[À vrai dire...] Comment des rumeurs sur WhatsApp ont pu coûter la vie à des dizaines d'Indiens ?
Parfois la diffusion de fausses informations peut mener au drame. Des dizaines de lynchages collectifs ont eu lieu ces derniers mois en Inde ; sur la foi de rumeurs propagées sur Whatsapp. Comment de simples messages sur smartphone ont-ils pû coûter la vie à des dizaines de personnes ?
"Attention des kidnappeurs d'enfants ont été repérés dans la région !" Voilà le type de messages -alarmants- que se partagent des milliers d'Indiens sur WhatsApp. Ces messages sont inventés de toutes pièces, même s'ils apportent de soi-disant preuves, souvent des vidéos. L'une des vidéos très partagées est présentée comme les images d'un enlèvement d'enfant filmé par une caméra de surveillance. C'est en réalité une fiction. Il s'agit d'une campagne de sensibilisation tournée par les autorités du Pakistan voisin.
Ces messages créent la psychose, distillent le soupçon. Et lorsque des inconnus sont de passages dans un village, lorsque ces inconnus parlent à un enfant, la foule se retourne contre eux. Le 1er juillet dernier, 5 personnes été passées à tabac et tuées. Ce fut le quatorzième lynchage collectif depuis le mois de mai. Au total, 23 personnes au moins ont perdu la vie.
Pourquoi le phénomène prend une telle ampleur ?
Le phénomène n'est pas nouveau mais ici, il est spectaculaire. Pour quatre raisons :
- les messages sont très largement diffusés. WhatsApp est l'application la plus populaire en Inde. 200 millions d'utilisateurs. Les Indiens l'utilisent aussi bien pour contacter leurs proches que pour recevoir de l'information.
- Ces messages s'appuient sur une réalité : 90 000 mineurs disparaissent chaque année en Inde.
- Ils sont réalistes. Le nom d'une ville ou d'un village tout proche est toujours cité dans le faux message, comme pour accentuer la psychose.
- Et puis ces rumeurs ciblent des victimes faciles : des marchands ambulants, des travailleurs saisonniers, venus de l'extérieur du village. En clair, des étrangers.
Qui est à l'origine de ces faux messages ?
Le problème est qu'il est difficile de remonter à la source de la rumeur car les échanges sur WhatsApp sont cryptés. La police a pu arrêter malgré tout trois hommes accusés de faire circuler de fausses informations. Et le journal "Times of India" révèle l'origine d'un des cas : le message malveillant n'était que la vengeance d'un adolescent contre un habitant d'un village voisin.
Quelle est la réaction des autorités ?
Une campagne de sensibilisation a été lancée par les autorités indiennes. Mais une mesure bien plus radicale a été prise à plusieurs reprises : la coupure pure et simple d'internet et des SMS sur les téléphones mobiles. Ce fut le cas encore le week-end du 30 juin 2018 dans tout l'Etat du Tripura, dans l'est du pays.
Il faut dire que, quelques heures plus tôt, c'est un représentant de l'Etat qui avait été battu à mort : le jeune Sukanta Chakrabarty, 33 ans. Il avait été envoyé de villages en villages avec un mégaphone pour inciter la population à ne pas donner de crédit aux rumeurs. Il a été lui-même pris pour un kidnappeur d'enfants.
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