Israël s'apprête-t-il à frapper l'Iran?
Les négociations sur le dossier nucléaire iranien sont dans l’impasse, et la menace des frappes préventives israéliennes se précise. Lors du sommet de l’ONU, le climat entre les deux pays est tendu.
MONDE - La guerre entre Israël et l'Iran aura-t-elle lieu ? Une fois de plus, le nucléaire iranien est l'un des dossiers chauds de l'assemblée générale de l'ONU qui se tient à New York jusqu'au lundi 1er octobre. Alors que les instances nucléaires internationales accusent l'Iran de préparer une arme atomique, Israël menace Téhéran de frappes préventives.
Mercredi 26 septembre, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, qui doit quitter le pouvoir en 2013 après deux mandats, prononcera son dernier discours devant l'assemblée générale des Nations unies. Dans une interview au Washington Post (lien en anglais), il s'est déjà dit sceptique quant aux négociations, tout en affirmant qu'il ne croyait pas "que les menaces israéliennes soient d'une importance fondamentale".
Alors, bluff ou véritable menace ? Israël a-t-il l'intérêt, la volonté et la capacité d'agir en amont contre l'Iran ? FTVi résume la situation.
Oui, parce qu'après, il sera trop tard
Pour Benjamin Netanyahu, c'est la dernière ligne droite pour agir. Le Premier ministre israélien veut frapper avant que l'Iran ne mette au point une bombe atomique.
Téhéran a toujours affirmé enrichir son uranium pour développer une énergie alternative au pétrole et des isotopes médicaux. Un droit garanti par le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1968.
Cependant, un rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) datant de 2011 estime que les travaux nucléaires du pays pourraient servir à des fins militaires. L'Iran enrichit l'uranium purifié jusqu'à 20%, un palier dit "symbolique" vers l'enrichissement à caractère militaire de 90%. De même, le dernier rapport de l'AIEA (PDF) affirme que l'Iran aurait doublé sa capacité d'enrichissement d'uranium à la centrale de Fordo, située dans un bunker souterrain, trop profond pour être touché par des bombes.
Une intervention militaire de ce type ne serait pas une première pour Israël.
L'Etat hébreu a déjà détruit par deux fois des sites qu'il soupçonnait d'être nucléaires : la centrale d'Osirak, en Irak, en 1981, et le site d'Al-Kibar, en Syrie, en 2007.
Oui, pour empêcher une attaque de l'Iran
Pour justifier la possibilité de frappes préventives, Israël insiste sur les menaces dont il fait régulièrement l'objet de la part des dirigeants iraniens.
En août dernier, lors d'un discours à l'université de Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad a ainsi affirmé que "les pays de la région [allaient] en finir prochainement avec la présence des usurpateurs sionistes sur la terre de Palestine", qualifiant "le régime sioniste" de "tumeur cancéreuse".
Peu avant, c'était l'ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême iranien, qui avait annoncé qu'Israël, une "excroissance sioniste artificielle, disparaîtr[ait] du paysage" de la région, comme le rapportait Le Point.fr le 17 août.
Non, parce que les sanctions peuvent être renforcées
Lundi, jour de l'ouverture de l'assemblée générale de l'ONU, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont demandé officiellement de nouvelles sanctions de l'Union européenne contre l'Iran. Ils espèrent faire adopter le 15 octobre des mesures contre les secteurs de l'énergie, des finances, du commerce et des transports iraniens.
Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a estimé que de nouvelles sanctions offraient "une solution diplomatique et pacifique du conflit" et qu'elles "peuvent faire plier l'Iran".
Les sanctions internationales pèsent déjà sur les banques et l'industrie pétrolière iraniennes, affaiblissant l'économie du pays, fortement dépendante de l'or noir. La monnaie iranienne, le rial, a chuté de plus de 4% en moins 24 heures, mardi.
Non, parce que l'opinion israélienne n'est pas convaincue
Les attaques préventives ne font pas l'unanimité dans la classe politique israélienne. Benyamin Netanyahu et le ministre de la Défense, Ehud Barak, affrontent les partisans d'une approche diplomatique, comme le président israélien, Shimon Peres.
L'opinion publique, elle, compte encore sur la communauté internationale. "Elle est prête à une frappe israélienne unilatérale en Iran, mais seulement si elle a la certitude que les Etats-Unis ne le feront pas", explique Charles Enderlin, le correspondant de France 2 à Jérusalem joint par FTVi.
Il poursuit : "Selon le dernier sondage réalisé par l'université de Tel-Aviv et l'Institut israélien pour la démocratie, 56,7% des Israéliens juifs pensent que les déclarations de Netanyahu et Barak relèvent d'un bluff destiné à pousser les Américains à prendre l'initiative et 30% seulement considèrent qu'il s'agit d'une réelle intention d'attaquer le nucléaire iranien. Mais 72% sont en faveur d'une opération internationale en Iran. Et dans le cas où ni les Américains ni la communauté internationale n'interviendraient militairement, 45% considèrent qu'Israël devrait agir."
Non, parce que la menace ne serait pas anéantie
Le général Martin Dempsey, chef d'état-major des armées américain, a estimé qu'un raid militaire sur les sites iraniens "ralentirait le programme nucléaire iranien sans le détruire", selon The Guardian (lien en anglais).
Charles Enderlin précise : "D'après ce que l'on sait des débats au sein de l'état-major, les militaires israéliens considèrent qu'ils sont capables de mener une telle frappe, mais que cela ne ferait que retarder le nucléaire iranien d'un an, peut-être deux."
Non, parce que les Etats-Unis ne bougeront pas (tout de suite)
Ce qui retient les partisans des frappes, c'est aussi la gestion des conséquences immédiates. "La question se pose sur la suite d'une telle opération, analyse Charles Enderlin. La communauté internationale suivra-t-elle ? Et surtout, quelle serait la réaction du Hezbollah ? La milice libanaise riposterait-elle par des tirs de missiles sur Israël ?"
Autant de difficultés qu'Israël ne peut gérer sans son allié américain. "Je pense qu'il faut définir une ligne rouge avant qu'il ne soit trop tard", a déclaré Benjamin Netanyahu le 16 septembre, rapporte Euronews. Un discours destiné à forcer la main à Barack Obama. "Les généraux israéliens ainsi que leurs homologues passés et présents du Mossad sont pour l'heure opposés à une offensive qui n'aurait pas l'aval, le soutien et la coopération des Américains", précise Charles Enderlin.
Or, en pleine campagne électorale outre-Atlantique, l'appui américain ne semble pas être à l'ordre du jour. Les frappes pourraient donc encore attendre.
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