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Comment l'incontournable jeu "Pokémon Go" a-t-il vu le jour?

Une franchise japonaise dépoussiérée, une technologie de pointe, pas mal de hasard et un peu d'humour : francetv info vous raconte la genèse de l'application pour smartphone devenue, en quelques semaines, un phénomène de société. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des joueurs cherchent des Pokémon, à Hanovre (Allemagne), le 13 juillet 2016. (SEBASTIAN GOLLNOW / DPA / AFP)

C'est le phénomène de l'été. Moins d'un mois après son lancement (et alors qu'elle n'est pas encore disponible dans tous les pays), l'application Pokémon Go a déjà été téléchargée plus de 100 millions de fois, et bat tous les records (y compris celui du nombre de non-joueurs exaspérés par le phénomène !). 

Pokémon Go permet aux joueurs, géolocalisés par GPS, de "chasser" des créatures cachées dans les parages, lesquelles apparaissent sur l'écran du smartphone, au beau milieu de l'environnement "normal". Une idée simple mais brillante, qui n'est pas tombée du ciel. Francetv info revient sur la genèse de cette application incontournable, rencontre du rêve d'un génie du jeu vidéo japonais et d'un entrepreneur américain visionnaire.

A la technique : un mordu de jeux vidéo, également papa de Google Earth

Si vous ne supportez plus de voir des hordes de jeunes gens arpenter les rues, l'air conquérant et le smartphone en main, adressez-vous à John Hanke. Cet Américain de 49 ans à la mèche chaloupée a tranquillement posé les bases de Pokémon Go dès 2001.

A l'époque, ce passionné de jeux vidéo a déjà travaillé dans la politique étrangère pour le compte du gouvernement américain, développé Meridian 59, le premier jeu de rôle en ligne massivement multijoueur – MMORPG – en 3D et décroché le diplôme d'une prestigieuse école de commerce californienne. Cette année-là, il est PDG de la société Keyhole, qui bénéficie largement des financements d'In-Q-Tel, un fonds d'investissement appartenant à la CIA. Et pour cause, ce sur quoi planche Keyhole intéresse quiconque souhaite observer, voire espionner : un logiciel de cartographie virtuelle à partir d'images satellite. 

John Hanke, patron de Niantic, la start-up à l'origine du jeu "Pokémon Go", le 15 juillet 2016, à Tokyo, au Japon.  (TORU HANAI / REUTERS)

Quand, en 2003, en pleine offensive américaine en Irak, la chaîne d'info CNN utilise une technologie développée par John Hanke et ses équipes pour donner l'impression aux téléspectateurs de survoler les zones de combat, la prouesse épate jusque dans les bureaux de Google. Rachetée par la firme en 2004, la start-up accouche l'année suivante du révolutionnaire Google Earth. Si le premier iPhone mis sur le marché par Apple en 2007 est équipé de Google Maps, c'est aussi un peu (beaucoup) grâce à John Hanke, relève encore Forbes. En 2010, il monte enfin Niantic, une nouvelle start-up, cette fois au sein de Google, grâce à laquelle il entend croiser ses savoir-faire : le jeu vidéo et la cartographie transposée dans un monde mobile. 

Grand frère de Pokémon Go, le jeu Ingress voit le jour en 2012. Sa spécificité : il utilise la réalité augmentée pour mettre les joueurs dehors, à l'air libre. Les quelque 10 millions d'adeptes sont invités à parcourir les rues du monde entier afin de découvrir des "portails" virtuels cachés dans notre réalité. "Je voulais construire des applications qui renforcent l'implication des gens dans leur ville ou dans les communautés, expliquait John Hanke lors d'une conférence de 2014. Encourager les gens à se rencontrer, dans le monde réel." Selon le site Polygon, les similitudes sont telles entre les deux jeux que certains de ces portails ont été convertis en "Poké-stop" (des endroits où les chasseurs de Pokémon peuvent acquérir des objets dans Pokémon Go). 

Pour l'esprit et la marque : un monument de la culture pop en quête de mutation numérique

Parmi les fans d'Ingress figure un joueur aux connexions précieuses : Tsunekazu Ishihara, le PDG de The Pokémon Company. La firme gère l'empire créé en 1995 par le très discret –"un reclus" pour The Telegraph créateur de jeux vidéo japonais Satoshi Tajiri. A l'époque, son jeu, développé pour la console portative de Nintendo, la Game Boy, son concept et sa galerie de créatures imaginaires fascinent dans les cours de récré du monde entier. Dessins animés, cartes, jeux... L'univers de Tajiri marque profondément les enfants des années 1990-2000. Lui qui s'amusait à capturer les insectes étant petit, dans sa banlieue tokyoïte, a rêvé d'un jeu qui permette de stimuler cette curiosité. Une démarche de mi-collectionneur, mi-aventurier encore absente des smartphones, pourtant vissés à la main de cette génération de fans. 

En 2014, The Pokémon Company et Nintendo s'associent avec Google pour monter un coup ou, plutôt, une blague à l'allure prophétique : une fausse annonce pour le recrutement de chasseurs de Pokémon est diffusée en ligne à l'occasion du 1er avril. "Les postulants doivent explorer toutes sortes de terrains, équipés de Google Maps, sur leur smartphone, afin de trouver tous les Pokémon sauvages", prévient la voix off.

Chez Niantic, encore filiale de Google à l'époque, John Hanke voit le potentiel d'une telle application. Il rencontre alors Tsunekazu Ishihara pour évoquer la possibilité de la développer en s'appuyant sur les travaux déjà réalisés pour Ingress. "A ce moment-là, leurs visions étaient très proches l'une de l'autre", se souvient un responsable de Niantic au Japon, cité par Nintendo Everything (en anglais). "La discussion a débouché sur : 'Il faut que nous fassions quelque chose ensemble à l'avenir", poursuit-il. Ce sera Pokémon Go.

Lorsque Google réorganise ses activités au sein du conglomérat Alphabet, en août 2015, Niantic prend son indépendance. En octobre, la société reçoit 20 millions de dollars de financement en provenance de la Pokémon Company, de Nintendo et de Google, relève Le Figaro. Enfin, six mois avant le lancement du jeu, la firme japonaise se paye une bande-annonce de luxe, à l'occasion du Super Bowl et des 20 ans de Pikachu et consorts. Un ultime coup de promo avant de lâcher ses petits monstres à la surface du globe. Pour une invasion à durée indéterminée ?

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