Taxe Gafa : "L'interdiction de la rétroactivité d'une loi est dans la Constitution américaine, c'est une corde sensible"
Les grandes entreprises du numérique ont "déjà promis de répliquer" contre cette taxation, selon Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l'Université Paris 2 Panthéon-Assas.
"Les Gafa reprochent à cette loi d'être rétroactive", a observé mardi 20 août sur franceinfo Jean-Éric Branaa, spécialiste des États-Unis et maître de conférences à l'Université Paris 2 Panthéon-Assas. Les représentants d'Amazon, de Facebook, de Google et d'autres leaders de l'internet jugent "discriminatoire" la taxe dite "taxe Gafa".
Entrée en vigueur en juillet, cette taxe numérique crée un impôt sur le chiffre d'affaires réalisé par ces grandes entreprises dans l'Hexagone, alors qu'elles sont pour la plupart basées aux États-Unis. "L'interdiction de lois ex post facto, c'est-à-dire rétroactives, est inscrite dans la Constitution américaine, a ajouté Jean-Éric Branaa. C'est une corde sensible sur laquelle les Gafa peuvent jouer comme sur du velours."
franceinfo : Comment faut-il interpréter ce coup de colère des Gafa ?
Jean-Éric Branaa : Pour les Gafa, il y a une ingérence de la part de la France. C'est la France qui est visée, même si avec le G7, Bruno Le Maire, qui est à l'initiative de cette taxe, essaie d'élargir très rapidement pour essayer d'aboutir à une taxation efficace et juste de ces géants du numérique au niveau de la planète.
Les Gafa ont en jeu d'énormes bénéfices et ils se défendent bec et ongles puisque chaque centime compte dans ce monde-là. Ils ont déjà promis de répliquer, d'abord en répercutant les hausses sur leurs clients ou sur leurs partenaires. À la fin, c'est le consommateur qui va payer cette taxe.
La loi est déjà entrée en vigueur en France, alors pourquoi les Gafa continuent-ils de la contester ?
Bruno Le Maire a expliqué que c'était temporaire et qu'il cherchait un consensus international. Les Américains ont répliqué immédiatement en ouvrant une enquête, sous un article de la loi du commerce américain qu'on appelle Section 301. Ils essaient de vérifier quels sont les effets de cette taxe et si les échanges entre nos deux pays rapportent aux uns et aux autres.
On voit très bien qu'il y a des hiatus, notamment le vin français dont on parle beaucoup. Donald Trump s'est engouffré dans cette brèche en expliquant qu'il y avait une distorsion, les Américains étant plus taxés que les Français, et qu'il pourrait bien corriger très rapidement cette chose-là, puisqu'il a parlé de taxer le vin français à 100%.
De quelle marge de manœuvre les Américains disposent-ils, au-delà du vin français, en termes de représailles ?
Il faut savoir que les Français ont un commerce assez équilibré avec les Américains, mais c'est quand même plutôt favorable à la France. Donc les Américains peuvent très bien lancer une guerre tous azimuts contre notre pays, plus globalement contre les Européens, ce que personne ne voudrait. Il faudrait aussi qu'il y ait une unité des Européens qui est loin d'être gagnée. Ce qui fait que Donald Trump va certainement venir dans ce G7 en conquérant et en essayant de se battre pied à pied contre cette nouvelle loi.
Les Gafa reprochent aussi à cette loi d'être rétroactive [toute l'année 2019 pourrait être prise en compte]. C'est quand même une rupture des traditions dans le droit, dans le commerce et dans les usages. C'est une notion qui est très sensible car l'interdiction de lois ex post facto, c'est-à-dire rétroactives, est même inscrite dans la Constitution américaine. C'est une corde sensible sur laquelle les Gafa peuvent jouer comme sur du velours.
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