Cet article date de plus de six ans.

Détournement de données Facebook :"On n'a pas besoin de fake news" pour influencer un vote, estime un expert

Fabrice Epelboin, enseignant à Sciences Po, a expliqué, mardi sur franceinfo, que ceux "qui ont les moyens d’assembler et de faire sens de ces données personnelles", comme Cambridge Genetica, sont en mesure de nous influencer.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Mise en cause, la petite entreprise britannique Cambridge Analytica rejette toute accusation de détournement de données personnelles. (Photo d'illustration) (ROSLAN RAHMAN / AFP)

Facebook s'est retrouvé, lundi 19 mars, au centre d'une polémique autour de l'utilisation des données personnelles de près de 50 millions d'utilisateurs par une société liée à la campagne de Donald Trump. Mise en cause, la petite entreprise britannique Cambridge Analytica rejette toute accusation de détournement de données personnelles. Fabrice Epelboin, enseignant à Sciences Po, co-fondateur de Yogosha, une start-up spécialisée dans le domaine de la cyber-sécurité, explique, mardi 20 mars sur franceinfo, qu’avec certaines techniques, "on n’a pas besoin de fake news".

franceinfo : Peut-on imaginer que Facebook se soit fait voler des données à son insu ?

Fabrice Epelboin Cette affaire est connue depuis près d’un an. Elle a fait l’objet d’une investigation très fouillée dans The Guardian en mai 2017. Facebook était au courant. Il ne s’agit pas de données dérobées, mais d’un libre accès donné par Facebook à une quantité invraisemblable de partenaires et, aujourd’hui, on voit les conséquences d’une dissémination très hasardeuse des données personnelles sur nos démocraties.

Lesquelles ?

Les gens qui ont les moyens d’assembler et de faire sens de ces données personnelles, comme Cambridge Genetica, sont en mesure de nous influencer au-delà de tout ce que nous avions pensé imaginable, à l’ère où pour influencer le public on avait les médias traditionnels qui diffusaient un message en masse. Là, on va diffuser des messages personnalisés en fonction de la psychologie de chacun. Et, on n’a même pas besoin de diffuser des fake news, on peut tout simplement diffuser "la" bonne information à "la" bonne personne pour la faire changer d’avis.

Comment les contenus ciblés peuvent-ils influencer le vote de quelqu’un ?

Je vais par exemple déterminer qu’une personne est plutôt démocrate et donc encline à voter Hilary Clinton, mais qu’elle est très à cheval sur des valeurs. Je vais lui acheminer une information comme le fait qu'Hillary Clinton a touché pour son anniversaire un million de dollars d’une puissance étrangère, qui s’est ainsi insérée dans la politique américaine. Ce qui est une vraie news [information], totalement validée. Et je vais décourager cette personne et la pousser vers l’abstentionnisme. Je vais faire de même en envoyant à une autre personne, que j’ai identifiée comme ayant des valeurs, elle aussi à gauche, et ayant voté Bernie Sanders. Je vais lui envoyer la news qui montre à quel point Hillary Clinton a triché dans les primaires de façon, elle aussi, à la décourager, et l’amener à s’abstenir. Ce qu’on voit avec Cambridge Analytica, c’est que pour orienter une élection avec les technologies modernes et les réseaux sociaux, on n’a pas besoin de fake news et on n'a pas besoin des fameux "botnet" [réseau de programmes connectés]. On n’a pas besoin de diffuser des messages massivement.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.