J'ai testé les casse-têtes de 42, l'école d'informatique de Xavier Niel
Piquée par la curiosité, j'ai passé les tests de sélection en ligne de 42, l'école d'informatique dont l'ouverture a été annoncée en fanfare par le fondateur de Free. Non sans difficultés.
Je l'avoue, Xavier Niel m'intrigue. Je ne suis pas la seule : le patron de Free est un expert lorsqu'il s'agit de surprendre son petit monde. Son dernier coup d'éclat ? L'ouverture à la rentrée 2013, à Paris, de 42, une école d'informatique d'un nouveau genre, annoncée fin mars. Ouverte à tous sans condition de diplôme, 100% gratuite, elle est financée sur les deniers personnels du milliardaire.
Xavier Niel, qui déplore une pénurie d'informaticiens bien formés en France, y promet "une pédagogie différente et réellement innovante", à même de produire les jeunes entrepreneurs créatifs dont la France a tant besoin.
La promesse est alléchante, surtout parce que c'est lui qui la fait. Xavier Niel, c'est celui qui, à 17 ans, se lance dans le Minitel rose et, vingt-cinq ans plus tard, s'offre Le Monde. Le grand patron sans cravate qui prend un malin plaisir à bousculer ses pairs, révolutionnant le marché des fournisseurs d'accès à internet d'abord, celui de la téléphonie ensuite – à ce stade, je me dois de révéler en toute honnêteté que je suis cliente depuis son lancement du forfait Free Mobile illimité à 19,99 euros.
Xavier Niel, donc, dispose d'un certain crédit. Mais voilà : les grandes promesses de "pédagogie innovante", axée sur les projets, laissant libre cours à la personnalité des étudiants, franchement, ce n'est pas la première fois qu'on les entend... Alors, bluff ou révolution ? Pour le savoir (et aussi parce que j'avais très envie de m'installer dans les soucoupes volantes qui semblent peupler les locaux de 42), j'ai pointé mon nez au bureau des admissions. Virtuel, bien entendu.
L'entrée en matière
Si l'école est effectivement ouverte à tous, sous réserve d'avoir entre 18 et 30 ans, l'admission ne se fait pas pour autant sans sélection. Première étape : une série de tests en ligne. Ceux qui les passent avec succès auront le droit de rejoindre la seconde phase : "La Piscine". Rien à voir avec les sports d'eau, plutôt une sorte de "Koh-Lanta" version geek qui se déroulerait dans le 17e arrondissement de Paris. A l'issue de quatre semaines d'exercices intensifs, seuls les meilleurs sont sélectionnés pour faire leur rentrée.
Moi, je suis encore loin des eaux bleues de la Piscine. Sur mon écran, la page d'accueil du site qui m'interroge – "Born to code ?" – me fait déjà douter. Dans la vraie vie, autant le dire tout de suite, je ne suis pas franchement "née pour coder" : mes compétences en informatique se limitent à la maîtrise d'outils déjà tout à fait aboutis, merci. Mais Xavier Niel l'a promis, il suffit d'avoir envie.
Le "Questionnaire"
Après le mail de bienvenue ("Bonjour, jeune novice"), le premier test semble gentillet : un QCM – qui comprend, bien sûr, 42 questions – alternant des questions de motivation, de culture (très) générale et des exercices de logique. Fine mouche, je devine qu'il vaut mieux vanter les bienfaits du travail en équipe plutôt que jouer les crevards, et n'ai pas trop de mal à trouver le nom du président de la République.
Les questions de calcul et de déduction sont en revanche loin d'être triviaux, d'autant que le temps défile vite : une à deux minutes à peine pour réfléchir.
(Là par exemple, je n'ai pas trouvé.)
Entre deux questions, Niel et ses acolytes ne résistent pas aux blagues d'initiés, avec un goût marqué pour la science-fiction. A la question "Tu préfères Elijah Wood ou Elijah Baley ?", je sèche. Bon. Je ne connais pas Elijah Baley, mais si Xavier Niel idolâtre le Hobbit aux yeux bleus délavés du Seigneur des anneaux, franchement, je rends mon clavier. J'opte pour l'illustre inconnu (dont une rapide recherche Google m'a tout de même appris que c'était un héros d'Asimov, c'est bon signe).
