Free bloque les pubs : le cri d'alarme des sites spécialisés
L'opérateur a modifié sa Freebox en désactivant les publicités sur les sites internet. Les sites spécialisés dans l'actualité du numérique et de l'informatique, mécontents de cette décision, en tirent les conséquences.
L'initiative a provoqué l'émoi sur internet. L'opérateur Free, qui compte quelque 5 millions d'abonnés en France, a modifié jeudi 3 janvier sa Freebox en désactivant les publicités sur les sites internet. L'opérateur ne s'est pas encore exprimé sur ce choix, mais les sites spécialisés dans l'actualité du numérique et de l'informatique, eux, s'interrogent sur les raisons de cette décision et en tirent les conséquences.
Une manière de faire pression sur Google
L'apparition du dispositif est interprétée comme une façon pour Free de faire pression sur Google, avec lequel il est en conflit commercial. "Il semble que la mise à jour de la Freebox Révolution, qui a introduit un peu plus tôt aujourd'hui un bloqueur de publicité, s'en prenne bien uniquement aux publicités Google", relève ZDNet.fr. "C'est ce qui nous a valu de remplacer 'blocage' par 'filtrage' dans l'article annonçant cette nouvelle fonctionnalité", précise le site internet. "Il est fort probable que cette petite bombe lâchée discrètement fasse en fait partie d'une négociation en cours entre Free et Google", analysent de leur côté Les Echos.
Car l'opérateur et le moteur de recherche tentent actuellement de trouver un accord sur leur interconnexion, soit les tuyaux qui relient le réseau de l'un aux services de l'autre. Ces tuyaux sont engorgés, car de plus en plus de monde se connecte sur YouTube – racheté en 2006 par Google –, ce qui empêche les vidéos de se charger rapidement et les internautes de les regarder avec une bonne qualité de connexion. Pour résoudre le problème, il faudrait augmenter la taille des tuyaux. Techniquement, c'est simple à faire, mais cela coûte de l'argent, comme l'explique le blogueur Korben. Et les fournisseurs d'accès à internet (FAI) comme Free refusent de payer. Ils font pression sur Google pour qu'il prenne en charge cette dépense.
"Il faudra néanmoins attendre d'avoir plus d'éléments afin de pouvoir affirmer [qu'il s'agit bien d'une bataille entre Free et Google], et surtout attendre une réaction officielle du fournisseur d'accès afin d'en savoir plus", nuance de son côté le site spécialisé PCINpact. Toutefois, un assistant parlementaire de droite, blogueur sous le pseudonyme d'Autheuil, estime que "pour créer des difficultés de chargement de vidéos YouTube, sans que cela affecte les vidéos Dailymotion, Free ne pouvait faire autre chose que du filtrage".
"Un problème démocratique"
Le blocage des publicités est en version beta (en test). Mais si Free installait durablement une version efficace, il priverait de revenus de nombreux sites internet, notamment les gratuits, qui vivent des annonceurs. "Un monde sans pub ! L'idée paraît séduisante… mais elle pose problème. L'accès à l'information sur les médias est, sauf exception, gratuit. Or rien n'est jamais gratuit. C'est la publicité, plus ou moins bien intégrée, qui la finance. Retirez la publicité (…) et vous mettez dans l'instant en péril tous les médias gratuits", arguent ainsi Les Numériques.com.
C'est pourquoi, pour le site spécialisé Numerama.com, cette initiative pose "un problème démocratique". "Free montre le pouvoir extraordinaire des fournisseurs d'accès à internet sur l'information, qui peuvent décider d'altérer le contenu d'un site internet", indique le magazine en ligne. Il explique ainsi que Free "pourra décider demain de bloquer l'accès aux sites pornographiques, aux sites qui proposent des jeux vidéo violents, aux sites 'terroristes', aux sites e-commerce étrangers qui ne respecteraient pas la législation française, aux sites qu'il considère diffamatoires, etc."
Une remise en cause de la neutralité du web
"Xavier Niel semble (…) basculer sur le mode de fonctionnement d'Apple, en circuit fermé, où c'est lui et lui seul qui aura accès à l'internaute et à ses coordonnées bancaires, le seul à pouvoir le faire payer. (…) Pour moi, ça va bien au-delà d'une simple affaire de différend commercial avec Google, qui n'est que le paravent, le prétexte qui permettra de revenir en arrière si jamais un vent de refus se lève", poursuit le blogueur Autheuil.
"Free ne respecte pas le principe de base de la neutralité du net, à savoir traiter indifféremment les données, quelles que soient leur nature ou leur origine. (…) Free choisit donc la nature des fichiers qu’il veut transmettre (ou non) à ses abonnés. Et c'est cela qui pose problème", estime pour sa part le blog du Modérateur.
Pour Numerama, cela ne doit pas rester un problème, mais au contraire, constituer une opportunité. "La décision de Free montre à quel point la nécessité d'une régulation stricte des fournisseurs d'accès est primordiale, pour faire respecter la neutralité du réseau et rejeter toute intrusion du FAI dans le contenu affiché. En cela, Free rend un grand service à Internet, à condition que les pouvoirs publics prennent toute l'ampleur du problème", estime le site. Justement, la ministre déléguée à l'Economie numérique, Fleur Pellerin, a réagi sur son compte Twitter jeudi soir.
Peu fan de la pub intrusive, mais favorable à une solution du type no opt out par défaut. A discuter avec les éditeurs et Free #FreeAdGate
— Fleur Pellerin (@fleurpellerin) January 3, 2013
Fleur Pellerin a également annoncé qu'elle recevrait le plus tôt possible les éditeurs et Free pour rechercher une solution. Selon son entourage, la rencontre doit avoir lieu lundi.
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