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Info franceinfo Près de huit Français sur 10 croient à au moins une "théorie du complot", selon une étude

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La Fondation Jean-Jaurès et Conspiracy Watch dévoilent, le 8 janvier 2018, une étude sur les théories du complot, réalisée avec l'Ifop. (HÉLÈNE DESPLECHIN / GETTY IMAGES)

Une enquête de la Fondation Jean-Jaurès et de Conspiracy Watch, en lien avec l'Ifop et relayée par franceinfo, dévoile pour la première fois les croyances des Français en matière de "fake news". 

Le sujet est au cœur de l'actualité politique du moment. Moins d'une semaine après qu'Emmanuel Macron a annoncé son intention de légiférer contre les "fake news" en période électorale, une étude inédite vient éclairer la sensibilité des Français à propos de ces fausses nouvelles ou rumeurs. Selon cette enquête de la Fondation Jean-Jaurès et du site Conspiracy Watch, "l'Observatoire du conspirationnisme", en lien avec l'Ifop et dévoilée par franceinfo, dimanche 7 janvier, 79% des Français croient à au moins une "théorie complotiste". Dans le détail, ils sont 18% à croire à une seule théorie du complot, 14% à deux théories, 13% à trois, 9% à quatre et 25% à plus de cinq. De quoi s'agit-il exactement ? 

[Une théorie du complot est] une tendance à attribuer abusivement l’origine d’un événement historique ou d’un fait social à un inavouable complot dont les auteurs présumés – ou ceux à qui il est réputé profiter – conspireraient, dans leur intérêt, à tenir cachée la vérité.

Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch

"Le plus inquiétant dans cette étude, c'est de voir que c'est un phénomène majeur", commente Rudy Reichstadt, également membre de l'Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean-Jaurès.

Une étude de la Fondation Jean Jaurès et de Conspiracy Watch mesure la crédibilité accordée aux théories du complot par les Français.  (Conspiracy Watch)

32% des Français pensent que le sida a été créé en laboratoire et testé sur la population africaine

Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont testé plusieurs "théories du complot" plus ou plus moins répandues dans la société française. "Je travaille sur ce sujet depuis dix ans, j'ai sélectionné les théories les plus importantes, celles qui circulent le plus", explique Rudy Reichstadt. Parmi celles soumises aux personnes sondées, l'idée que "le ministère de la Santé est de mèche avec l’industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins"  : 55% des Français sont d'accord avec cette assertion.

"Contrairement à d'autres théories qui sont des théories historiques, celle-là est d'actualité puisque cette année 2017 a été marquée par [le débat sur] les 11 vaccins rendus obligatoires pour les nouveau-nés, analyse Rudy Reichstadt. Savoir que c'est l'une des théories les plus connues et dont le taux d'adhésion est le plus fort, c'est préoccupant et ça peut avoir des incidences très concrètes."

Pour 54% des Français interrogés, "la CIA est impliquée dans l'assassinat du président [américain] John F. Kennedy". Ils sont 32% à souscrire à l'idée que "le virus du sida a été créé en laboratoire et testé sur la population africaine avant de se répandre à travers le monde", 31% à penser que "les groupes terroristes jihadistes comme Al-Qaïda ou Daech sont en réalité manipulés par les services secrets occidentaux" et 24% à croire en l'existence du "Nouvel Ordre Mondial", un projet secret visant à mettre en place "une dictature oligarchique planétaire"

Les jeunes plus sensibles aux théories du complot que leurs aînés

Autre enseignement de cette étude : les jeunes sont nettement plus perméables aux théories du complot que leurs aînés. Les moins de 35 ans sont ainsi deux fois plus nombreux à adhérer à au moins sept théories du complot que les plus de 35 ans (21%, contre 11%). 

L'effet générationnel est très fort. Or, les 18-24 ans sont les citoyens de demain et voir qu'ils ne sont pas immunisés face aux théories du complot constitue un défi. Je ne vois pas comment on peut inverser la vapeur.

Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch

à franceinfo

La Fondation Jean-Jaurès et Conspiracy Watch se sont également penchés sur la question du vote des complotistes lors de la dernière élection présidentielle. "Il y a une surreprésentation de l'électorat populiste chez les complotistes, explique Rudy Reichstadt. Les deux candidats qui ont ainsi capté le plus les complotistes 'endurcis' sont Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Au contraire, les électeurs de Benoît Hamon, d'Emmanuel Macron et, dans une moindre mesure, de François Fillon, résistent mieux aux théories du complot."

Graphique sur le vote des complotistes lors du premier tour de l'élection présidentielle de 2017. (Conspiracy Watch)

La perte de confiance dans les médias traditionnels

Dans ce contexte, une donnée se confirme : la perte de confiance dans les médias traditionnels est toujours aussi criante. "Le niveau de compromission des médias est effarant", fait remarquer Rudy Reichstadt en analysant le sondage. En effet, 36% des Français estiment que les médias sont largement soumis aux pressions du pouvoir politique et de l'argent, que leur marge de manœuvre est limitée et qu'ils ne peuvent pas traiter comme ils le voudraient certains sujets.

Ils sont également 30% à juger que les médias travaillent dans l'urgence et qu'ils restituent l'information de manière déformée et parfois fausse. Pire, ils sont 9% à croire que le rôle des médias est essentiellement de relayer une propagande mensongère nécessaire à la perpétuation du "système". Il reste donc 25% des interrogés qui pensent que globalement, les médias restituent correctement l'information et qu'ils sont capables de se corriger quand ils ont commis une erreur. 

Réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 19 au 20 décembre 2017, cette étude a été menée auprès d’un échantillon de 1 000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, complété par un sur-échantillon de 252 personnes de moins de 35 ans, qui ont été remises à leurs poids réel au sein de l’échantillon lors du traitement statistique des résultats. Au total, 1 252 personnes ont été interrogées. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d'agglomération.

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