Hollande, Royal, Villepin… Le fabuleux destin de la "promo Voltaire" de l'ENA
Sortie en 1980 de la prestigieuse école d'administration, la "promotion Voltaire" forme encore aujourd'hui un puissant cercle d'amis qui est aux avant-postes du pouvoir. Revue de détail de ce club très fermé.
L'Ecole nationale d'administration (ENA) est une école de champions. Fondée en 1945 par le général de Gaulle, elle est destinée à former l'élite de la fonction publique et a fourni trois présidents de la République (Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac et François Hollande) et sept Premiers ministres (Jacques Chirac, Laurent Fabius, Michel Rocard, Edouard Balladur, Alain Juppé, Lionel Jospin et Dominique de Villepin). Mais aussi pléthore de hauts fonctionnaires nationaux et internationaux, ainsi que des grands patrons.
Une promotion de l'ENA attire particulièrement l'attention, celle de François Hollande. Diplômée en 1980, elle est connue comme la "promo Voltaire" et a fourni nombre de ministres, golden boys, hauts fonctionnaires… Zoom sur cette promo qui pèsera lourd dans le nouveau quinquennat.
• Ceux qui sont dans la lumière
La "promo Voltaire", c'est d'abord un couple : Ségolène Royal et François Hollande. C'est à l'ENA qu'ils se rencontrent. Mais le président de la République investi mardi 15 mai tisse aussi de solides amitiés sur les bancs de la prestigieuse école. Des amis qui fondent le premier cercle politique de François Hollande : Michel Sapin (ancien ministre de l'Economie, en charge du projet présidentiel du candidat socialiste) et Jean-Pierre Jouyet, ancien secrétaire d'Etat aux Affaires européennes de Nicolas Sarkozy et actuel président de l'Autorité des marchés financiers. Ce dernier reste pourtant l'ami du nouveau président de la République et continue de le conseiller.
A droite, parmi les 156 élèves de la "promo Voltaire", on retrouve l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin et Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre de la Culture, issu du corps préfectoral. On peut aussi citer Henri de Castries, président du groupe Axa.
• Ceux qui sont dans l'ombre
La "promo Voltaire" rassemble aussi de nombreuses personnalités qui s'agitent dans les coulisses de la vie publique et occupent les postes les plus importants dans l'administration. Le tout nouveau secrétaire général de l'Elysée, nommé par François Hollande mardi, Pierre-René Lemas, haut fonctionnaire, ancien directeur de cabinet de Jean-Pierre Bel au Sénat. Sylvie Hubac, conseillère d'Etat, également nommée mardi, au poste de directrice de cabinet de François Hollande à l'Elysée. Jean-Maurice Ripert, Pierre Duquesne, Brigitte Joseph-Jeanneney et Patrick Delage ont pour point commun d'avoir travaillé au cabinet d'un Premier ministre. Jean-Ludovic Silicani est aujourd'hui président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Jean Gaeremynck est quant à lui président du conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, après avoir été directeur de cabinet de Pierre Méhaignerie au ministère de la Justice.
D'autres occupent ou ont occupé des postes clés dans les grandes entreprises françaises : Nicolas Duhamel, directeur général des Finances et membre du directoire du groupe Banques Populaires-Caisses d'Epargne ; Bernard Cottin, ex-patron de Numericable et de Piasa, une maison de vente aux enchères ; Jean-Jacques Augier, ex-PDG des taxis G7 et du loueur Ada.
• Droite ou gauche, un réseau qui s'entraide
Plus qu'une asso d'anciens élèves, la "promo Voltaire" est un réseau organisé d'entraide. L'élection présidentielle de 2012 l'a une nouvelle fois prouvé. Trente-deux ans après s'être quittés, ces énarques, de gauche comme de droite, ont apporté un soutien sans faille à François Hollande.
C'est l'avocat Dominique Villemot qui anime le club Répondre à gauche (destiné à faire la promotion du candidat socialiste) avec un autre ancien de la promo, Jean-Marie Cambacérès, ex-député socialiste, explique L'Express.fr. De nombreux anciens de la "promo Voltaire" se sont investis dans la campagne, des fidèles de toujours (Jean-Maurice Ripert, Bernard Cottin, Jean-Pierre Jouyet...), mais pas seulement.
Ainsi, le patron d'Axa, Henri de Castries, proche de Nicolas Sarkozy, a versé 7 500 euros à titre privé - le maximum légal - pour financer la campagne de François Hollande, relate Le Parisien (article payant). "Mais c'était plus pour éviter que Martine Aubry l'emporte que par adhésion au programme de Hollande", assure son entourage au Monde. Dominique de Villepin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac, s'est montré "convaincu [que Hollande] a l'étoffe" pour être chef de l'Etat : "Il est préparé. C'est quelqu'un qui a concentré sa vie sur cet objectif."
Une synthèse d'énarques de droite et de gauche autour de François Hollande qui s'explique par "l'intérêt général", explique au Parisien François Miquel, haut fonctionnaire classé à droite. "Le rassemblement de la promotion s'est opéré afin que l'on retrouve le rôle central de l'Etat. On a besoin de ce type de leader plutôt que de quelqu'un qui part tout seul à l'assaut du pont d'Arcole", ajoute-t-il.
• Une promo devenue un mythe
La "promo Voltaire", une génération qui est aux avant-postes depuis les années 80 et qui parvient à s'y maintenir. Quel est le secret de ces anciens camarades ? Voici ce qu'expliquait François Hollande à L'Express en 1998 : "On se voit toujours beaucoup, on passe des vacances ensemble, des réveillons. Nos enfants se connaissent. Est-ce que cela a aidé nos carrières ? C'est surtout un lien amical qui nous a permis de rester forts quand cela allait moins bien." Résultat, le réseau est efficace et structuré, les amis se confondent avec les cercles politiques. Pas besoin de réunions formelles, des dîners amicaux, des anniversaires, des coups de téléphone, des e-mails suffisent, raconte encore L'Express.
L'histoire de cette promotion de l'ENA est donc devenue une saga. Elle a même été adaptée en un téléfilm en deux parties. L'Ecole du pouvoir, réalisé en 2009 par Raoul Peck, raconte l'aventure de trois jeunes énarques partant à l'assaut des sommets de l'Etat et de la politique, mélangeant fiction et réalité. Les noms ont été modifiés, mais on y reconnaît François Hollande, incarné par Matt, un "formidable orateur", "ambitieux par essence" qui se mettra en couple avec Caroline ; "il en fait toujours trop, mais ça marche", décrit Arte. On reconnaît aussi Ségolène Royal en Caroline, "tenace, obstinée, opportuniste, pragmatique", qui refuse d'épouser son compagnon pour "garder son autonomie". Dominique de Villepin, lui, apparaît sous les traits de Louis de Cigy, don juan issu de l'aristocratie.
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