Info franceinfo Le réseau social TikTok assigné en justice par sept familles en France

Réunies en collectif, sept familles assignent TikTok devant le tribunal judiciaire de Créteil. Ces parents reprochent au réseau social et à son algorithme d'avoir exposé leurs enfants à des contenus qui les ont mis en danger.
Article rédigé par David Di Giacomo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
L'application TikTok, l'une des plus utilisées par les adolescents, assignée en justice par sept familles françaises le 4 novembre 2024 (HELENA DOLDERER / DPA)

Sept familles françaises contre l'un des réseaux sociaux les plus puissants du monde : le collectif Algos Victima, au sein duquel elles se sont regroupées, accuse TikTok d'exposer les enfants à de nombreuses vidéos faisant la promotion du suicide, de l'automutilation ou encore des troubles alimentaires. Leur avocate, Laure Boutron-Marmion, assigne le réseau social chinois lundi 4 novembre devant la justice.

Il s’agit d’une première en Europe selon le collectif Algos Victima. L’objectif est de faire reconnaître la responsabilité du réseau social dans la dégradation de l’état de santé mentale et physique de ces enfants. Il s’agit de sept adolescentes. Deux d’entre elles ont mis fin à leurs jours alors qu’elles avaient 15 ans. Les parents de l'une d'entre elles, Marie, ont d’ailleurs déposé plainte l’an dernier au pénal. 

Quatre des sept adolescentes ont tenté de mettre fin à leurs jours, et une dernière a quant à elle connu des problèmes d’anorexie.

Plus d'1,2 milliard d'utilisateurs dans le monde

Si elles engagent cette procédure civile devant le tribunal judiciaire de Créteil, c’est dans l’espoir que la justice reconnaisse que TikTok a commis une faute, en laissant circuler de tels contenus sur sa plateforme. Ils veulent aussi que le réseau social régule mieux les vidéos, pour que les mineurs ne soient plus abreuvés, quand ils vont mal, de contenus pouvant faire l’apologie du suicide.

Il est indiqué dans la charte de la plateforme, utilisée par plus de 21 millions d’utilisateurs en France (et plus d’1,2 milliard dans le monde), que le réseau s’engage à "proposer un environnement sûr et bienveillant" ou encore "Nous nous engageons à fournir aux adolescents et aux familles des outils et des ressources pour aider chacun dans son parcours de bien-être numérique." Et enfin, "TikTok est une application mobile de vidéos au format court. C’est un espace pour les contenus divertissants et positifs."

Pourtant, les familles expliquent toutes la même chose : leurs enfants, après avoir regardé des contenus liés à l’image de soi, ou encore à l’alimentation, se sont très vite retrouvés avec de nombreux contenus violents, certains faisant la promotion de l’automutilation, du suicide ou encore des troubles alimentaires.

Sollicité par franceinfo, TikTok affirme n'avoir "reçu aucune notification à cette procédure judiciaire". "Chez TikTok, protéger notre communauté, et tout particulièrement les plus jeunes, est une responsabilité que nous prenons avec le plus grand des sérieux", est-il écrit dans un communiqué. Le réseau social affirme avoir "plus de 40 000 experts en confiance et sécurité dans le monde entier" qui "assurent la sécurité et la protection des utilisateurs et de leurs données, dont plus de 6 000 axés sur l'Europe, 637 traitants du contenu en langue française, soit bien plus que d'autres plateformes comparables".

L'engrenage de l'algorithme

Delphine, mère de Charlize, explique que sa fille, victime de harcèlement, s’est réfugiée sur TikTok. La jeune fille en est devenue dépendante et a cherché des contenus liés à son mal-être, ce qui l'a entraînée dans un engrenage.

"L'algorithme a capté le style de ses recherches, et lui a proposé d’autres contenus, qui ont été de pire en pire, sur la dépression, ou encore les scarifications. TikTok a amplifié son malaise, à force de l’abreuver de contenus que les ados de son âge ne devraient jamais voir." 

Delphine, mère de Charlize

à franceinfo

Jérémy, le père de Charlize, confirme : "Tiktok, l’image que j’en avais, c’était des vidéos de danse, ou des tutos de maquillage, mais à aucun moment je me suis dit qu’il allait y avoir des vidéos qui allaient expliquer comment démonter une lame sur un taille-crayon pour se faire des scarifications. Ça me paraissait inconcevable."

Ces sept familles, représentées par leur avocate Laure Boutron-Marmion, estiment que TikTok a commis une faute grave : ne pas avoir modéré des contenus en lien avec le suicide, l’automutilation et les troubles alimentaires. Elles reprochent aussi à la plateforme une négligence, pour ne pas avoir mis en place un système de modération empêchant les mineurs d’être confrontés à ce type de contenus. Ces parents ne comprennent pas non plus pourquoi TikTok n’avertit pas les utilisateurs sur le caractère addictif de son application. Les adolescentes sont tombées, selon leurs familles, dans l’engrenage de l’application et de son puissant algorithme.

Ces vidéos ont alimenté leur mal-être, ajoutent-elles, et ont entraîné la dégradation de leur état de santé mentale et physique, avec le suicide de deux d’entre elles.

Si vous avez besoin d'aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d'un membre de votre entourage, il existe des services d'écoute anonymes. La ligne Suicide écoute est joignable 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère de la Santé.

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