Facebook et WhatsApp vont-ils devenir payants "si vous ne partagez pas ce message à 10 de vos contacts" ?
Cette intox circule sur les réseaux sociaux depuis des années. Elle est évidemment fausse. Le réseau social et son service de messagerie sont gratuits (mais pas sans contrepartie). C'est même la base de leur modèle économique.
"Samedi matin, Facebook va devenir payant." L'utilisation du réseau social "coûtera 0,01 $ par message", sauf si vous partagez ce message d'avertissement à 10, 15 ou 30 amis. Auquel cas, "on constatera que vous êtes un utilisateur assidu", alors "le logo deviendra bleu" et Facebook "restera gratuit". La même mise en garde circule pour WhatsApp, l'application de messagerie appartenant à Facebook. Alors, vrai ou "fake" ?
— Adrien Havet (@adhavet) January 14, 2020
Tiens, pour ta collec' pic.twitter.com/AsvQR0TOlH
— Geoff à la coque (@geoffreycaptain) January 14, 2020
Ce type de texte (fautes d'orthographe comprises) réapparaît régulièrement sur les réseaux sociaux, depuis une dizaine d'années. Il s'agit d'une vieille intox, dont franceinfo a déjà parlé en 2016 et en 2015. Facebook assure dans une foire aux questions que son réseau est "accessible à tous gratuitement" et, qu'une fois inscrit, l'"utilisation" est également "gratuite". De même, WhatsApp a rédigé un post sur son blog pour démentir ce "canular". "Sachez que c'est une rumeur et que rien n'est vrai", écrit le service de messagerie, qui ajoute : "Nous préférerions travailler sur de cools nouvelles fonctionnalités, au lieu d'avoir à réfuter des histoires absurdes comme celles-ci." Ce texte date de 2012, mais il est toujours d'actualité.
Une intox vieille comme internet (ou presque)
Comme le rappelle le site spécialisé dans la chasse aux intox Hoax-Slayer (en anglais), le message visant WhatsApp recycle celui ciblant Facebook. Lui-même était adapté d'un canular plus ancien, destiné aux utilisateurs de la messagerie MSN et apparu en 2006. Ce dernier recyclait déjà un texte écrit pour les usagers du service Hotmail, viral depuis au moins 2003.
Si cet avertissement sur le futur caractère payant de Facebook est faux, la mention de la gratuité du réseau social a toutefois disparu de sa page de connexion, en août 2019, comme le signalait Tom's Guide. Le slogan "c'est rapide et facile" a succédé au "c'est gratuit et ça le restera", présent depuis plus d'une décennie. Cette disparition a contribué à alimenter bien des spéculations.
"Il y aura toujours une version de Facebook qui sera gratuite"
Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, n'a-t-il pas reconnu à demi-mot, en avril 201, que son entreprise envisageait de faire payer ses abonnés pour certains services, par exemple une navigation sans publicité ? "Il y aura toujours une version de Facebook qui sera gratuite", avait ainsi déclaré le patron du géant américain, cité par CNBC (en anglais), alors interrogé par les sénateurs américains dans le cadre de l'enquête sur le scandale Cambridge Analytica, l'entreprise britannique qui a utilisé à des fins politiques les données personnelles de millions d'utilisateurs du réseau social.
"Pour être clair, nous n'offrons pas aujourd'hui une option permettant aux utilisateurs de payer pour ne pas diffuser d'annonces, avait-il développé. Nous pensons qu'offrir aux gens un service financé par la publicité est le plus conforme à notre mission d'essayer de connecter tout le monde dans le monde, car nous voulons offrir un service gratuit. C'est la seule façon d'atteindre des milliards de personnes."
"Si c'est gratuit, c'est vous le produit"
A l'heure actuelle, "pour financer la plate-forme, nous demandons aux annonceurs de payer pour diffuser leurs publicités", explique laconiquement Facebook sur son site. En clair, l'entreprise monétise son audience planétaire. "C'est presque un cliché de dire que vous êtes le produit, mais tout le monde se rend compte maintenant que Facebook vous suit et vous envoie des publicités. Ce n'est pas un service public", souligne Mark Bartholomew, professeur de droit à l'université de Buffalo, interrogé par USA Today (en anglais). "Facebook n'est pas gratuit et ne l'a jamais été : la monnaie de Facebook reste les données personnelles des utilisateurs (...) Ces données valent beaucoup d'argent", confirme l'avocat Jose Antonio Castillo, expert en droit numérique interrogé par Business Insider (en anglais).
L'informaticien Laurent Chemla, membre de l'association La Quadrature du net, précise : "Vous acceptez l'utilisation de vos données personnelles, vous acceptez des contrats d'utilisation léonins qui font de vous une main d'œuvre sans droit ni titre, vous acceptez d'être pistés, tracés, traqués pour que le client final (généralement une régie publicitaire) sache tout de vous pour mieux vous cibler."
Ce n'est pas forcément vous qui payez, en tout cas pas consciemment, mais votre utilisation du service n'est pas sans contrepartie.
Laurent Chemla, informaticienLa Quadrature du Net
"Rien de tout ça n'est gratuit, ajoute-t-il, et à la fin, c'est toujours le consommateur (donc vous, et ce d'autant plus que vous êtes bien ciblé) qui paie la publicité. Il est sans doute utile de le rappeler." L'adage "si c'est gratuit, c'est vous le produit" s'applique parfaitement au modèle économique des réseaux sociaux.
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