Réseaux sociaux : trois questions sur "la majorité numérique" à 15 ans, qui instaure un accord parental obligatoire
Un climat de concorde devenu rare au Palais-Bourbon. La proposition du patron des députés Horizons, Laurent Marcangeli, pour instaurer une majorité numérique a été adoptée, jeudi 2 mars, à une quasi-unanimité (82 voix contre 2) en première lecture. L'Assemblée nationale a ainsi voté l'obligation pour les réseaux sociaux comme TikTok ou Snapchat de vérifier l'accord des parents pour l'inscription des moins de 15 ans. La proposition de loi doit désormais être examinée au Sénat. Franceinfo se penche sur cette nouvelle règle qui vise à mieux encadrer les usages numériques des enfants.
Introduire une majorité numérique, est-ce nouveau ?
La "majorité numérique" à 15 ans à laquelle se réfère le texte n'est pas nouvelle : elle a été introduite en France en 2018 en application d'une législation européenne, qui laissait la possibilité de la fixer entre 13 et 16 ans.
Mais ce seuil concerne plus largement l'âge en dessous duquel un accord parental est requis pour que les données personnelles d'un mineur soient traitées. La mise en place de cet accord parental n'a pas eu d'impact sur le contrôle de l'accès des enfants aux réseaux sociaux et était, à l'époque, largement questionné. "Il y a plein de questions sur la faisabilité, qui remettent en cause cette mesure", avait réagi, en 2018 sur franceinfo, Justine Atlan, directrice de l'association e-Enfance. "Comment vérifie-t-on l’âge de l’enfant ?", s'interrogeait cette dernière, avant de souligner le cas où l'enfant voudrait "mentir sur son âge pour ne pas avoir besoin de l'accord de ses parents".
Que dit le texte voté par l'Assemblée nationale ?
Pour que cette interdiction aux moins de 15 ans soit réellement applicable et contrôlable, le texte voté par les députés instaure une obligation pour les réseaux sociaux "de mettre en place une solution technique de vérification de l'âge des utilisateurs finaux et du consentement des titulaires de l'autorité parentale" pour les moins de 15 ans, qui devra être certifiée par les autorités. En cas de manquement, une sanction est prévue, avec une amende qui pourra aller jusqu'à 1% du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise.
Le texte, débattu dans le cadre d'une journée réservée au groupe Horizons, donne aussi la possibilité aux parents de demander la suspension du compte d'un enfant de moins de 15 ans. Un amendement du groupe Renaissance a par ailleurs ajouté une contrainte, en prévoyant que les parents ne puissent pas donner leur accord pour les moins de 13 ans, sauf pour des "plateformes labellisées". "La labellisation sera délivrée dans des conditions définies en Conseil d’Etat et devra tenir compte de l’intérêt particulier que présente la plateforme pour les mineurs sur le plan éducatif, culturel, pédagogique notamment", précise l'amendement voté.
Comment les députés justifient-ils la mise en place de cette "majorité numérique" ?
Rejetant tout "discours moralisateur", Laurent Marcangeli a défendu des "garde-fous indispensables" à poser face à "la précocité croissante de la puberté numérique et de la puissance des outils mis à disposition de nos jeunes". "Il s'agit pour chacun – parents, entreprises, jeunes – de prendre ses responsabilités" face à l'amplification des pratiques numériques des enfants, a fait valoir l'ancien maire d'Ajaccio (Corse-du-Sud).
Les parlementaires se sont également appuyés sur les données prouvant, selon eux, l'urgence à agir. Sur les réseaux sociaux, la première inscription intervient ainsi "en moyenne vers 8 ans et demi, et plus de la moitié des 10-14 ans y sont présents", selon des chiffres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), cités par les députés.
La secrétaire d'Etat chargée de l'Enfance a salué "une réussite collective (...) dans la lignée de nos engagements en faveur de la protection des enfants sur internet". Charlotte Caubel a notamment rappelé que le gouvernement, qui veut tester ces prochaines semaines une solution de vérification d'âge bloquant l'accès des mineurs aux sites pornographiques, a lancé en février une campagne "pour sensibiliser les parents et pour populariser le site jeprotegemonenfant.gouv.fr".
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