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Un contrôle dégénère dans les Yvelines : "Les policiers n'avaient pas à agir comme ça!"

A Saint-Germain-en-Laye, des agents ont interpellé plusieurs personnes, mardi, et les ont placé en garde à vue. "Une intervention musclée", selon des témoins. Au départ de l'affaire, une simple voiture mal garée. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Capture d'écran d'une vidéo amateur montrant une interpellation à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), mardi 17 mars 2015, mise en ligne jeudi 19 mars sur le site du "Parisien".  (VIDEO AMATEUR / LE PARISIEN.FR)

Depuis les fenêtres des appartements, des témoins ont filmé la scène. Mardi 17 mars, des policiers ont interpellé cinq jeunes hommes, tous habitants d'un même quartier de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). "Une intervention musclée", titre Le Parisien, qui publie les images amateur deux jours plus tard. Impossible néanmoins d'y déceler les raisons à l'origine de cette rixe.

Contactée par francetv info, vendredi, une voisine évoque "un contrôle qui tourne mal". Mais comment une formalité a-t-elle pu donner lieu à une telle scène de violence ? Les versions divergent. Selon les policiers, cités par le quotidien, les fonctionnaires ont répondu à "des coups de pied et de poings, portés par plusieurs jeunes gens à leur encontre". Les personnes interpellées, ainsi que leurs familles, démentent formellement. Selon une source proche de l'enquête, "le procureur de la République a décidé de poursuivre l'investigation afin de déterminer ce qu'il s'est passé à partir des procès-verbaux et des vidéos." Francetv info a tenté de retracer le fil des évènements. 

"Mal dressés ? Pourquoi ne pas dire 'mal éduqués'?"

"Je rentrais du travail, il devait être 18h30. Je suis assistant d'éducation dans un collège", explique Mehdi*, 20 ans, joint par téléphone par francetv info. Le jeune homme se gare dans la rue, contre le trottoir, pour rejoindre quelques amis qui discutent. "Je me gare sur le côté droit, comme le font les riverains. La rue est à sens unique, et il y a peu de place sur le parking", explique-t-il. Le détail à son importance. Son véhicule, qui n'est pas garé sur un emplacement autorisé, attire l'attention de policiers en patrouille dans le quartier. "Ils nous ont demandé de nous mettre sur le côté, et à moi de leur donner les papiers de ma voiture. Ce que j'ai fait", assure le jeune homme.


L'intervention musclée des policiers à St... par leparisien

Si, selon ses propos, "tout est calme", il se souvient malgré tout de moments de tension, notamment parce qu'il sourit à un policier ("Ça ne me fait pas rire", lui lance un agent, et Mehdi d'expliquer à francetv info : "Si on n'a pas le droit de sourire en se faisant contrôler, pas étonnant qu'ils se plaignent d'avoir de mauvaises relations avec la population"). Mais là encore, la police décrit une scène différente. "Le contrôle tourne assez rapidement à l'échange verbal. Il y a un refus de contrôle d'un individu et l'agrégation de jeunes auprès de leur camarade", rapporte la source interrogée par francetv info. "Les policiers ont été insultés. Il y a eu outrage, des coups ont été portés. La procédure en cours porte là-dessus", détaille-t-elle. 

Selon Mehdi, c'est plutôt un mot qui fait déraper la situation. "Il y avait plein d'enfants près de nous, ils se distribuaient des bonbons, bougeaient autour des policiers, etc." confirme-t-il. "Une policière leur a alors lancé qu'ils étaient mal dressés." Pour Mehdi, ce mot traduit un manque de respect, voire du racisme. Il prend la mouche : "Je lui ai dit : 'Pourquoi ne pas dire 'mal éduqués' ?". Le ton monte, poursuit le jeune homme, et "la tension s'installe". Il est fouillé par les agents.

"Comme mon fils se fait régulièrement contrôler, je suis allée voir"

"Du balcon, depuis chez moi, je vois le bout de la rue. J'ai vu mon fils et, près de lui, une voiture de police à l'arrêt. Comme il se fait régulièrement contrôler, j'ai décidé d'aller voir ce qui se passait", explique Faïza*, la mère de Mehdi, également interrogée par francetv info. Parfois, dit-elle, "les jeunes peuvent se faire contrôler trois ou quatre fois dans une même journée, jamais par les mêmes policiers".

La source proche de l'enquête confirme par ailleurs qu'il ne s'agissait pas de policiers de Saint-Germain-en-Laye, mais d'agents d'un service départemental. Ces derniers indiquent à Faïza que tout se passe bien, mais Mehdi lui rapporte toutefois l'accrochage sur le mot "dressé". "Ce n'est pas une façon de parler à des enfants", reprend Faïza. Mère et fils soutiennent que la situation s'est alors dégradée. Si les policiers assurent que les jeunes hommes ont initié la rixe, Mehdi raconte qu'une policière s'est saisie d'un flashball ("Un flashball ? Pour un simple contrôle ? Le contrôle de quelqu'un qui est, qui plus est, en règle ?"). 

"Une deuxième voiture de police est arrivée à ce moment-là par la rue en sens interdit, avec le gyrophare allumé, ce qui prouve qu'ils ont appelé du renfort, poursuit le jeune homme. Ils attrapent deux de mes amis, l'un prend un coup de poing. Et quand j'ai essayé d'éloigner ma mère, un policier m'a ordonné de ne pas bouger et de me retourner, pour qu'il me passe les menottes. J'ai refusé." 

Une plainte déposée 

La suite de la scène figure sur la vidéo. On voit des coups, portés de part et d'autre, on entend des cris. Une bombe lacrymogène, des riverains ahuris. Mehdi qui refuse de se faire menotter et qui tente de résister. "On voit la volonté de ne pas se laisser contrôler et interpeller, estime la source policière proche de l'enquête, or, pour interpeller un individu récalcitrant, il y a un usage de la force légitime." On voit aussi la chute de Faïza, au bord du trottoir : "J'ai une nécrose de la jambe gauche. Je dois me faire opérer en avril. C'est pour cela que l'on me voit boiter", explique la mère de famille. "Je m'étais d'abord mise de côté, mais quand j'ai vu qu'ils s'en prenaient à mon fils, je me suis précipitée. Ils voulaient l'interpeller, mais lui ne s'est pas laissé faire. Comme il se débattait, il a reçu des coups", raconte-t-elle aujourd'hui, "toujours choquée". Ecartée de la scène par une policière, elle perd l'équilibre, et finit au sol. 

Elle fait partie de ceux qui ont l'intention de porter plainte contre la police, et entend agir dès lundi. "Je veux qu'elle [la fonctionnaire de police] sache qu'elle n'avait pas à agir comme ça avec moi, alors que mon handicap est visible", s'agace-t-elle. 

Après deux jours de garde à vue, les cinq hommes ont été relâchés, en attendant leurs comparutions. "Ce n'est pas plus mal, tranche la mère de Mehdi. Comme ça, cela nous laisse le temps de nous organiser, de consulter un avocat pour voir ce que l'on peut faire." Mehdi, qui assure avoir subi des mauvais traitements lors de la garde à vue, n'entend pas, lui non plus, en rester là. "Ce sera au magistrat de déterminer le bien-fondé de l'action des policiers", tranche-t-on du côté des forces de l'ordre. 

*Les prénoms des témoins ont été modifiés pour préserver leur anonymat.

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