ce logique de dépenser 130 000 euros en travaux ?
Les travaux engagés pour remettre à neuf le logement se décomposent en 11 500 euros pour remplacer la moquette par du parquet flottant, 24 000 euros de carrelage et plomberie, 18 000 euros d'électricité, 16 000 euros de peinture, et quelques autres interventions, selon le devis initial, qui prévoyait une facture totale de près de 150 000 euros. La CGT assure n'avoir déboursé que 130 000 euros au final. Thierry Lepaon aurait notamment renoncé à un home cinéma et à une cave à vins, mais pas à la cuisine toute équipée et aux télévisions dans chaque chambre.
Le tarif est "correct", explique au Canard enchaîné un expert du bâtiment, mais pour "une prestation plutôt haut de gamme". "C'est énorme. Ils se sont fait plaisir sur les travaux", estime de son côté l'agent immobilier Pascal Raffray. Pour cette somme, ce dernier pense que Thierry Lepaon "a opté pour de beaux matériaux".
A ses yeux, il est absurde de rénover un appartement en location pour une telle somme et "à fonds perdus", puisque le locataire ne bénéficie pas de l'augmentation de la valeur du bien. "Personne ne le fait, sauf si c'est quelqu'un d'autre qui paie." La facture correspond à la cotisation annuelle de 650 adhérents de la CGT.
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