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François Hollande et l'Algérie, l'histoire d'une "relation forte"

Un père partisan de l'Algérie française, un stage en 1978 à Alger, des visites à répétition... Francetv info revient sur les liens entre le chef de l'Etat et ce pays du Maghreb, où il est attendu aujourd'hui.

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
François Hollande et l'ancien président Ahmed Ben Bella lors d'une visite à Alger, en décembre 2010. (FAYEZ NURELDINE / AFP)

François Hollande doit poser, mercredi 19 décembre, le pied sur le tarmac de l'aéroport d'Alger pour une visite de deux jours. Rencontre avec le président Abdelaziz Bouteflika, avion présidentiel rempli de grands patrons (dont ceux de Total, GDF, Renault et Lafarge), nombreux ministres et aréopage de journalistes. Le chef de l'Etat aura-t-il une pensée pour sa dernière visite dans ce pays si particulier pour lui, avec lequel il entretient un lien quasi intime ?

C’était il y a seulement deux ans. Le 8 décembre 2010, François Hollande n’est qu’un candidat à la primaire socialiste. Distancé dans les sondages, il n’intéresse pas grand monde et son séjour de 48 heures à Alger n'est suivi que par une poignée de journalistes.

Pourtant, c'est là qu'il a eu l'une des meilleures intuitions de sa campagne pour prendre l'Elysée. En sortant d'une visite à la basilique Notre-Dame-d’Afrique, il lâche spontanément aux quelques journalistes présents : "le temps d'un président normal est venu". "C'était sorti comme ça, se souvient son ami Kader Arif, aujourd'hui ministre délégué, chargé des Anciens combattants, qui l'accompagnait. C'était une bonne idée, il voulait prendre le contrepied de l’hyperprésidentialisation, de la présidence bling-bling de Nicolas Sarkozy. Cela a fait sens tout de suite." 

L'air de l'Algérie l'avait-il inspiré ? Ce qui est certain, c'est que François Hollande s'y sent à l'aise. "Il s'est toujours intéressé au pays", estime l'ancien journaliste et sénateur socialiste Claude Estier, qui l’a accompagné lors d'une autre visite, en 2006. Hollande, né en 1954, n’était qu'un enfant quand les accords d'Evian ont été signés en 1962, mais l'Algérie est un sujet dont il a entendu parler très tôt. Son père, le médecin Georges Hollande, était un fervent partisan de l'Algérie française, et affichait sa sympathie pour l'OAS. Il a même été candidat malheureux sur une liste d’extrême droite à Rouen. "François Hollande était très jeune pendant la guerre d'Algérie, mais il est resté très marqué, cela s'inscrit dans une tradition chez lui", estime Claude Estier.

1978 : il découvre un pays "fier de son indépendance"

Ce n'est sans doute pas un hasard si, en 1978, en première année à l'ENA, François Hollande réalise son stage en Algérie. Le jeune homme passe huit mois à l'ambassade de France à Alger. "Il s'est attaché à ce pays", selon Claude Estier. Pouria Amirshahi, député socialiste des Français de l'étranger au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, qui avait accompagné Hollande en Algérie en 2010, abonde : "Une relation forte le lie à l’Algérie".

Etant donné son âge, il n'a pas pu être un acteur de la lutte pour les indépendances des pays africains, mais ce combat "est une corde sensible de son héritage politique" qui s'inscrit "plutôt dans le mendésisme", ajoute-t-il. L'héritage de Pierre Mendès France, président du Conseil qui mit fin à la guerre d'Indochine en juillet 1954, est effectivement plus facile à assumer que celui de François Mitterrand. Ce dernier, qui était garde des Sceaux en 1956-1957, pendant la guerre d'Algérie, a laissé guillotiner au moins 32 condamnés à mort algériens, refusant leur demande de grâce. 

Pourtant, François Hollande n'a jamais livré tous les mystères de son expérience algéroise. Lors d’un rare entretien où il évoque ce stage, il confie au quotidien francophone El Watan avoir découvert "une Algérie fière de son indépendance, mais qui, déjà, attendait beaucoup de la France. Je mesurais le potentiel de l’économie algérienne, trop bridé par les rigidités bureaucratiques." Et d’ajouter, un peu plus personnel, "je garde surtout l'image d'Alger pleine d'une jeunesse qui a fait l'Algérie d'aujourd’hui et déjà de ses antennes de télévision qui nous relient au-delà de la Méditerranée".