Les "Skillz"
Peu importe, le meilleur est à venir. Une fois le QCM rempli, c'est l'heure des "Skillz". Des exercices toujours en ligne, mais manifestement plus relevés : il faut s'inscrire à l'avance, certains créneaux durent quatre heures.
Il y a cinq manches. Je commence par les plus courtes, une sorte de puzzle et deux exercices manifestement destinés à tester ma mémoire spatiale et visuelle. De lointaines réminiscences du jeu Simon me reviennent en tête.
(Sur 42.fr il n'y a pas de gens qui semblent tout droit sortis de "Drôles de dames", mais c'est l'idée)
J'avoue que je ne vois pas très bien le rapport avec la programmation – Julien, l'un de nos gentils développeurs, m'assure qu'il ne passe pas ses journées à appuyer sur des touches colorées qui font des bruits bizarres – mais c'est plutôt facile.
Ça se corse à la 4e manche. Sur mon écran, une colonne de cases colorées qu'il faut manifestement tenter de gravir. J'ai oublié de préciser qu'il n'y a jamais de consigne, il faut à chaque test deviner le but du jeu et ses règles. En l'occurrence, je comprends qu'il faut bâtir une fonction permettant d'atteindre la cible, au moyen de différentes commandes. Mais après quelques essais, force est de constater que c'est la panne sèche : je bloque désespérément à la deuxième case. Les minutes passent, l'angoisse me prend.
Rapidement à bout de nerfs – ce test dure quatre heures, je me doute que ce n'est que le commencement –, je craque et lance un appel désespéré à mon collègue Vincent Matalon, imprudemment connecté au chat de Gmail en cette heure tardive et, surtout, gameur de son état. J'en suis sûre, cette drôle de colonne, cette petite étoile, sont un appel du pied caché aux fans de jeux vidéo qui, c'est bien connu, sont des geeks en puissance. Une sorte de sélection de classe qui ne dit pas son nom. Autant dire que je n'ai aucune chance : moi, je suis de celles qui trouvaient le moyen de noyer Mario avant même l'entrée du château fort.
Gagné : en quelques minutes, Vincent a trouvé pourquoi ma fonction ne marchait pas – ça n'avait bien sûr rien à voir avec les jeux vidéo. Je franchis avec fierté et, crois-je, avec un certain succès, les niveaux suivants.
Direction : la Piscine...
Mes tests de sélection sont terminés, c'est l'heure du verdict. Au téléphone, un membre de l'équipe pédagogique de 42 prend gentiment le temps de me faire un retour rapide sur mes résultats – une faveur honteusement obtenue grâce à ma carte de presse. Je flaire vite le drame. Cette voix exagérément douce me rappelle celle de l'instructrice du permis de conduire qui, il y a quelques années, m'expliqua que, malgré une première partie d'examen prometteuse, non, elle ne pouvait décidément pas m'accorder le papier rose après m'avoir vu circuler à contre-sens. J'ai vu juste : à l'autre bout du fil, mon interlocuteur m'explique avec une gêne palpable que voilà, le compte n'y est pas tout à fait. "Vous avez été un peu trop faible sur les tests de logique."
Lâchant un rire nerveux, je tente de faire bonne figure. "Non mais je vous rassure tout de suite, je n'avais au-cu-ne prétention. Je fais juste ça pour les besoins de mon reportage, hein." Dans ma tête : "Les tests de LOGIQUE ? Sérieusement ? Je suis d'une rationalité à toute épreuve, moi, monsieur."
En fait, ce sont les carrés colorés qui m'ont perdue, les chiens. Je ne suis pas allée assez loin, m'explique le gentil monsieur en me citant les scores des petits as qui ont dominé l'épreuve (que je maudis aussitôt dans mon for intérieur).
De toute façon, je m'en fiche. J'ai déjà reçu le précieux sésame : un texto m'annonçant mon admission à l'étape suivante, la fameuse Piscine – une faveur honteusement obtenue grâce à l'attachée de presse pour poursuivre mon reportage.
Comment ça, j'ai triché ?
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