2006 : il rencontre le président Bouteflika à Alger

Lors de son stage en 1978, Hollande côtoie le diplomate Hubert Colin de Verdière à l’ambassade. Il se croisent à nouveau en juillet 2006 à Alger, où Hollande rencontre le président Abdelaziz Bouteflika, qui lui accorde trois heures d'entretien. Colin de Verdière est devenu ambassadeur, Hollande est alors premier secrétaire du Parti socialiste. Kader Arif se souvient : "Il a raconté à l'ambassadeur qu'il avait gardé un très bon souvenir de l’Algérie, du contact avec les gens, des déplacements."

Dans un reportage de France 2 diffusé à l'occasion de cette visite, on le voit tout sourire. Dans la rue, Hollande est à l'aise. Venu solliciter le soutien de l'Algérie au PS avant la présidentielle de 2007, il prend plaisir à bavarder de foot. La France doit disputer avec Zidane sa deuxième finale le lendemain. Mais il parle aussi de politique. Dans un pays où la télé française est très suivie, Hollande n'est pas un inconnu.

2012 : il multiplie les appels du pied vers l'Algérie

François Hollande bénéficie même "d'une belle cote" de l’autre côté de la Méditerranée, où il est "bien perçu", se félicite Kader Arif. C'est le fruit d'un travail de longue haleine qu'il a su faire fructifier comme candidat en 2012. En avril, avant même son élection, une délégation socialiste, composée notamment d'Elisabeth Guigou, Benoît Hamon et Pouria Amirshahi, s’est rendue en Algérie pour convaincre les derniers indécis parmi les binationaux, mais surtout préparer le terrain au futur président.

François Hollande n’a pas lésiné sur les appels du pied. Il a d'abord annoncé, pendant la campagne, qu’il reconnaîtrait la répression sanglante de la manifestation d'Algériens à Paris le 17 octobre 1961, et c'est ce qu'il a fait une fois élu. Il devrait d'ailleurs continuer sur la même voie lors de sa visite. Il se rendra notamment sur la place Maurice-Audin, du nom d'un militant communiste arrêté par la police française en 1957 à Alger, officiellement "évadé" lors de son transfert en prison, mais dont on n'a jamais retrouvé la trace après son arrestation.

Le député socialiste Razzy Hammadi s'attend à "une normalisation définitive de la relation décomplexée", entre les deux pays. Une attitude rendue possible car "il est le premier président de la République qui n'a pas connu la guerre d'Algérie, sans être sous la pression de nostalgiques de l'Algérie française", estime le député. Hollande est même entouré de nombreux "fans" de l'Algérie, notamment Kader Arif, son conseiller Faouzi Lamdaoui, mais aussi Arnaud Montebourg et Stéphane Le Foll.

2012 : Bouteflika prêt pour un "partenariat d'exception" 

Après tant d'efforts, les propositions de François Hollande ont rencontré un écho favorable de l'autre côté de la Méditerranée, où la politique française est suivie avec une grande attention. Cinquante-trois minutes après la proclamation officielle de la victoire de François Hollande, le président Abdelaziz Bouteflika se disait d'ailleurs prêt à construire un "partenariat d'exception".

Une petite revanche sur le sort. En 2010, le même Abdelaziz Bouteflika l'avait boudé et il avait fallu le talent de Faouzi Lamdaoui pour que François Hollande dégote un entretien avec le premier président algérien, Ahmed Ben Bella, et ainsi sauver ce déplacement destiné à lui bâtir une stature de chef d’Etat. Ben Bella l'avait reçu pendant une heure dans sa villa d’El Menzel. Une première. Jamais l’ancien chef de guerre du FLN n’avait rencontré un homme politique français depuis le coup d’Etat qui l’a renversé en 1965. "C'était un moment d'histoire", se souvient Kader Arif, aujourd'hui ministre des Anciens combattants, qui accompagnait François Hollande. A l'issue de l’entretien, Ben Bella lui avait glissé en clin d’œil : "Je porte toujours bonheur à ceux qui me visitent".

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